lundi 7 mai 2012

Magistral ciné-club.


     La Jeune Fille et la Mort (Death and the Maiden) est un film franco-américano-britannique réalisé par Roman Polanski, sorti en 1994 et adapté de la pièce du même nom du dramaturge chilien Ariel Dorfman, rescapé du régime de Pinochet.
Fin du XXe siècle, dans un pays d'Amérique du Sud qui vit encore le traumatisme d'une dictature récente, le président de la jeune démocratie a décidé de mettre en place une commission d'enquête sur les crimes passés, qui devrait être présidée par un avocat célèbre : Gerardo Escobar. Le soir de cette nomination, l'avocat crève un pneu en rentrant chez lui. Un voisin, le docteur Roberto Miranda, vient à son secours et le ramène dans son domicile, où sa femme l'attend. Celle-ci, Paulina Escobar, torturée par la police secrète de l'ancien régime croit reconnaitre dans la voix de Roberto Miranda celle d'un de ses bourreaux.
On a beaucoup parlé du face-à-face étouffant entre Sigourney Weaver et Ben Kingsley, mais curieusement,  le troisième larron de ce huis-clos moite et inquiétant,  Stuart Wilson,  apporte toute la profondeur qu’il fallait à son personnage, tiraillé entre son sens du devoir et son amour pour sa femme. L'amour que lui porte sa femme est lui, si fort, que c'est pour ne pas le trahir qu'elle a subi les pires tortures.Le fait que Wilson soit vêtu pendant tout le film d'une robe de chambre et traîne les pieds dans des babouches n'est pas anodin...
Les performances de Sigourney Weaver et de Ben Kingsley sont extraordinaires. Elle est un formidable bloc de douleur et de haine, tandis que lui est une énigme impénétrable, tout en nuances. Mais c’est bien le personnage de Wilson qui se révèle être le pivot et le moteur du film. Sa femme est vite persuadée que l'étranger qu'il ramène à la maison est son bourreau, dont elle  reconnaît (?)  la voix et l’odeur…
On imagine bien le suspense que Polanski a su tirer de ce postulat : l’étranger est-il réellement le bourreau ? Il faudra attendre les dernières minutes du film pour avoir la  réponse à cette question, le réalisateur a le temps, alors, de montrer les doutes qui apparaissent et se répandent dans l’esprit de Stuart Wilson. Figure absolue du grand homme politique droit comme la justice, ce dernier ne tarde pas à perdre de sa superbe, et révèle des faiblesses abyssales. Et une ambiguïté inattendue : croit-il vraiment sa femme, ou est-il plus simplement un homme faible et un peu lâche ? Là encore, Polanski ne tranche pas clairement, pas plus qu’il ne condamne le comportement de la victime ou celui du bourreau...
La maison perdue dans la tempête illustre  l’état d’esprit de Sigourney Weaver…
Death and the Maiden est un film parfaitement maîtrisé par Polanski. Pour  le réussir  il fallait trouver le ton juste, et garder intacte le suspens de bout en bout ( La règle des unités prouve ici son implacable utilité.) c’est ce qu'à fait le réalisateur, avec un immense talent : dès les premières images, il installe un sentiment d’angoisse très prenant, qui ne retombe jamais.
 
La Jeune Fille et La Mort est le nom d'une œuvre de Franz Schubert, le Quatuor à cordes n° 14.
 Le tortionnaire aimait  écouter cette œuvre pendant son "travail", et l'héroïne tentera de lutter( en vain) contre le souvenir tragique qui y est associé.
 La tension de la scène finale du film,dans le contexte  paradoxal de paix luxueuse d'une salle de concert,  montrant l'héroïne et son tortionnaire (?) assistant à une interprétation  de ce quatuor est presque insoutenable.

2 commentaires:

  1. Grand film qui m'a beaucoup marqué. Et Sigourney cessa pour jamais d'être Diane Fossey, Working Girl, Ghostbuster ou même Ltnt Ripley à mes yeux...
    s.h.

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  2. COUCOU,
    j'ai partagé avec toi la vision de ce film.
    il m'a bouleversée.
    Quel talent.Dommage que les frasques de certains trés doués n'entachent leur réputation.
    à vendredi,
    bellemiche,

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