lundi 21 avril 2014

Peau lisse.




Samedi 19 P.M
Je ralentis le trot en arrivant sur le parking. Trois agents municipaux viennent à ma rencontre. Grand sourire :
- Bonjour, nom, date et lieu de naissance, adresse…
- Mais qu’est ce qui se passe ?
-Venez voir. Vite  vu, la portière A.D de ma voiture est fracturée les débris de la vitre jonchent les sièges avant. La tuile. Les trois pandores me regardent aimablement essayer de déblayer les morceaux de verre à mains nues…
- Il faudra porter plainte dès demain matin.
Dimanche 20 A.M
Miche se gare à côté de l’église anglicane et je cours sous la pluie vers le commissariat. Il a l’aspect engageant d’un Rottweiler encagé, toutes herses baissées. J’appuie sur la sonnette  des « jours fériés » et la lourde porte blindée de la cour glisse pour me laisse un étroit passage. Le bureau du factionnaire :
- Bonjour, c’est pour un dépôt de plainte. Le gars avec une mine morose brandit  à bout de bras, dans un élan mis à la mode par madame Taubira, deux feuillets remplis :
- Désolé, mais ce sont les plaintes de la nuit qui doivent être traitées en priorité, revenez cet après-midi, mieux demain…ou après demain. Je me livre alors, discrètement, à ce petit exercice qui parfois fait fondre les uniformes.ça marche.
- Allez, venez, suivez-moi. Escaliers, couloirs et nous débouchons dans la salle d’attente avec son comptoir vide et la banderole au sol : « Limite de discrétion à ne pas franchir ».
Je moule mes fesses dans la coque en plastique fixée au sol pensant à mon amie qui doit se morfondre dans sa voiture avec la pluie qui tape sur le capot…
Dans l’espace circulaire devant moi trois jeunes femmes au bord de la crise de nerfs tournent comme des lions en cage, la maigre , la grosse et la mère qui serre contre elle un bébé en grenouillère à la couche malodorante mais au sourire ravageur. A chaque volte de la mère il se tord le cou pour me dédier un sourire craquant. La maigre, à grands pas rageurs :
- Ah ! Le salaud ! ivre, gueulant avec la hache levée…La grosse :
- Y nous aurait tuées toutes les quatre !
- M’en parle pas gémit la mère écrasant le bébé sur son sein généreusement découvert, ma Titi, ma Titi…
-T’as vu, t’as vu comment j’y ai fait peur, la maigre prend la position du boxeur coude gauche  levé poing droit projeté, j’y ai foutu par terre. La grosse :
-Y va se rappeler de mes talons dans sa gueule, le salaud. Dis donc, et les voisins ? Yen  pas un pour sauver l’autre, aucun n’est venu nous aider, pourtant on criait au secours, d’appeler les flics, nada. Les trois continuent à tourner à grand pas agités :
- J’te jure je me suis vu le film, qu’on baignait dans le sang, même Titi, oh Titi !
-Quand même on est arrivé à lui prendre sa hache et ce dingue qui criait : « j ’men fous je vais chercher le marteau et je vous aurai salopes ! » Au fur et à mesure qu’elles racontaient leur mésaventure l’une renchérissant sur les impressions de l’autre elles tournaient rageuses de plus en plus vite dans  cet espace limité, le bébé  puant resté miraculeusement zen cherchait toujours mon regard…
-Regarde, mon coude est tout bleu
-Et moi j’ai le genou enflé, y me fait vachement mal
- Tu as dormi toi après ?
- Tu rigoles ou quoi ? J’étais trop mal, par contre toi, s‘adressant à la grosse, qu’est-ce que tu as roupillé, même que tu ronflais et ce matin tu as encore la bouche en cul de poule…
Bon, j’ai compris . Si j’attends  de passer après elles, entre le temps qu’il faudra à chacune pour donner sa version et celui  nécessaire au flic pour en tirer quelque chose de cohérent, je ne suis pas rentrée chez moi avant ce soir. Je sors aussi discrètement que je suis entrée, par le couloir « Sortie ». Deux bureaux portes ouvertes se font face.
Depuis celui de gauche un fonctionnaire m’interpelle aimablement et je lui explique que je baisse les bras. Alors, aussi élégamment distingué que son ministre de tutelle, il se lance dans un superbe discours du genre, et combien je regrette, et sous-effectif, et les gardés à vue à libérer, et le weekend de Pâques, etc.…etc. …et cerise sur le gâteau :
-Ah ! Madame, je ne voudrais pas que vous quittiez ce commissariat en pensant que nous négligeons votre demande et que vous ayez de nous une mauvaise impression de nos services. Je suis assez bonne dans le « parlons à chacun sa langue » et je rassure le gars d’un discours hypocrite d’un ton encore au-dessus. A ce moment sort du bureau de droite, ah mesdames ! Un mix de Keanu Reeves et Johnny Depp… Il claironne, royal :
-Allez, venez, je veux bien vous prendre.        Comment donc !
Je débite ma petite histoire en quelque secondes et suis ahurie de le voir par contre longuement taper sur son clavier. Çà n’en finit pas. J’ai tout le temps d’admirer son profil et son beau gilet bleu marine sur lequel une inscription retient mon attention. Elle me laisse imaginer  que ce policier est peut être un allemand en stage, un style Erasmus des chaussettes à clous… Et ça dure. Miche doit penser qu’on m’a incarcérée…
Je participe et fais passer tampons et agrafeuses. Doux Jésus ! j’ai droit à SIX feuillets imprimés signés tri-tamponnés, le type, lui a une liasse de HUIT ! Voilà c’est fini. Je remercie et :
- Pardonnez une question indiscrète pourquoi sur votre blouson « caporal » est écrit avec un K ?
- Ce n’est pas mon grade, c’est une marque ! Et nous voilà partis dans un fou-rire irrépressible ….

Rejoint ma Miche, priant sur son volant au son des alléluias vibrant dans tout le quartier, hurlés joyeusement par les anglicans.
Mon assurance : « veuillez patienter un conseiller va prendre votre appel » ne remboursera pas le prix de ma portière. Consolez-moi en m’offrant des commentaires assortis d’une participation virtuelle.
Allez, joyeux lundi de Pâques.




9 commentaires:

  1. Merveilleusement raconté en tout cas... quel talent!!!
    Consolée???

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  2. Une petite pépite ton texte !
    Tiens ça fait du bien, tout ça en buvant un apéro ça requinque !
    ça va mieux là ?
    biz

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  3. Todas las flores son de corta vida,pero tu cultura prevalece

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  4. Por lo que veo, te lo has tomado con humor, lo siento por la puerta,ventana de tu auto

    Besos

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  5. les 3 donzelles et le bébé ont fait la " une" de la République. Dommage pour toi mais la " banalité" de l'acte gratuit dont tu as fait l'objet, n'émeut personne ou presque ( daniel peut être?
    consolation, tu as trouvé matière à écrire et avec humour en plus.
    Très désolément,
    bellemiche

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  6. Quelle histoire, mais quelle histoire !!! Tu l'as impressionné ce peau-lissier...habillé chez K !!!
    Dommage pour l'assurance ! Pffffffff !!!
    GROS BECS

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  7. Merci de vos zamabilités tout à fait consolantes et bizzzzzzzzzzzzz

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  8. Por mucho qque inventemos historias,por mucho
    qque se inventen dramas,la vida real los multiplica.

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  9. comme on dit souvent: la vraie vie dépasse la fiction !
    bizzzzzz

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