mercredi 29 avril 2015

Docteur Fred

 Il était une fois quatre individus qu'on appelait:
 Tout le monde - Quelqu'un - Chacun et Personne
 Il y avait un important travail à faire et on a demandé à Tout le monde de le faire.
 Tout le monde était persuadé que Quelqu'un le ferait. Chacun pouvait l'avoir fait, mais en réalité         Personne ne le fit.
 Quelqu'un se fâcha car c’était le travail de Tout le monde !
 Tout le monde pensa que Chacun pouvait le faire et Personne ne doutait que Quelqu'un le ferait
 En fin de compte, Tout le monde fit des reproches à Chacun
 Parce que Personne n'avait fait ce que Quelqu'un aurait pu faire.

 MORALITÉ
 Sans vouloir le reprocher à Tout le monde il serait bon que Chacun fasse ce qu'il doit sans nourrir l'espoir que Quelqu'un le fasse à sa place car l’expérience montre que là où on attend Quelqu'un ,
 généralement on ne trouve Personne !

lundi 27 avril 2015

samedi 25 avril 2015

La chronique du docteur Fred.





Il y a des personnes qui lorsque que vous jetez distraitement  le papier métallique d’un bonbon en font une division blindée. Prenons l'exemple d’une femme qui pique dans une conversation anodine le mot prononcé par son interlocuteur qui, pour une raison quelconque, la blesse. Elle assure aigrement qu’il se réfère à une souffrance ou une contrariété passée. Le compagnon l’ignorait ou l’avait oublié, mais sa remarque légère et innocente comme ce petit bout de papier d’alu, va déclencher la tempête. Orage à épisodes multiples, renouvelés depuis quatre, cinq, dix ans peut être… on dirait comme les tornades qu’il s’alimente de lui-même chaque fois un peu plus violent. L’anecdotique gonfle au dramatique, le reproche tourne au  contentieux et rien ne peut enrayer le phénomène. Ni explications, excuses, regrets... le profil bas silencieux présenté par le prétendu fautif intensifie même la rancune de l’autre.

Il se produit chez l’ulcérée une turista dans les boyaux de la tête se manifestant en acide diarrhée verbale. La comparaison est scato, c’est  possible mais, pense celui qui doit subir, il est parfois nécessaire de se soulager.

 Dans une prochaine conversation le choix minutieux des mots n’empêchera pas qu’il s’en trouvera un qui, malgré son innocuité, déclenchera l’éternel bazar. Le cas est connu, et, on le sait, sans remède. Le processus est vain, improductif sans espoir de consolation et paralyse toute tentative de dialogue. Ce feuilleton à épisodes de plus en plus insupportables peut empoisonner toute une vie.

Certains hommes réduits au silence connaissent ce problème, si des femmes ont la lucidité de se retrouver  peu ou prou dans ce portrait peu flatteur qu’elles mettent un peu de terre sur ce qui les a peinées un jour, renoncent à raviver leur contrariété, à la ressortir démultipliée à la moindre occasion.

Se faire aider peut-être, y réfléchir sûrement

mardi 21 avril 2015

Tri Sélectif -4-

Envoyé très spécial.
- Norbert-Benjamin vous avez l'antenne
- Nous nous trouvons dans le jardin du forcené dont la villa est cernée par les troupes spéciales.
- Pouvez-vous voir ce qui se passe à l'intérieur du pavillon ?
- Pas pour le moment... mais on devine que cela va bouger...
- Voulez-vous, pour nos auditeurs, faire un rapide tour de la situation.
- Dès que nous avons été avertis à 6h ce matin qu'un maniaco-dépressif injoignable au téléphone s'était retranché dans sa maison avec son fusil, ses trois enfants et son chien, nous nous sommes rendus sur les lieux.
- Cela fait donc 12h que  vous êtes là. Ce n'est pas trop difficile, vous devez avoir froid ?
- Nous ne faisons que notre travail pour pénible qu'il soit et devons être là pour diffuser l'information au plus près. Jusque là aucun événement n'a eu lieu, si, à midi, on a vu arriver un livreur de pizzas, on suppose que le suspect les avait commandées. Le livreur assujetti au secret professionnel n'a pas voulu dévoiler la composition des pizzas.
- Que savez-vous du forcené ?
- Ce que vous nous en avez communiqué : Il s'agit d'un dénommé Leblanc, assureur de 45 ans inconnu des services de police . Divorcé ayant la garde alternée de ses enfants il devait les remettre hier soir à son ex-épouse.
Attention ! un rideau vient d'être tiré dans ce qui doit être le living. Le moment est crucial.
Maintenant ce qui est tiré est plus grave: un bruit très sec, il s'agit peut-être d'un coup de feu. On souhaite que le criminel n'ait pas touché ses enfants. Quel suspense !
- On peut rappeler que cette affaire ressemble à celle du Vernier où un père avait assassiné toute sa famille, croyez-vous que ce sera le cas ?
- Il faut espérer que non mais si c'est le cas nous vous rappellerons aussitôt.
- Que sait-on de cet homme ?
- Comme souvent les grands criminels, apprécié de son entourage, il paraissait sans histoire. On a relevé toutefois une rare anomalie dans son enfance.
- Dites...
- Son père musulman et sa mère juive formaient un couple étonnamment heureux.
- Effectivement il y a de quoi être déstabilisé.
- Attention, je garde l'antenne il se passe quelque chose ! Le déséquilibré apparait sur le perron tenant un caniche nain en laisse. L'officier du RAID, kalachnikov pointée, interpelle l'homme et revient vers nous...
- Nos auditeurs doivent savoir !!! que vous a-t-on rapporté de l'intervention policière?
- Le suspect a déclaré aller faire pisser son chien, les trois petits sont alités  depuis hier avec la rougeole, il attend le médecin.
- Merci Norbert- Benjamin vous honorez votre indispensable profession, quel courage, quelle présence!
Nous reprenons l'antenne, prenez bien soin de vous .

lundi 20 avril 2015

Club Med

                              Avec des photos perso, un chef de village et des g.o typiques, quelques idées     pour illustrer la nouvelle pub :




















dimanche 19 avril 2015

Ecolo de printemps

Refrain:
Couchés dans le foin
Avec le soleil pour témoin

Un p'tit oiseau qui chante au loin
On s'fait des aveux
Et des grands serments et des vœux
On a des brindill's plein les ch'veux
On s'embrasse et l'on se trémousse
Ah! que la vie est douce, douce
Couchés dans le foin avec le soleil pour témoin.
 
Il ne faut pas que je vous cache
Que j'eus toujours la sainte horreur des vaches.
Dans ma famille, c'est un tort,
Hélas! le métier de toréador
N'a jamais été notre fort.
J'aimerais mieux qu'on m'injurie,
Qu'on me pende ou qu'on m'expatrie
Plutôt que de toucher un pis,
Un pis de ma vie.
Je suis ainsi, tant pis
Et c'est dommage.
La fille de la fermière est charmante et on a le même âge
Par bonheur pour les amoureux,
Il est au grand air d'autres jeux
Des jeux que j'aime davantage.
{Refrain:}
Vous connaissez des femmes du monde
Qui jusqu'à quatre-vingts ans restent blondes
Qui sont folles de leur corps.
Pour leurs amours il leur faut des décors
Des tapis, des coussins en or
De la lumière tamisée
Et des tentures irisées
Estompant sous leurs baisers
Des appas trop usés,
Eh bien tant pis,
Mais c'est dommage.
Quand on est vigoureux, quand on aime et qu'on a mon âge
Tous ces décors sont superflus
Les canapés je n'en veux plus
Je ne fais plus l'amour en cage
Gardez, gardez vos éclairages.
{Refrain}

samedi 18 avril 2015

Déjà vu, mais ...

Un grand malheur est arrivé à l'abbaye et j'ai la pénible mission de vous en faire part.

Mardi soir, pendant que l'abbé Nédictine donnait les dernières grâces, l'abbé Quille perdit l'équilibre dans l'escalier et tomba inanimé dans les bras du Père Iscope.Les révérends pères, en perdant l'abbé Quille, perdaient leur seul soutien.

Un seul restait joyeux : le père Fide.

Quant à l'abbé Tise, il n'y comprenait rien. Il aurait bien voulu que le saint Plet l'aide à comprendre ce qui c'était passé mais rien n'y fit.

Après l'accident de l'abbé Quille, on alla chercher le Père Manganate et le Père Itoine, les deux médecins de l'abbaye.

Ils pensaient ranimer le malheureux mais leurs efforts furent vains et celui-ci décéda peu après.

Le lendemain fut donc célébré son enterrement. Chacun fut appelé à l'abbaye par les célèbres cloches du Père Sonnage. La messe fût dite sur une musique de l'abbé Thoven.

Le père Ocquet fut chargé du sermon et comme il n'y avait pas de chaire, il monta sur les épaules du Père Choir.

A la fin de l'homélie, le Père Cepteur fit la quête et remit les dons ainsi recueillis à notre frère africain, l'abbé N'Pé.

Après la messe, une grande discussion s'engagea pour le transport de la bière : l'abbé Canne et l'abbé Trave voulaient passer par les champs. Le Père Clus s'y opposa.

L'abbé Casse en fut enchanté.

Le Père San avec sa tête de turc ne voulait rien entendre.

Le Père Vers et le Père Nicieux semaient le doute dans les esprits.

Finalement on décida que, comme à l'accoutumée, l'abbé Taillière serait chargé du transport du corps du défunt.

Devant la tombe creusée par le Père Forateur et en l'absence du Père Missionnaire, l'abbé Nédiction donna l'absolution.

le Père Venche et l'abbé Gonia avaient joliment fleuri la tombe.

Celle-ci fût recouverte d'une belle pierre tombale préparée par l'abbé Tonneuse.

Sur le chemin du retour, le spectacle fut déchirant.

Le Père Pendiculaire était plié en deux de douleur et de chagrin.

L'abbé Vitré était lui aussi plein de larmes.

La Mère Cédés , invitée pour l'occasion, fermait la marche en compagnie du frère du Père Igord.

A l'arrivée, le Père Sil et l'abbé Chamelle préparèrent le repas tout en consultant les livres culinaires du saint Doux.

Le Père Nod et le Père Collateur servirent à boire et chacun pût se remettre de ses émotions.

Signé : L'abbé BICI







vendredi 17 avril 2015

Tri sélectif- 3- le mot : assorti

Je crois que ma grand-mère et son élégance de pauvre nous a légué sa manie de "l'assorti"...
- Tu n'y penses pas un chemisier à carreaux avec une jupe à fleurs...ce n'est pas assorti.
- Regarde un  peu ce couple ridicule : ce petit homme énorme et cette géante maigre comme un clou, ils ne sont  vraiment pas assortis etc, etc...
Nous farfouillions dans un magasin de cuirs sublimes à Buenos Aires. J'avais déniché un magnifique sac à main d'un gris rare et je cherchais désespérément le porte-feuille de la même teinte. Mon amie argentine se moquait:
- Ah ces français il leur faut toujours assortir leurs accessoires !


Je veux bien que ce soit ridicule mais les êtres et les choses qui vont bien ensemble c'est quand même plus agréable à l’œil, n'est-ce pas ?

mardi 14 avril 2015

Tri sélectif -2-

Notre envoyé très spécial:
-  Comment allez vous Majesté?
-  C'est gentil ( dans le sens de aimable, ici pas de hiérarchie) de prendre de mes nouvelles
- Votre Altesse comment va la tête ?
-  Ma tête ? Oui, j'ai souvent des migraines


-   Ah oui, le fameux syndrome du membre manquant…

- Malgré cela je me plais bien ici , je me suis remis à la serrurerie, je passe mes journées avec Saint Pierre, un autre fanatique des clés.
- Et vous, Madame, avec le recul faites-vous un bilan de votre dramatique destinée,croyez-vous avoir fauté quelque part ? Par exemple, est-ce que vous pensez :  "Marie-Antoinette tu as été trop futile, tu as gaspillé les finances publiques" ?
- Que  d’histoires pour quelques diamants ! Et le Trianon cela aussi on me l’a reproché mais j’étais en avance avec mes arbres, mes fleurs, et mes agneaux .D’ailleurs vous y venez à mon amour de la nature. J’aime beaucoup cette petite dame qui porte un double lorgnon rouge  et qui se dit curieusement verte.
- Mais comment ! Vous nous voyez ?
- Mais bien sûr, il y a ici Edison, le champion de la capture d’ondes qui nous a installé un  cumulus- écran qui couvre toute la terre. Je regarde souvent  des realityshow, Louis est plus branché Arte.
- On peut dire qu’il n’est pas rancunier ! A propos de rancune, Majesté, vous devez avoir une haine féroce contre les révolutionnaires qui vous ont amenée à l’échafaud ?
-Baste ! Danton, Marat, Robespierre...  Vous savez ils sont arrivés ici vite après nous. Quels amis charmants ils sont devenus. Il y a pénurie de jeunes femmes, ma beauté les attire et j’avoue me complaire dans la compagnie de ces jeunes hommes fougueux qui me changent agréablement des barbons de la cour.
- Finalement vous êtes heureuse ?
- Bien plus qu’en bas, et c'est pour l'éternité et je chante avec ma copine Édith :

 « Non rien de rien je ne regrette rien » !


jeudi 9 avril 2015

Houellebecq



En général le hasard, le coup de foudre, le conseil ami, la fréquentation suivie de quelques écrivains favoris déterminent mes lectures, jamais le tamtam médiatique Ne jamais dire jamais, j’ai même fait un caprice pour que mon amie Dany me passe son « Soumission »…
De Houellebecq je connaissais surtout la silhouette chétive, le visage ingrat et maladif la bouche édentée qui laissait tomber comme à regret quelques mots lors d’interview où il paraissait souffrir autant que nous.
C’est sans doute idiot de s’intéresser au physique d’un « intellectuel » celui-ci faisant en général tout son possible pour bien montrer que l’intérêt que représente sa personne est ailleurs, caché, parfois très bien caché… On ne peut être la tête et les jambes n’est-ce pas ? Enfin ce Houellebecq me donnait l’impression de ces êtres qui même élégamment vêtus ou sapés d’un look informe ont l’air  d’être sales et de se présenter entre taches de café, miettes graisseuses et trous de cigarette. Bon, n’exagérons rien je remarquais aussi le regard particulièrement intelligent et une certaine fragilité assez touchante semblable à celle de la créature des marais du « Seigneur des anneaux ».

 Ignare que je suis, je ne m’attendais pas à recevoir une telle leçon de littérature et chaque page lue me plongeait le nez profondément dans la triste bouillie de ma bêtise ! Je m’attendais à un récit polémique dans un sens ou dans l’autre habillé de beaucoup d’humour comme on l'espère d’un roman d’anticipation. En fait les longs développements littéraires démontrent le constat fait par eux-mêmes que les intellectuels représentent une élite  avec cet égoïsme de caste supérieure qui fait table rase des préoccupations du bas peuple. On ne sait comment celui-ci réagirait à la dramatique conjoncture, résisterait-il ? La position des universitaires plus ou moins hésitants est en conclusion le choix lâche du confort et de la sécurité qui permet la poursuite des passionnantes recherches et l’assurance d’un luxueux salaire. Ils sont au-dessus du lot ils n’ont rien de commun avec les « gens d’en bas », leur désir de reconnaissance passe avant toute chose et ils n’ont que  mépris pour les désirs des simples mortels. Les nourritures terrestres et la vie sexuelle sont traités avec une gourmandise  désinvolte, ils ne posent pas problème mais sont  sans intérêt majeur. Les lourds développements sur les carrières universitaires assorties de la sécurité que donne une retraite confortable, sont assez indigestes à la lecture. C’est Paris et dans Paris la Sorbonne... Je pensais « Au tout petit monde » dans lequel David Lodge fait évoluer des Profs de fac avec un humour décapant... Ces discussions savantes entre spécialistes pointus rappellent aussi celles des artistes et autres esthètes dans les dialogues de Woody Allen... Les intellectuels quoiqu’il arrive tirent leur épingle du jeu. Les autres on ne sait pas. Se soumettre ou pas ?
 Par contre les femmes ! Mais il n’y a pas de quoi s’appesantir sur leur sort, pour l’auteur « soumises » elles le sont depuis toujours, alors, un peu plus un peu moins !!!!
Si la parution de ce roman  n’avait pas eu lieu au lendemain du drame de « Charlie Hebdo » sans doute n’aurait-il pas donné naissance à une polémique aussi virulente. Le problème était  dans le peu de distance entre la fiction , une  dramatique réalité et les craintes qu’elle engendre. Le thème paraissait d’une brûlante actualité et, sans recul, les critiques se sont déchainées.
La question : ce roman est-il pro ou anti musulman ne se serait pas posée  si on avait vu dans ce livre une fable politique en milieu fermé plus ou moins  bien réussie capable d'inciter nos politiques à plus de vigilance laïque et républicaine.
J’aimerais bien connaitre votre opinion, parce que moi, c'que j’en dis, c’est  façon d’causer…

mercredi 8 avril 2015

lundi 6 avril 2015

Ma Campagne (régionale)






On nous l'ait annoncé, le soleil serait avare

         Quelques timides floraisons






           Une promenade bucolique






         Un courant violent





                        Des berges fleuries






Au lac, des pêcheurs courageux


                             Au retour, chauffage rallumé, un thé et le nom du jour en deux coups !

samedi 4 avril 2015

La Roue tourne




J’avais l’habitude de déjeuner chez ce Routier qui répondait bien à la publicité « Les routiers sont sympa ». C’était l’époque où après avoir été d’infâmes bouibouis et avant celle où ils étaient devenus de coûteux repaires de bobos on y mangeait très bien pour des prix raisonnables. J’aimais  y retrouver, l’hiver, cette chaleur caractéristique qui venait de la cuisine avec des odeurs appétissantes. La buée qui se condensait sur les longues vitres naissait aussi de la chaleur de tous ces clients en gros pulls. Le porte- manteau croulait sous les canadiennes et les lourds manteaux de laine. J’aimais aussi la façon dont la serveuse guettait chaque entrée la saluant d’un cordial :
_ Bonjour-- combien de personnes ? Renseignée, depuis le comptoir, avec le sourire mais d’un doigt impérieux elle désignait la table adéquate.
J’avais droit en général à une « table pour un » dans le coin tranquille des voyageurs de commerce. Un peu à part des routiers qui se saluaient à grands cris et discutaient bruyamment d’une table à l’autre en enfournant la côte de bœuf maison ces solitaires goûtaient d’une pause tranquille dans leur journée de course à la vente.
Je n’avais pas leur allure et je voyais que malgré l’inévitable journal déployé à côté de leur assiette j’attirais des regards curieux. Cela ne me gênait plus. J’avais oublié que j’étais jeune et jolie…
 Je venais manger là parce qu’il fallait bien se nourrir que je trouvais l’atmosphère confortable, je ne m’intéressais guère aux personnes qui m’entouraient. Il y a bruit et bruit. L’entrainement à l’oral avec les stagiaires était épuisant dans l’écoute attentive, en général ils étaient très sympathiques et j’aimais mon travail. Mais quand je devais passer la pause de midi avec eux c’était vraiment pénible parce que chacun se défoulait, racontait sa vie jusqu’au moment, au dessert en général, où on me sollicitait pour que je raconte la mienne. Le sourire et l’optimisme prétendus contagieux faisant partie du job, j’inventais quatre bêtises qui faisaient rire et les soulageaient un peu de leurs problèmes. Il fallait embrayer sur le travail de l’après-midi où  je devais lutter  contre la fatigue. Je n’étais guère solide et mon état, dans la mouvance actuelle, aurait requis l’aide d’un psychologue et même d’une cellule de crise ! Ce n’était pas  la mode. Il fallait s’en sortir tout seul. Oui, le bruit ici il était intense mais diffus et ne me concernait pas directement. Un vrai lavage cerveau que j’appréciais chaque fois que dans ma journée d’animation j’avais la possibilité de déjeuner seule avant d’aller retrouver mes ouailles.

 J’ai levé la tête quand  la serveuse a crié :
_ Cinq-- tout est pris mais je vais vous arranger des petites tables au fond, suivez-moi.
Elle installe en un tour de main les nouveaux arrivés à côté de moi. La dame charmante, élégante,  me salue d’un sourire, le monsieur s’incline. Ce ne sont sûrement pas des habitués de ce genre de restaurant. Mon coup d’œil professionnel les classe rapidement à un autre niveau… un incident sur leur parcours où  cet arrêt n’était pas prévu ? Le couple face aux trois enfants devise tendrement et je bouche mentalement mes oreilles pour être sûre de ne rien saisir de leur dialogue. Les enfants, vraiment beaux, un garçon et une fille d’une douzaine d’années, le troisième, une petite fille, un adorable bout de chou de deux ou trois ans, croquent leurs frites avec un joyeux appétit. Une si jolie famille ! Le père, le bras posé sur le dossier de la chaise de sa femme, penche régulièrement  la tête contre son cou, lui parle à l’oreille. Elle rit doucement. Comme tous les enfants heureux ceux-ci émaillent leur discours de « papa » et « maman » parfaitement inutiles rien que pour le plaisir inconscient de les dire et de les entendre, qui me serrent le cœur à étouffer.

C’est bizarre aujourd’hui ils ont salé la salade de fruits.