_ Bonne et heureuse année, ma chère amie !
_ Merci, ma petite fille, tous mes vœux pour toi aussi.
_ C’est un peu tard mais ce début janvier a été pour le
moins mouvementé. Des événements dramatiques, des rassemblements comme on
n’avait jamais vu…
_ Oui…j’ai moi aussi vécu tous ces instants d’indignation et
de solidarité au moins apparente. La question est : qu’est ce qui va
changer ? Peut-être vas-tu trouver cela bizarre mais j’ai beaucoup pensé
aux événements de 68…
A travers Cohn-Bendit, député Européen, fustigeant avec tout
le poids de sa maturité politique les crimes commis, je revoyais, malgré moi ,mais
avec une parfaite netteté le zébulon sautillant, rigolard, s’enivrant lui-même
de son incontestable don d’orateur, prônant à la Sorbonne la démolition d’une
société obsolète. Avec lui nombre d’intellectuels prêchaient pour « le
changement des valeurs » et se proclamaient leaders d’une foule
d’ouvriers, d’artisans, de paysans conquis par leur éloquence. Les meneurs
imaginant qu’ils étaient généreux de « penser à leur place »
« pour leur bien » sans réaliser ce que cette posture avait de
méprisant… Ce mouvement qui au départ ressemblait à une farce estudiantine a
pris une ampleur que même les initiateurs n’avaient pu imaginer jusqu’à rester
comme La Révolution de 1968.
_ Cora, je ne vous savez pas réac, cette révolution a été la
source de grandes avancées sociales …
_ Ne les énumère pas, je les connais, certaines très
positives. Moi, je pensais à ces fameuses valeurs disparues et c’était une
évolution normale. Elles ont été remplacées par quoi, dis-moi ? Or une
société a besoin de valeurs surtout quand elle se targue comme la notre de « Liberté, Égalité, Fraternité »… Ce vaste programme ne peut se réaliser sans cadre,
sans règles. Sous prétexte de libération les gens dans la rue braillaient
« Il est interdit d’interdire » prônant une anarchie fatale à ceux
qu’ils prétendaient défendre, les plus faibles. Qui croira maintenant à ces
néo-valeurs que les politiques inquiets veulent imposer et qui n’ont rien
d’original. ? Au lieu de faire preuve de créativité dans un contexte
actuel bien différent soixante- dix ans après, on ressort de vieilles recettes abolies.
Si elles étaient obsolètes elles deviennent maintenant ridicules aux yeux des
jeunes. Les plus récents de nos Ministres de l’Éducation, incapables même
d’imaginer la nécessaire refonte totale
de l’enseignement, nous promènent avec le retour des leçons de morale,
« le respect dû au maître » et même le port du tablier en classe…
_ Je reconnais Cora qu’à notre époque où les technologies
avancent très rapidement ni l’individu
ni la société n’arrivent à évoluer au même rythme. Là où je partage votre
indignation c’est à propos de « la laïcité qu’on doit réapprendre »…
_ Merci de partager…mais tu ne peux pas comprendre ce que
cela représente pour des personnes comme moi de la génération de
Stéphane Hessel ! Ne plus savoir ce
qu’est cette généreuse notion c’est
comme si tu me disais que quelqu’un a oublié le prénom de sa mère. Comment doit-on
de nouveau expliquer que la laïcité est une superbe tolérance, qui n’interdit rien, n’impose rien
et permet à chacun de vivre ses convictions religieuses. J’ai dû mal à croire
que certains confondent laïcité et athéisme et que d’autres parlent de
« laïques intégristes » comme s’il pouvait s’agir d’une limite à la
liberté de penser !
_ C’est très important et je crois que la demande liberté de
penser est générale.
_ En théorie tout le
monde est d’accord. Dis-moi comment elle s’applique, comment elle
s’appliquera ? Je vois de plus en plus de restrictions dans la peur de
l’exprimer. J’ai connu Anastasie, la censure,
et même si elle n’est pour
l’instant que volontaire je sens à nouveau errer son parfum malodorant.
_ Je reconnais que nous vivons un virage, difficultés avec
la crise économique, le chômage, le terrorisme, les problèmes d’intégration…
_ Tiens, je te raconte. Samedi dernier je visitais un
charmant village. Tout petit mais honoré par Vauban de superbes fortifications.
En m’approchant du mur de l’église j’ai lu cette information qui m’a replongée
dans ma petite enfance, à
« l’école des filles » :
Voilà donc des malheureux
que même l’Église mettait à part !
Mon amie, je suis
fière de te dire que dans ma classe il y
avait deux petites filles « cagotes ». Pauvrettes… sales et maigrichonnes
elles étaient les filles d’un de ces « Chiens de Goths » misérables
qui vivaient dans les bois avec toutes
sortes de parias dont certains descendants de lépreux… encore munis de la petite clochette. L’école
républicaine et laïque, elle, les accueillait, les enseignait au même titre que
toutes les autres gamines de religions diverses,
de tous les milieux et de toutes les couleurs qui ne pensaient qu’à s’instruire
en paix.
Tu sais il y a des moments où je me rends compte que chez nous,
cette époque de totale tolérance est passée et qu’il est temps que j’en fasse
autant.
Je te félicite sincèrement pour ce long billet qui contient tant de vérités parfois oubliées et de belles évidences.
RépondreSupprimerJe l'ai lu avec attention, grand intérêt, et il va nourrir mes réflexions au cours de la journée.
Merci, Manouche, je t'embrasse
Je t'embrasse
SupprimerLa racine du mot "cagot" vient probablement de "cague" la m...
RépondreSupprimerOn pense que ces gens venaient du nord et de l'est . "Chien de goth" = "can de goth"= "cagot".
SupprimerCoño tus conversaciones con Cora son infinitas, y que duren mucho tiempo. Eso es señal de que todavía hay cosas que contarse.
RépondreSupprimerBesos.
J´ignorais leur existence...
RépondreSupprimerJ´adore tes conversations avec Cora, j´apprends tellement
Bizzs, Manou.
Como siempre la cultura és una parte muy importante de tu personalidad
RépondreSupprimerMerci pour l'explication de cagots. Quand à la tolérance on en a bien besoin même si je lui préfère l'acceptation.
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