lundi 14 janvier 2019

Comptes de fées.


Chapitre I




Le docteur Pierre  Deberre était aimé de tous. Héros de la grande guerre, du côté de Verdun, il en était revenu miraculeusement indemne et bardé de médailles. Il avait gardé son physique athlétique de joueur de la toute récente équipe de  rugby crée juste avant le terrible conflit. Il avait choisi après la victoire de s’installer  à Salies une coquette bourgade du Béarn qui avait décidé, dans l’euphorie de l’après guerre,  de mettre en avant, les propriétés  de ses eaux thermales et qui accueillait à bras ouverts les médecins partisans de médecines douces.
Arrivé célibataire il ne l’était pas resté longtemps. Il s’était présenté aux autorités et notables du coin et avait fait très bonne impression. En particulier chez les de Coulange  de noble lignée et puissants propriétaires terriens. Au sein de cette famille la jeune et belle Adèle avait senti son cœur gracieux de vingt printemps être fort ému. Le père de Coulange pensa que pour son héritière aucun parti ne serait meilleur, il ne fit aucun  obstacle à les marier. En dot il offrit à Adèle  un petit château entouré de verdure. La mère d’Adèle regrettait seulement que sa fille doive troquer son élégant patronyme  contre un nouveau moins prestigieux jusqu'à ce que le notaire de la famille l’assure qu’il serait possible, contre espèces sonnantes et trébuchantes, de résoudre le problème. Elle se trouva rassérénée en imaginant que sa fille pourrait  s’appeler Adèle de Coulange de Berre. Les épousailles furent l’événement dont on parla longtemps jusqu’aux frontières du canton. Toute la population se réjouit excepté les quelques rouges qui refusèrent l’invitation et  critiquèrent  vertement dans leur bulletin local, distribué au marché et la sortie de la messe, cette coutume d’un autre âge.
Adèle sut aménager le Castillet de telle sorte qu’une aile soit agencée spécialement pour son médecin d’époux.  Une entrée indépendante donnait sur une salle  d’attente avec toilettes. Le cabinet de consultation était vaste et pourvu des dernières nouveautés de la médecine. A l’époque c’était une vraie bénédiction pour les patients dont beaucoup ne regrettaient pas d’être malades pour être soignés par le bon docteur dans sa blouse blanche immaculée et s’allonger sur cette  somptueuse couchette de cuir la seule de son espèce dans  tout le département. Les paysans ouvraient des yeux émerveillés sur les tableaux qui ornaient les murs immaculés, le bureau et la grande armoire du médecin dont l’instituteur avait expliqué qu’ils étaient « empire ». Un peu intimidés au début les pratiques si bien accueillies s’étaient senties très à l’aise d’autant que Deberre ne faisait payer que les riches. Il y avait même un bocal de berlingots pour les enfants…
- Pierre, reprochait souvent le père De Coulange, vous êtes trop généreux, on m’a même rapporté que vous soignez gratuitement, même la femme d’Arturo Gonzalès le communiste le plus virulent du pays, il faut vous faire respecter, sacrebleu ! Patiemment Deberre se justifiait arguant que dans sa profession, comme à la guerre, il n’y avait que des êtres souffrants.
- Que m’importe, père, leur couleur, leur religion, leurs idées politiques, ils sont tous égaux devant la maladie- - -
- Pierre, ce sont vos idées, si je les déplore, je les respecte mais surtout n’allez pas les divulguer et jeter le trouble dans notre société harmonieuse…

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