lundi 31 janvier 2022

Course landaise.

 Dans le quartier on l’appelle « Le Ministre ».

Il est énorme, paralysé des membres inférieurs, il se déplace en fauteuil roulant. Pabon lui a fabriqué un soir de biture, après un pari, avec un siège en palettes, de vieilles roues de vélo, freinées dans les descentes par des sabots. Garni des coussins de la charité, l’ensemble tient le coup depuis des années.
- Ministre, raconte-nous, Caramela la vache de Garlin.
Dans l’œil chassieux, brille alors, toujours vive, une lueur de haine.
- Ah, la salope de Caramela! Pabon, qui tenait la corde me l’avait bien dit qu’elle était vicieuse, pourtant bien plantée sur ses pattes elle avait l’air franc.
... Je me dresse tout blanc dans le soleil des arènes, je cambre ma taille fine dans la ceinture rouge, le public m’encourage, je le salue, je pose le béret par terre. La banda se déchaîne. La reine des fêtes m’envoie un baiser. Caramela et Pabon sont bien placés. Go! On me l’a assuré, mon saut périlleux était parfait mais la pute a tourné en sens inverse m’a enfoncé sa corne dans le bas du dos et fait valser dans les airs jusqu’à la talenquaire.
- Et alors ?
- Alors, l’hôpital, la paralysie, la misère de moi…
- Et...et ?
Le Ministre devient cramoisi et lève en hurlant son poing rageur :
- Vous le savez bien que j’ai une vessie de porc et ça vous fait rire!
Foutez le camp, morpions, où je vous écrase !

 

mercredi 26 janvier 2022

 

Marie-bonbon. On l’appelle  la Marie-bonbon personne ne connait son vrai nom. On a oublié quand elle est arrivée et quand Le grand Fernand l’a laissée s’installer dans l’écurie aveugle au plafond vouté où il garait autrefois sa voiture et son cheval. Au rez-de- chaussée d’une bicoque abandonnée au bord de l’a eau, aux lézardes brodées de lierre. Le jour vient seulement de la grande porte cochère, ouverte hiver comme été.

-Savez-vous comment elle s’appelle ? Est-ce qu’elle a un mari quelque part ? Des Enfants ?

-Pensez donc elle est bien polie mais elle ne parle jamais d’elle.

-Polie, oui, et propre comment fait elle pour être toujours nette avec sa longue robe et son tablier en toile bleue ? Et  si pauvre, oui, la Pauvre…

-Elle doit faire sa toilette et dormir derrière cette toile qu’elle a tendue d’un mur à l’autre au fond de l’écurie.

-Comment peut-elle vivre, Madame avec le peu que lui rapportent les berlingots ? Elle est très fière quelquefois elle accepte de diner avec nous, si digne,  on dirait que c’est elle qui invite

-En tout cas ce qu’on voit son « atelier » est impeccable et on mangerait sur le sol en terre battue.

Il y a longtemps qu’on ne se pose plus ces questions Marie bonbon fait partie de la communauté et tout le monde l’apprécie.. Elle est tout en courbes depuis son chignon brioche, son visage avenant, ses beaux bras blancs et sa silhouette tout en rondeurs….

-Bonjour Marie-bonbon, vous faites des berlingots aujourd’hui ?-

Le petit est enveloppé d’une délicieuse odeur de sucre. A part les parfums gourmands il n’y presque rien chez la  Marie-bonbon : au mur un clou ou pend le tablier de rechange .Une étagère avec un  sac joufflu de sucre en poudre, et les flacons bien rangés par ordre de couleur : le vert net de la menthe, celui plus nuancé  de l’anis enfin le jaune franc du citron. La table de bois brut blanchie à l’eau de javel, supporte un réchaud à alcool, une lampe à pétrole  et une plaque de marbre. Devant une chaise de paille et c’est tout.

-Marie-bonbon qu’est ce qu’il y a derrière le drap tendu du plafond au sol ?

-Ca petit c’est chez moi, personne n’y entre.

Le nez du petit est juste à la hauteur de la casserole où bouillonne le sirop.

-Attention ! Au bout de la baguette de verre la goutte de sucre s’arrondit presque solide.

- Regarde bien, c’est prêt ! Les bras agiles impriment au ruban brûlant une torsion régulière tandis que s’élève un délicieux parfum d’anis. Translucide,  le serpent vrillé repose maintenant sur le marbre huilé.

- Vite petit prends les ciseaux et coupe des morceaux bien égaux. Les lames taillent net dans la masse chaude qui cicatrise aussitôt.

Maintenant c’est au tour du sucre rouge à la groseille de chanter dans la casserole. Marie coule le sirop dans des petits moules en forme d’animaux.

-Tu diras à tes amis que cet après-midi, j’irai vendre sur la place de la mairie, il y aura des berlingots verts et des animaux rouges. Le petit tout heureux prépare le tiroir à bretelles qui fait un parfait étalage quand Marie-bonbon  le promène royalement. Les petites pièces de monnaie tintant dans sa vaste poche. Les bonbons elle en donne plus qu’elle n’en vend…

  -Vous savez, Madame, on n’a pas vu la Marie-bonbon depuis plusieurs jours. Elle est peut être repartie dans son pays, vas voir petit .

La lourde porte de bois était ouverte, à moitié démolie, le garage totalement  vide.

Cette saison l’Adour était en crue.

 

 

mardi 25 janvier 2022

samedi 22 janvier 2022

"Des pancartes ont été installées dans une ville de province pour guider les amateurs d'opéra vers le théâtre municipal qui donne une oeuvre de Rossini.

On peut y lire:

Pour Guillaume Tell suivez la flèche".

jeudi 20 janvier 2022

 

J’aime l’accordéon le dimanche matin à la radio    parce que j’ai connu mon premier amant, le duc de Monte Cristie à la fête de l’huma où il était allé s’encanailler.

J’aime Prévert l’homme des inventaires;    c’est un exercice de collectionneuse auquel je m’adonne dans mes moments de... méditation.

J’aime le gras du jambon,  le meilleur des cosmétiques internes, souverain pour la douceur de la peau et l’éclat de la chevelure.

J’aime le chocolat noir  le seul aphrodisiaque naturel qui magnifie tous les plaisirs.

J’aime la moutarde forte,  il faut l’avoir savourée, sur les moustaches d’un galant.

J’aime faire rire car il n’y a pas mieux pour les préliminaires, j’ai mis au point un rire perlé, cristallin, qui excite très fort les messieurs.

J’aime le bisteak saignant, un fougueux descendant du Comte Dracula m’a initiée à la saveur de l’hémoglobine fraîche.

J’aime écouter la pluie sur mon toit,  j’apprécie encore plus d’être à l’abri dans une confortable aisance.

J’aime lire aux cabinets,  cela me permet de citer « mon cabinet de lecture » et d’entretenir une flatteuse confusion auprès des intellectuels que je reçois.

J’aime les hommes ronds et parfumés,  ronds ce sont des nantis dociles, et parfumés parce que j’ai l’odorat si sensible qu’il est alors facile de feindre un orgasme.

 J’aime Rembrandt la peinture hollandaise  depuis que j’ai pris du poids il est rassurant de voir des courtisanes bien en chair.

J’aime les grands appartements  je ne me laisse pas séduire à moins de 200 mètres carrés, exposition plein sud, quartier résidentiel.

J’aime les mules plutôt que les pantoufles,   on n’a jamais vu une cocotte en charentaises, réservées aux légitimes, j’ai de ravissantes mules roses garnies de plumes dorées…

Je n’aime pas les travaux ménagers  il y a des femmes étudiées pour, d’accortes soubrettes, fournies en général avec l’appartement par mes amis prévenants.

Je n’aime pas Bartok   quand on me sort c’est en général dans des cafés chics à la mode.

Je n’aime pas inviter plus de six personnes   c’est un bon chiffre pour le choix d’un changement de main : cinq messieurs et moi c’est parfait.

Je n’aime pas parler en public   je suis, c’est évident une adepte du susurrer dans l’intimité.

Je n’aime pas le machisme   j’ai toujours eu les hommes à mes pieds et je hais la bêtise des femmes soumises qui fabrique les machos.

Je n’aime pas que l’on compte sur moi  je suis faite pour compter, plutôt deux fois qu’une, sur les autres et m’échapper à la première difficulté ; je ne suis pas maso.

Je n’aime pas le maquillage violent et les jupes courtes   j’évite toute vulgarité, sous une légère robe de chambre en soie j’habille ma peau nue d’un nuage de poudre au jasmin.

Je n’aime pas les gosses mal élevés   je n’aime aucun gosse, je n’aime câliner que les adultes …bien élevés…dans l’échelle sociale.

Je n’aime pas le gratin de pâtes   le gratin c’est celui qui roule en Jaguar avec l’attaché case qui fait les bons payeurs.

Je n’aime pas le sport   parce que je préfère Dior à Adidas.

Je n’aime pas les femmes trop belles  c’est tellement dur la concurrence, plus le temps passe plus les autres sont jolies et l’attirance pour la jeunesse est, hélas, une mode qui dure.

 

dimanche 16 janvier 2022

mercredi 12 janvier 2022

 

Eugénie n’avait d’impérial que son prénom. C’était une petite fille toute menue aux beaux yeux noirs dans le visage chiffonné de l’enfant qui grandit sans amour. Sa mère la considérait comme un boulet qui la freinait dans sa vie de belle femme, directrice appréciée d’un petit hôtel à Dax. Il fallait bien qu’elle serve à quelque chose cette petite, alors dès le retour de l’école armée d’un balai bien trop haut , elle faisait le ménage de l’hôtel. Petite Cendrillon, elle se consolait le soir dans sa petite chambre en câlinant sa poupée faite d’une pomme de terre et de ces grandes allumettes que l’on emploie pour allumer les feux de pignes de pin.

Sa jeune vie ne s’épanouissait qu’à l’école dans la soif d’apprendre, de mériter la considération du maitre et l’amitié  de ses compagnes. Mais sa mère l’estimant suffisamment instruite condamna bientôt son adolescence à la solitude et aux travaux ménagers.

Quand Edouard Salles, le solaire, apparut, Eugénie en tomba follement amoureuse ;

 Avec lui et leurs enfants son besoin d’amour était enfin comblé, son courage et sa vaillance n’avaient pas de limites. La petite maison d’Aire- sur- l’Adour était seulement louée mais elle se mit à cultiver le vaste jardin, bientôt une merveille de légumes et de fruits. Il y avait les poules et les lapins…La petite famille pouvait ainsi vivre en autarcie. Eugénie qui voulait que sa couvée ne manque de rien  « faisait les marchés au gras » achetait oies et canards pour une clientèle fidèle. Les  viandes étaient confites. Les foies gras après leur bain  d’Armagnac étaient placés dans des boites en métal, serties. En guise de salaire Eugénie gardait les extrémités des foies, enrobés dans des blancs de volailles  mis aussi en conserve ces » galantines » régalaient la famille lors des grandes occasions. Toutes ces boites étaient mises à bouillir dans la lessiveuse, on les entendait s’entrechoquer dans le gros souffle des bouillons par toute la maison !

Les talents de cuisinière d’Eugénie avaient attiré l’attention, par personnel interposé, du Sénateur Lourtis la plus haute personnalité de la ville. Homme politique important il recevait beaucoup lors de banquets gastronomiques. Eugénie en devint le chef d’orchestre, ses sauces de cèpes au Madiran ,ses timballes de ris de veau et ses civets de chevreuil étaient fameux jusqu’à la capitale !

Jeune hobereau  sans fortune le jeune Lourtis avec épousé une riche héritière en centaines d’hectares de pins ceci compensant la laideur et la bêtise de la donzelle…Avec l’âge les choses avaient empiré et Madame, sans autre famille que son volage sénateur d’époux avait sombré dans une mélancolie virant à la folie. Monsieur la cachait à ses visiteurs. Sur les conseils de monsieur Lévrier, le médecin, il la confiait aux soins d’une nurse, une ?... plusieurs qui se succédèrent découragées par la méchanceté de Madame. Bien entendu il fit encore appel à Eugénie qui avait toute sa confiance. Le docteur lui enseigna les premiers soins, les piqures…et voilà Eugénie bombardée infirmière. Elle savait les soirs où monsieur recevait, calmer madame avec quelque chanson, la préparer pour la nuit et la faire monter gentiment dans son lit :

- Allez Madame montez le marchepied nous allons prendre le train pour Paris et rejoindre Monsieur au Sénat…. Et hop, sous la couette Cela marchait si bien, trop bien Eugénie disait :

-Les journées n’ont que vingt quatre heures….Comment arrivait elle, encore, forte de son nouveau savoir à soulager les douleurs de ceux, nombreux, qui ne pouvaient s’offrir les soins du médecin. Appelée parfois trop tard elle aidait les pauvres gens  à partir en leur tenant la main…

Madame Salles et une sainte disait on partout dans la ville. Pauvre sainte débordée, harassée. Elle qui aimait passionnément ses enfants désespérée d’en avoir perdu deux en bas âge. Edouard cachait son chagrin sous son éternel sourire Il admirait la force de cette femme si menue, conscient qu’elle était le pilier solide de la famille qui lui permettait le luxe d’une certaine fantaisie dans son existence. Il lui arrivait régulièrement d’emmener à diner quelque «  gars du trimard »dont il appréciait la conversation. Il y avait toujours uns assiette de soupe à offrir. Marie Bonbon , la voisine, quand elle n’avait pas vendu ses berlingots,  la partageait,  pratiquement tous les soirs…

La guerre et ses chagrins ont eu raison d’Eugénie. Elle est partie juste après avoir connu la joie du retour de ses deux garçons prisonniers.

Ma grand-mère tant chérie.

 

 

 

lundi 10 janvier 2022

jeudi 6 janvier 2022

 

Edouard était né  en 1865 dans une famille nombreuse pauvre mais très unie. Ils logeaient tous dans une des dépendances de la propriété des Astous mise à leur  disposition par le Meste.

Jacques, le père, « brassier » sur les terres travaillait depuis toujours dans les vignes de ce domaine de Jurançon.

C’était un homme tes intelligent, fier de savoir signer de son nom sur le registre des naissances alors que la majorité le faisaient d’une simple croix. Désireux que ses enfants  aient une bonne éducation il sacrifiait leur aide sur les terres pour les envoyer à l’école. Marie, sa  femme , trimait toute la journée pour la riche Daoune du domaine.

Edouard était un enfant heureux jusqu’à cette triste nuit du Nouvel An. Un terrible orage faisait tout trembler du ciel à la terre et les brassiers avaient dû sortir  sous les bourrasques de grêle pour essayer de sauver le Vignoble.

Jacques s’affairait en bout de rangée de ceps quand un arbre de l’orée du bois tomba lourdement, l’écrasant, le tuant.

Vite on alla chercher Marie de saisissement son cœur ne résista pas ,elle s’écroula, morte au coté e son mari.

Pauvres enfants qu’allaient t il devenir ? Grâce à leur bonne éducation et leur courage Les filles d’abord placées chez les Sœurs devaient toute leur existence œuvrer dans une mission en Chine. Deux frères prirent un cargo pour l’Argentine où l’un d’eux fonda l’Ecole française de Mar del Plata, le plus jeune s’engagea dans l’armée…Edouard reçu «  Premier du Canton de Pau au certificat d’études « entra chez les compagnons du Tour de France.

(avec ce certificat d’études on maitrisait parfaitement écriture, grammaire et orthographe, toutes les opérations du calcul, l’histoire de France, sa géographie physique et politique, on connaissait les grands auteurs, on était capable de réciter un grand nombre de poésies) Une parenthèse ne suffit pas à dénombrer toutes les vertus que cet enseignement  dispensait : le respect des parents et des maitres, l’amour de la Patrie…

 Chez les Compagnons  Edouard choisit la section  »Peinture filets et lettres ». Filets cela signifiait toutes les décorations des calèches, des intérieurs bourgeois, des riches vitrines commerçantes etc.…

Edouard aimable, toujours joyeux était parfaitement heureux dans ce milieu fraternel, à Paris, comme tous les autres amoureux de la Mère des Compagnons. A cette époque sont seul vrai chagrin avait été la disparition de son frère militaire. Il avait été expédié avec son régiment pendant la guerre en Nouvelle Calédonie. Un jour un document militaire mentionnant « mort au combat » avait désespéré Edouard.

Quelques temps après il avait reçu la visite d’un ancien combattant au visage tout  couturé se disant l’ami de son frère qui lui déclara sans ménagements :

- Votre frère n’est pas mort en combattant… il a été mangé par las canaques !! Sur  son acte de décès la mention « mort au feu » était quand même valable ajouta-t-il avec un affreux sourire.

Pauvre Edouard il ne s’en est jamais remis.

 Sinon sa vie professionnelle et personnelle lui s donnaient parfaite satisfaction. Il faut préciser qu’il était très  beau. Taille haute pour un béarnais, silhouette élégante surmontée d’un visage aux  traits réguliers, un sourire ravageur et d’épaisses boucles brunes…

Dans son tour de France et d’Espagne il avait multiplié les conquêtes et laissé au passage quelque cœur blessé.

Un défaut cependant une addiction au vin blanc qui devait lui jouer des tours. Il en tirait cependant une leçon positive. Ainsi il déclarait qu’après être tombé ivre dans une rivière « et même un fleuve » il ne fallait jamais se retourner et nager jusqu’à l’autre rive... Indécrottable optimiste il ne se trouva pas gêné lorsque sa logeuse, à Dax à son retour d’Espagne, lui demanda le prix de la pension qu’il était dans l’incapacité de payer…

- Chère madame rien ne pourra m’empêcher un retour heureux et me fixer au pays, certes je ne peux vous payer mais j’épouse votre fille et tout est réglé. Quel artiste ! Ainsi fut fait et la gentille Eugénie devint son épouse. Six enfants plus tard Edouard déchargé de tout souci d’ordre familial par sa vaillante femme, chantait en travaillant, amusait ses enfants par son humour toujours vivace, multipliait les amis … et les cadavres de bouteilles de vin de jurançon. Trop jeune en 70, soutien de famille en 14, trop âgé en 39 il avait échappé à toutes les guerres. Rien ne pouvait entamer sa bonne humeur et  sa gaité restées juvéniles…

 Les peintres fabriquaient eux mêmes leurs peintures avec des pigments en poudre et de la céruse laquelle contenait du plomb…avec leurs tendons   raccourcis les mains d’Edouard ressemblaient à des griffes d’oiseau, bientôt il ne put plus tenir le pinceau. Edouard atteignait l’âge de la retraite, il n’y avait plus de calèches à décorer, il se reconvertit alors en formateur d’apprentis. Il n’était guère sévère et riait avec eux. De temps en temps pour asseoir son autorité il prenait une grosse voix en défaisant la boucle de sa ceinture de cuir, en libérant de plus en plus de longueur il criait ;

 »Ca va chauffer sur les mollets » mais il s’arrêtait r toujours avant de libérer complètement ce fouet imaginaire.

 Comme le jour où il avait envoyé un apprenti travailler chez un commerçant. Il s’agissait  d’écrire sur la façade en  lettres élégantes les spécialités maisons. Edouard avait donné le modèle au gamin écrit sur un carton:

-«VINS  LIQUEURS SIROPS ».

Le soir Edouard alla vérifier le travail  et fut effaré de lire : »VINS  LIQUEURS SIRO.P.S ». L’apprenti s’expliqua :

-Oui, Monsieur J’ai écrit comme vous m’aviez dit : » SIRO PUR SUCRE  ». Edouard dans son fou rire oublia même de défaire sa fameuse ceinture….

Avec ce don égoïste de ne voir que le bon côté de l’existence, se moquant avec humour de ses contemporains  il vieillit ayant gardé son élégante silhouette et son pas  élastique  s’adonnant à sa passion de lire, sans lunettes, et se vantant de n’avoir jamais eu recours à un médecin.

Il avait quatre vingt onze ans quand un accident eut  raison de sa vitalité.

J’aimais beaucoup mon grand-père.