dimanche 1 juillet 2018

Conversation-36-avec Cora




-Bonjour Cora, vous voilà plongée dans la lecture du journal.
-Bonjour ma petite, sais-tu ce qu’est un « cagot » ?
-Pas du tout !
- Je finissais un article à ce propos.  Il relatait qu’au pied des Pyrénées les cagots faisaient l’objet d’une discrimination séculaire. Intouchables, ils étaient soumis à toutes  sortes d’interdictions :-se marier avec les villageois-toucher les fruits où la nourriture à mains nues-de résider dans les bourgs… Dans les églises ils avaient une entrée particulière, plus basse, et un bénitier plus petit.
- Ça alors ! mais qui étaient ces gens ?
-C’est encore un mystère et les thèses ne  manquent pas sur leur origine : des lépreux, des descendants des Goths, des Maures… on les reconnaitrait à leurs lobes d’oreille collés( !).
-Fantaisie paysanne !
_C’était en fait très sérieux. On a retrouvé dans le petit village de Moumour la « Sentence » datée de 1468 qui précisait les droits et les obligations de ces proscrits.
-Je pense que cet apartheid n’a pas survécu au Moyen-Age.
-Détrompe-toi et je l’ai connu quand j’étais enfant. Au village il y avait dans  ma classe de primaire une « cagote ».
-Vous plaisantez ?
-Absolument pas. C’était une fillette aux cheveux filasse et aux yeux rougis attifée de haillons très propres  et qui s’asseyait isolée, silencieuse, au fond de la classe. Elle ne faisait pas partie de « l’appel » et nous n’avons jamais su son nom. La maîtresse nous avait interdit de l’approcher, de lui parler ainsi qu’à sa famille si, par hasard, on la rencontrait à l’orée du bourg. Elle-même ne lui adressait jamais la parole. Le croirais-tu mais il y a dans les 80 ans la classe n’était chauffée que par un petit poêle à bois. Cet hiver rigoureux on nous avait permis d’amener un gros caillou du gave. Chacune posait le sien sur le poêle, il portait écrit à l’encre violette notre prénom. On allait ensuite le chercher, on le prenait très chaud entre nos mains à engelures, c’était délicieux….Après m’être réchauffée je sollicitais du regard la maîtresse et j’allais porter mon galet à la cagote. La première fois elle avait eu un mouvement de recul et puis sans un mot, pendant tous ces jours si froids, elle prenait le caillou et levait vers moi un regard que je n’ai jamais oublié.
-Finalement l’obscurantisme est encore récent.
-Récent ? Tu veux dire présent. Regarde autour de toi. Tous les monstres ignobles avaleurs d’humanisme ne demandent qu’à prendre le pouvoir. Pour beaucoup c’est déjà une réalité.

Aujourd'hui Madame Veil entre au Panthéon.
Les jeunes, ouvrez vos yeux et vos oreilles ne vous laissez pas endormir soyez
vigilants et actifs.

7 commentaires:

  1. Magnifique conversation, une grande leçon de philosophie sur la tolérance
    Amicalement
    Claude

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  2. Cora magnifique comme toujours!

    Épouvantable discrimination de gens que je ne connaissait pas.

    Je vous embrasse a Cora et a toi.

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  3. Ton texte est brûlant d'humanité Manouche !
    Gros becs

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  4. En algunas sociedades existen en la actualidad

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  5. Si le mot "cagot" ne m'était pas totalement inconnu, par contre, je ne savais absolument rien de l'affreuse réalité qu'il recouvre.
    Merci Manouche, pour cette conversation éclairante.
    L'ostracisme frappant ces populations infortunées rappelle fortement la manière dont les juifs ont été traités un peu partout en Europe au cours des siècles, et notamment en France pendant l'Occupation.
    Hélas ! la bête n'est pas morte et ne demande qu'à resurgir. Comme tu le dis si bien, restons vigilants.

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