Les persiennes de l’évêché sont fermées et le
soleil passe par rais lumineux qui scintillent sur le parquet de chêne parfumé
à la cire d’abeille. De temps en temps la brise joue dans les branches du grand
cèdre et le parallélisme des rayures se brouille sous le regard pensif de
l’abbé Damien. Que répondre à Monseigneur toujours si bien informé et aux
décisions pleines de sagesse ?
- Bien sur que le père Gabriel est
aimé de ses paroissiens mais il ne devrait être qu’un moyen de faire connaitre le Seigneur sans mettre en avant sa personne.
- Monseigneur il parait que l’église est pleine
tous les dimanches, et les habitants du village n’ont qu’à se louer du
dévouement du père en toute circonstance, à n’importe quelle heure du jour et
de la nuit il visite malades et personnes âgées plaide l'abbé Damien.
- Enfin, l’abbé, soyons raisonnables,
qu’est que c’est que cette manifestation bruyante, indécente, après un exploit
sportif remporté par un ecclésiastique ? A-t-il eu la modestie qui
s’imposait ?
- Savez-vous, qu’on m’a rapporté que
sa servante n’a pas l’âge canonique et, que vient faire en la matière, une
décision municipale « d’arrangement »… Où allons nous ?
Non, l’abbé je ne peux vous suivre
dans votre généreuse défense, je dois sévir immédiatement. Puisque Gabriel aime tant le vélo,
nous allons l’envoyer dans le Nord… il aura pour ses loisirs l’enfer des pavés
à sa disposition. Vous allez l’abbé, prendre quelques courriers. Que ma
décision soit immédiatement appliquée.
J’irai, dans quelques temps, faire une
visite à Carebac pour calmer les esprits, j’en profiterai pour pousser jusqu’à
Rejenac. On m’a parlé d’une affaire de pédophilie, évidemment c’est moins grave
que l’affaire Gabriel, mais il est de mon devoir de calmer les plaignants et
prévenir un possible scandale.
Le père Gabriel, son beau visage gris de chagrin, à été
accompagné à la gare par une délégation de ses ouailles, certaines en larmes.
Madeleine était absente.
Ce matin radieux, dans une aube
lumineuse égayée du pépiement des oiseaux, Fernand à décidé de traquer le
braconnier du coté du moulin. Il glisse sans bruit dans les herbes mouillées de
la rive et baisse la tête en passant sous les branches basses du grand saule.
- Mon Dieu ! Fernand aperçoit un
corps dans l’eau entre les feuillages. Mais c’est Madeleine dont les longs
cheveux dénoués ondulent dans le courant !
Vite alertés Anatole, Ernest, Émile et
les autres sortent le corps de l’eau et l’étendent sur la prairie. Les yeux
grands ouverts de Madeleine reflètent le bleu du ciel, sa robe de coton léger
colle à ses formes harmonieuses.
Béret à la main, les hommes ont le visage grave.
-
Putain de putain, qu’elle était belle et on ne le savait pas…