Fin du
XXe siècle, dans un pays d'
Amérique du Sud
qui vit encore le traumatisme d'une dictature récente, le président de la jeune
démocratie a décidé de mettre en place une commission d'enquête sur les crimes
passés, qui devrait être présidée par un avocat célèbre : Gerardo Escobar. Le
soir de cette nomination, l'avocat crève un pneu en rentrant chez lui. Un
voisin, le docteur Roberto Miranda, vient à son secours et le ramène dans son domicile,
où sa femme l'attend. Celle-ci, Paulina Escobar, torturée par la police secrète
de l'ancien régime croit reconnaitre dans la voix de Roberto Miranda celle d'un
de ses bourreaux.
On a beaucoup parlé du face-à-face étouffant entre Sigourney Weaver et Ben
Kingsley, mais curieusement, le troisième larron de ce huis-clos moite et
inquiétant, Stuart Wilson, apporte toute la profondeur qu’il fallait à
son personnage, tiraillé entre son sens du devoir et son amour pour sa femme. L'amour que lui porte sa femme est lui, si fort, que c'est pour ne pas le trahir qu'elle a subi les pires tortures.Le fait que Wilson soit vêtu pendant tout le film d'une robe de chambre et traîne les pieds dans des babouches n'est pas anodin...
Les performances de Sigourney Weaver et de Ben
Kingsley sont extraordinaires. Elle est un formidable
bloc de douleur et de haine, tandis que lui est une énigme impénétrable, tout en
nuances. Mais c’est bien le personnage de Wilson qui se révèle être le pivot et
le moteur du film. Sa
femme est vite persuadée que l'étranger qu'il ramène à la maison est son bourreau, dont elle reconnaît (?) la
voix et l’odeur…
On imagine bien le suspense que Polanski a su tirer de ce postulat :
l’étranger est-il réellement le bourreau ? Il faudra attendre les dernières
minutes du film pour avoir la réponse à cette question, le
réalisateur a le temps, alors, de montrer les doutes qui apparaissent et se
répandent dans l’esprit de Stuart Wilson. Figure absolue du grand homme
politique droit comme la justice, ce dernier ne tarde pas à perdre de sa
superbe, et révèle des faiblesses abyssales. Et une ambiguïté inattendue :
croit-il vraiment sa femme, ou est-il plus simplement un homme faible et un peu
lâche ? Là encore, Polanski ne tranche pas clairement, pas plus qu’il ne
condamne le comportement de la victime ou celui du bourreau...
La maison perdue dans la tempête illustre l’état d’esprit de Sigourney Weaver…
Death and the Maiden est un film parfaitement maîtrisé par Polanski. Pour le réussir il fallait trouver le
ton juste, et garder intacte le suspens de bout en bout ( La règle des unités prouve ici son implacable utilité.) c’est ce qu'à fait le
réalisateur, avec un immense talent : dès les premières images, il installe un
sentiment d’angoisse très prenant, qui ne retombe jamais.
Le tortionnaire aimait écouter cette œuvre pendant son "travail", et
l'héroïne tentera de lutter( en vain) contre le souvenir tragique qui y est associé.
La tension de la
scène finale du film,dans le contexte paradoxal de paix luxueuse d'une salle de concert, montrant l'héroïne et son tortionnaire (?) assistant à une interprétation de ce
quatuor est presque insoutenable.