mercredi 31 décembre 2014

Réveillon



Je l’avais déjà remarquée en entrant dans le bar du Restaurant Richelieu. Seule, elle inclinait sur son Martini une jolie tête auréolée de ces boucles blondes que j‘aime tant et qui ne sont plus du tout à la mode. Les jeunes femmes arborent des cascades de  tristes cheveux lisses comme celle de la table à côté, tout endimanchée, main dans la main avec un gros benêt, son mari sans aucun doute au vu de sa mine morose. Ils attendent l’heure correcte pour se diriger vers le restaurant. Ils y retrouveront des amis, des couples comme eux, tout aussi décidés à fêter le Nouvel An même si l’envie n’y est pas. Des amis-amis ou des relations professionnelles du genre « nous sommes également unis dans le plaisir comme  dans le travail ». Pouah ! J’ai connu tout cela. Avec ma femme. Quand j’en avais une. L’intérêt du divorce et de la liberté  retrouvée  c’est qu’on n’a plus à se faire suer dans des réjouissances obligatoires.
 Allons, soyons francs, la liberté quand elle se conjugue avec la solitude est assez pesante certains jours.
C’est vrai j’ai déjà sifflé trois whiskies mais je suis lucide, cette fille est une beauté. Pourtant j’en ai vu des jolies et même des très jolies mais celle-ci... Elle a quelque chose de différent. Elle est assise sur la banquette en velours, un peu de biais, son élégante silhouette drapée dans un fourreau d’un rouge profond. Les glaces des bars offrent le grand avantage pour les mateurs comme moi qui consomment sur le zinc, de tout voir avec  discrétion. J’en profite, je détaille ce profil délicat que la bougie parfumée sur la  table nimbe d’un rose charmant. Je ne la regarderais pas avec  autant d’attention si elle était accompagnée. Elle n’a pas l’air d’attendre et ne manifeste aucune impatience. C’est bizarre. Un trente et un décembre comment une telle merveille peut-elle finir l’année seule?            Moi, c’est normal. J’ai fait assez le con pour cela. Il y  a quelques types comme moi au coude à coude devant des alcools forts avec la mine de vaincus par des bilans sinistres. La nuit va être longue. Pourquoi est-elle propice à faire le point, à distiller des regrets. Des remords peut-être ?
 Tout à coup comme si elle avait senti  mon insistance la jeune femme tourne la tête vers le bar. 
Quel choc !  Dans la demi-pénombre intimiste, des yeux immenses tellement clairs mangent ce ravissant visage encadré d’une auréole dorée… Elle a peut-être repéré mon dos athlétique ? C’est cela le charme. Enfin, jusqu’à présent, aujourd’hui, le mien n’a guère opéré… J’avais bien essayé, un peu honteux, tous les appels classiques, en vain. Mon portable avait subi tous les affronts  depuis celui de Léa mon ex- femme qui m’avait injurié d’avoir oublié qu’elle était remariée et m’avait rebattu les oreilles de son bonheur tout neuf, jusqu’à celui de Chloé ma dernière petite amie en date, trop jeune, qui préfère « tu comprends ? » réveillonner avec ses copains et ses copines. Quelle connerie ces  fêtes ! On se dit que cela n’a aucune importance, que cette dernière nuit de l’année n’a rien de plus que les autres. N’empêche.
Derrière les vitres l’obscurité bêtement trouée de guirlandes lumineuses est lourde et froide. Aucune envie de sortir. Pourtant il faudra bien que je rentre chez moi après un dernier verre pendant que tous ces imbéciles feront la fête.
Elle doit être douce et si elle refuse mon invitation, je suis sûr que ce sera avec gentillesse. Qu’est-ce que je risque ? S’il y a  bien une nuit où on peut rêver…
 Je vais tenter ma chance. Je lampe cul sec mon quatrième godet et pivote sur mon tabouret. Au même moment, dans un courant d’air glacial, la porte s’ouvre sur une espèce de superbe gaillard souriant. Ben voilà, c’est évident, c’est  lui le gagnant ! Ils sont beaux, jeunes, ils s’aiment. Une aigre jalousie monte dans ma gorge.  L’homme s’avance vers la beauté en rouge qui sans un mot lève vers lui un visage radieux. De sous la banquette émerge, s'ébrouant tout  joyeux, un grand labrador.
Harnais tenu  par la jeune femme il leur ouvre la marche vers sa nuit.

15 commentaires:

  1. Que pasa por ahí, por aquí de momento nada.

    Besos. manouche.

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  2. Bonjour, manouche.

    Bonne Année. Je souhaite le meilleur.

    Je dédie beaucoup de merci pour votre soutien.

    accueil chaleureux
    Du Japon, ruma ❃

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  3. Tu cuiltura llega a tus amigos con todas las fuerzas
    Feliz año nuenos

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  4. du beau,du bon,du bonheur pour 2015, hic!
    Bzzz...

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  5. Un réveillon à trois, c'est mieux qu'un réveillon tout seul même si les regards se perdent.

    - Toc toc!
    - C'est qui?
    - C'est Lapinou
    - Lapinou qui?
    - LAPINOU YEAR POUR TOI !

    bon j'ai honte.
    bizzzzzzzzz

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  6. Raah... du coup il a fini la nuit au bar non ???
    Bonne année Manouche et plein de GROS BECS !!!

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  7. Vivement lundi, qu'on efface cette pénible "trêve des confiseurs" pendant laquelle il faut baffrer, embrasser, rigoler, offrir comme une obligation.

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  8. Un labrador c' est quand même mieux qu' un cocker, ça n' a pas les oreilles tristes surtout lorsque l' on se met sur son trente et un!
    L' année va, Manouche et c' est comme vous voudrez.

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  9. Ahhh ces blondinettes!!

    On y est déjà, Manou.

    Et ce 2015 sera coquin ou ne sera pas...
    ;)
    Bizz de Nouvel An.

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  10. Pas de chance ! Je lui souhaite quand même une excellente année 2015 !

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  11. Bonne année 2015 joyeuse Manouche.

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  12. Heureusemnet pour le beau jeune homme, je n'y étais pas!

    Grand-Langue

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  13. Belle et bonne année, Manouche. Continue à nous faire rire en 2015.

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  14. Très beau texte.

    Bonne Année Manouche :)

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  15. J'ai trouvé une solution simple à ce genre de problème : je me barricade chez moi pour les fêtes : je me mitonne mes plats préférés, je m'offre un nouveau jouet, je fume ma beuh et je me plonge dans mes univers personnels (relire des romans que j'ai écrit, en écrire des bouts d'autre...) Comme ça, je ne m'emmerde pas avec ces fêtes qui collent cette pression insensée pour tous nous faire ressembler à ce que nous avons pas forcément envie d'être.

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