mardi 17 octobre 2017

Optimisme



J’avais traversé le hall de marbre et montais lentement le grand escalier de fer forgé de cette luxueuse demeure situé sur  l’avenue la plus cotée de Riberne.
La fille de la riche madame Lévy m’avait expliqué que tout serait en place pour ma venue du matin. Madame Lévy, grandement nonagénaire et très handicapée perdait un peu la tête. J’avais été contractée pour la toilette du matin.
Certes j’avais vu toutes sortes de demeure dans mon activité d’aide soignante, des plus modestes aux plus riches, mais tout en arrivant sur le palier d’acajou doucement éclairé par un énorme lustre en cristal de Murano, je pensais que celle-ci était vraiment exceptionnelle. La porte de la chambre était  ouverte. Il devait y avoir dans cette maison, un nombreux personnel aussi compétent qu’invisible.
- Bonjour, madame, comment allez –vous ? Je suis Sylviane qui vient pour la toilette
-  Un « Ouin, ouin » aimable sort de sous les draps de satin.
Menue, et docile ma patiente se laisse lever  facilement et nous passons dans la salle de bains. Je ne perds pas de temps à admirer la dimension et le faste de la pièce. Près de la vasque en opaline je suis étonnée de ne trouver que deux serviettes de toilette en très mauvais état. Ce n’est pas trop facile avec ce linge usagé mais je m’en sors.
- Que dois-je faire des serviettes, madame ?
- Laissez les dans le lavabo, petite, ma bonne s’en occupera.
Le matin suivant je reviens, le cœur léger, vers ce travail des plus aisés.
Dans la salle de bains lavées, séchées je retrouve, étonnée, les deux serviettes de la veille un peu plus décolorées  et déchirées. Je fais la toilette de madame Lévy au mieux.
 Le lendemain je dois me servir des  mêmes serviettes réduites à l’état de guenilles et les utilise comme je peux.
Le troisième jour, comme je m’y attendais, je retrouve lavées et séchées les loques dont je dois faire usage.
Trop, c’est trop ! je téléphone, comme elle me l’avait conseillé, en cas de problème, à la fille de ma patiente.
L’histoire du linge de toilette n’a pas l’air de l’étonner :
- Allez dans le dressing contigu à la salle de bains. Sur tout un mur vous trouverez une grande armoire, servez vous.
Avant de lever madame Lévy je me précipite dès l’arrivée dans le dressing , j’ouvre les lourdes portes de l’armoire et…je n’en crois pas mes yeux : il y a là parfaitement rangés sur plusieurs étagères, des paquets de linge de toilette encore sous leur cellophane, agrémentés de rubans de satin  roses , bleus, verts…. C‘est si beau que je n’ose pas y toucher et puis j’ai l’habitude de prendre toujours l’avis de mes patients. Je pense que, même s’ils sont peu conscients et comme madame Lévy proche de leur centenaire, c’est la moindre des politesses.
- Madame, est-ce que je peux prendre des serviettes neuves ? La réponse impérative ne tarde pas :
- Surtout ne touchez pas à ce linge. Je le garde pour mes vieux jours !
-

4 commentaires:

  1. C'est ça le secret: les vieux jours sont toujours très éloignés! Ma mère me le prouve quotidiennement, elle qui ne veut pas ni manger, ni fréquenter des vieux - à 93 ans, quand même!

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  2. C'est vrai.....Une belle optimiste. On se voit pas vieillir !

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  3. C'est fou comme on veut garder des choses ou de l'argent pour les vieux jours au lieu d'en profiter
    A demain Nicole

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