vendredi 6 décembre 2013

Thriller.







- Pas la peine de sortir deux voitures je passe te prendre me téléphone mon amie Michèlle…
A dix sept heures, exacte comme un coucou suisse mon amie se gare devant le portail.
Ma vie sans problèmes n’étant plus qu’un vague souvenir, je me livre au cérémonial d’abandon momentané du prince Igor (d’Hossegor).
Je l’installe dans la véranda, porte ouverte sur le jardin récemment grillagé à son intention. Je lui explique avec moultes caresses, qu’il doit rester sage, que je vais revenir vite et malgré son air absent, je le laisse, persuadée que son « acquis dans le langage » lui a permis de me comprendre parfaitement.
Bien, nous voilà parties pour la conférence musicale donnée à la fac par notre talentueux ami Henri V à propos de Charles Trenet. Nous rentrons au crépuscule chantant à tue-tête les  refrains les plus entrainants de l’artiste. En arrivant devant chez moi je suis effarée de voir se dresser devant la voiture, dans la lueur des codes, mon voisin, un grand malade qui sort très peu et seulement de jour… quand il fait beau, se dresser devant le capot, bras en croix comme à Tian’ Anmen. Avant que Michelle coupe le moteur, au moment où je descends inquiète, le brave me hurle comme un mari jaloux :
- Où étiez-vous ?                     Je lui réponds, poliment interloquée, avec une folle envie de rire :
- Je suis allée avec mon amie à une conférence et suis sortie durant  deux heures. Je m’aperçois alors qu’il n’est pas seul mais entouré d’un groupe formé de mes plus proches voisins, avec lesquels  j’ai d’habitude, des relations d’une courtoise indifférence. Là, je les vois inquiets. On me raconte :
- Votre chien s’est échappé sous la pluie battante. Une dame amie des bêtes l’a recueilli sur la route où il slalomait au milieu de la circulation et l’a amené chez un vétérinaire. Grâce au tatouage la dame a eu vos coordonnées et vous a téléphoné. Ennuyée par ces appels sans réponse elle s’est rendue dans le quartier et frappé à une porte . Nous avons alors constaté que votre voiture était garée sur  trottoir. Nous avons pénétré dans le jardin, puis la véranda et avons constaté que la porte d’entrée était fermée . Inquiets nous avons sonné, frappé, retéléphoné, en vain. Vous êtes inconsciente, quand on vit seule on laisse à un voisin un double des clés et les coordonnées de quelqu’un à avertir en cas de difficulté ! Vous rien ! On a envoyé les plus agiles faire le tour par les jardins de derrière, ils ont constaté que les volets étaient fermés…
Mon bon voisin, ancien maire, reprend la parole :
- Alors nous avons pensé qu’il vous était arrivé un problème et j’ai appelé police secours. Oh ! J’allais oublier de les rappeler pour annuler :  ils m’avaient assuré que la patrouille était en route...
Au fur et à mesure que je les écoutais mon court fou- rire avait laissé la place à une vague de tendresse et dans un élan de reconnaissance  je me suis jetée au cou de chacun.
La dame qui avait sauvé Igor, ayant laissé son numéro quelqu’un l’a appelée, j’étais encore un peu K.O  quand venant de l’autre bout du canton elle m’a ramené le fugueur. Encore des embrassades.
Rentrés au calme et à l’abri mon  catastrophique compagnon et moi avons épongé de conserve notre traumatisme. Igor sur mes genoux inerte comme un vieux gant de toilette, moi le cœur remué par la  bonté de tous ces  gens.
Au matin le bestiau sautillait de nouveau, guilleret, entre ses crottes fin prêt pour une nouvelle série de bêtises. Moi, je faisais du porte à porte avec champagne et chocolats et surtout remerciements sincères .
J’ai fait des essais et constaté que sous cette épaisse bourre de poils Igor a la stature athlétique d’un rat moyen. Grillage à refaire. 
Je l’avais dit que je ne voulais pas de chien.
Quand même, merci Igor !


9 commentaires:

  1. J'en pleure d'émotion!
    Mais, si je peux te faire profiter de ma looooongue expérience de cohabitation avec des compagnons poilus (trop gâtés, mal dressés..oui, oui, je sais... tiens? ça rime!), donc de cette expérience je peux te dire qu'aucun grillage n'arrêtera un chien. Parce q'un chien, ça fait des trous et quand ça ne passe pas au travers, ça passe dessous. Et ils ont toujours une bonne raison pour le faire... te chercher ou suivre une chienne "qui sent bon" ou toute autre raison cohérente à leur esprit
    Moralité: le chien ne peut rester seul que dans un endroit clos (aéré tout de même) et fermé à clef. Laisser une clef à quelqu'un ou dans une cachette que quelqu'un de proche connaît en cas de danger. Et là tu peux laisser Charles Trenet puisque ton chien, lui est bien rangé.
    Bise à Igor... il a vraiment une bonne bouille

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  2. PS- La véranda, c'est parfait...à condition qu'elle soit fermée. Il peut voir ce qui se passe dehors, il ne s'ennuie pas.... maintenant.... si tu as des plantes fragiles....

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  3. Rooh là, là, mais quelle histoire ! Au moins tu peux compter sur la vigilance de tes voisins et leur amitié... Il semblerait que ton Igor soit très dépendant de toi... cela devient très fusionnel !!! :-)
    BISOUS et remets-toi Manouche de ces belles émotions !

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  4. de Igor Barrère à Igor barrière... Wouaf ! Je me poile...
    Bzzz... : )

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  5. Ah ben bravo à Igor!
    Grâce à lui tu sais maintenant que tes voisins ne sont pas des individualistes indifférents!

    ***
    Bises et bon weekend à vous deux.

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  6. Rien de tel pour renouer les liens de voisinage. Et nous tenir en haleine.

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  7. heureusement que ce n’est pas un bull mastif sinon tu n’aurais retrouvé que les ruines de ta maison.muxu

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  8. Un vrai suspens. Le prince Igor est un drôle de loustic !

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  9. mais sur les photos, on voit qu'il a compris !

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