mardi 25 février 2014

Suspens en 2050.



Il était une fois un temps inexistant à force d’être suspendu sous la coupole irisée d’un ciel bleu toujours du même azur. Un chaud soleil immobile illuminait le gazon sans défaut. « Défaut », d’ailleurs, comme « temps » n’existait pas dans cet espace de perfection.
Sous un figuier au tronc lisse, aux fruits succulents  et aux feuilles qui pourraient se révéler utiles était assis le Néopère tout vêtu de blanc, dégustant, tranquille, sa barbe à papa. Le créateur de toute chose se reposait. Il avait tant fait, tant produit, créé un monde si merveilleux !
Il couvait d’un œil alangui par la fatigue le fin du fin de sa folle imagination concrétisée.  Au plus près de la réalité biblique  cette chose qu’il avait façonnée avec de la boue chromosomique, l’avait-il parfaitement conçue, réalisée ? Certes elle était, d‘assez loin quand même, à son image du temps ou il était beau, beau et con à la fois et s’appelait Jaky. Ce Big Father était le gagnant  d’un challenge scientifique, un concours de projets novateurs.
 Mais son projet se révélait tellement complexe ! Et quelle idée d’avoir voulu  donner une compagne à sa créature en la façonnant, par une obscure inspiration venue du fond des âges, avec une côte du premier apparu. La création du monde végétal et animal, très bien .Mais ce besoin d’animer deux marionnettes lui ressemblant c’était superflu et peut-être la cause de problèmes que même lui ne pouvait imaginer. Avant le concours il avait du faire une overdose d’ambroisie-coca.
 En les écoutant il sentait ses craintes se confirmer. Preuve de sa folie passagère il leur avait en effet, donné la parole, allant jusqu’à leur permettre de dialoguer avec lui. A2 et Ebis se promenaient sur le gazon, doux à leurs pieds nus, en devisant de choses et (de très peu) d’autres dans leur vocabulaire limité. Ils suivaient le vol gracieux d’un papillon folâtre qui les amenait près d’un grand arbre auquel pendait une unique pomme, rutilant dans la lumière édénique. Le Père avait averti A2 de ne surtout pas s’approcher de cet arbre et encore plus de ne pas toucher au fruit baptisé, vu la circonstance «  fruit défendu ». Il avait tenté d’expliquer l’horrible danger protéiforme auquel exposerait tout manquement. Il était sûr de l’obéissance de sa créature, entre hommes on se comprend.
Ebis avait écouté, docile comme il se doit, se contentant de remarquer  que même inaccessible cette pomme était très belle. Tout en marchant A2 et Ebis écoutaient le roucoulement harmonieux de la colombe de la paix imprimée 3d avec, fruit de tristes souvenirs, armure incorporée.


- Retournons vers notre père proposa le garçon à la fille,
- Pourquoi nous n’avons pas fini notre promenade et tu n’es jamais fatigué ?
- Je te vois venir… tu veux t’approcher de l’arbre défendu,
- Défendu c’est vite dit, moi j’ai entendu  « arbre de la sagesse ».
-  Et alors tu ne sais même pas ce que cela veut dire ! Ebis prend la main d’A2 dans la sienne si douce et l’amène au pied du grand arbre. Lové sur une  branche un serpent leur fait les yeux doux. 
- N’aie pas peur, aie confiance… Tu parles, on ne la fait pas à un homme, A2 hausse les épaules et veut s’éloigner. Le sourire enjôleur d’Ebis le retient. Sans crainte elle s’adresse au serpent :
- Qu’est ce que c’est la sagesse ?
- La sagesse c’est le pouvoir. A2 s’énerve :
- Allons viens, tu te laisses embobiner par cette vipère cornue, allons faire la sieste sous le poirier. Le serpent se met voluptueusement en quatre… puis en huit :
- Ma chérie tu es vraiment accompagnée par un pauvre mec, moi je peux t’offrir le monde entier, le mettre à tes pieds. Ebis  à l’image du serpent, se tortille, aguicheuse :
- A2  je t’en prie écoute-le ? Avoue que toi aussi tu commences à être fatigué de ce paradis où il ne se passe jamais rien. Et au serpent :- est-ce que j’aurais des réponses à mes questions si je mange la pomme ? A2 la tire en arrière de toutes ses forces :
-  Ne vois-tu pas, compagne insatisfaite, qu’ici tout et parfait, que peut-il te manquer ? Rappelle le toi de ce que le père à dit :
- Le père à dit le père  a dit moi, je veux savoir. Savoir entre autres  pourquoi Adam  n’a pas de nombril, si je ne suis vraiment qu’une petite partie de lui, seulement une excroissance qui me vouerait définitivement à la dépendance ? Le serpent fait un double salto avant de se pendre acrobatiquement à une branche basse par sa queue poilue. ( oui ça s’appelle un raté)   - Ma jolie, approche, oui, tu auras toutes les réponses…
-  Regarde A2 comme il est souple et quel regard magnétique. Toi tu ne m’as jamais dit que j’étais jolie…
- Je t’en prie Ebis ne l’écoute pas  je n’ai aucune confiance dans cet acrobate à écailles ! L’autre siffle avec douceur :
- Approche encore un peu, et tu deviendras intelligente !
- Tu entends Adam, intelligente !
- Bah, moi, cela ne m’intéresse pas. Les yeux du serpent étincèlent en mode warnig,
- Comment peux –tu supporter une pareille nullité,Ebis, si tu  manges la pomme tu auras à qui parler.
Le Father divine se demande s’il doit intervenir, il y a quand même personne en danger, beaucoup de personnes, des générations… mais il est intègre et ne doit pas falsifier la fin de l’expérience. Il a aussi la flemme de se lever et puis c’est amusant d’observer la témérité de ce petit bout de femme. Même clonée elle en a sous le chignon.
Le serpent sourit de tous ses crocs venimeux .De ses petites mains vertes (oui, lui était vraiment loupé), il tend la pomme à Ebis qui la croque goulument. A2  est horrifié mais comme il ne veut pas perdre sa côtelette avec ce qu’il y a autour et qui, malgré tout, lui tient compagnie. Il cède à son invite et mord à son tour dans le fruit.
Badaboum ; la coupole est volatilisée, la centrale nucléaire explosée.
Le toupet caramélisé le Généticien se retrouve dans sa blouse blanche en charpie, cul nu sur le carrelage glacé de son laboratoire martien. Devant lui ses deux créatures  penaudes essayent de cacher leur nudité. Leur double regard interrogatif attend de lui toutes les réponses qu’il sait ne jamais pouvoir leur donner.

lundi 24 février 2014

Réparation.



J'ai changé ma souris contre une plus performante capable de réparer l'imprimante.

dimanche 23 février 2014

Tous à poil !

                 
                            
                           M'sieur, m'sieur, ya les deux du fond qu'on pas tombé la ch'mise !!

samedi 22 février 2014

mercredi 19 février 2014

Conversation -12- avec Cora .



- Ma chère amie, vous m’avez intriguée à propos de Bécassine, ce soldat que vous aviez bizarrement qualifié.
- Je vais le replacer dans le contexte. Au fil du temps la radio des « Français parlent aux français » diffusait des messages devenus guerriers. Codés, ils annonçaient aux initiés un parachutage d’armes, un pont ou une voie de chemin de fer à faire sauter, un convoi allemand à prendre au piège. Les maquisards bien armés étaient maintenant redoutables et multipliaient les actes terroristes. Les communiqués militaires qui se voulaient optimismes  ne pouvaient plus cacher les difficultés extérieures que le Reich connaissait. Les armées d’Hitler était mise à mal en Russie, ce qui,  en les encourageant redoublait l’efficacité les armées de l’ombre à  l’intérieur.
-   Ça sentait le roussi pour les occupants !
-  Bécassine n’était pas la gloire du grand Reich ! Il était arrivé avec les derniers  contingents que l’armée nous avait envoyés en grattant les fonds de tiroir… Après le couvre feu des patrouilles de deux soldats passaient dans  les rues, entraient dans les maisons pour vérifier si les consignes de black-out étaient correctement appliquées. Un soir deux paires de bottes montent lourdement l’escalier et un couple de troufions entre dans la cuisine où je me trouvais avec ma mère. Quel duo ! Un grand, gros et vieux soldat, l’autre un gamin à peine plus âgé que moi flottant dans un uniforme trop grand. Il fixe un regard intense sur ma mère. Le voila qui extirpe un portefeuille des plis de sa vareuse informe, en sort une photo et nous la met sous le nez. C’est vraiment extraordinaire. On voit sur le cliché le soldat tout fier de son uniforme à côté d’une dame qui... ressemble trait pour trait à ma mère. Il baragouine avec son collègue lui demandant visiblement de partir. Le gros contrarié par cet accroc à la discipline,  sort pour continuer seul sa ronde en grondant des reproches, poing  menaçant tendu vers le gamin :- « Bégazine, Bégazine »… L’autre nous sourit, expliquant –« Kamarades appeler moi Bégazine » enlève son casque, le pose sur la table, met son ceinturon à coupe-choux à l’intérieur et s’installe sur une chaise.



 Nous, muettes, sans broncher. Pas de mérite, malgré son escopette ce gamin aux doux yeux bleus n’était guère effrayant... Personne ne parle, maman et moi faisant, comme on nous l’avait appris, si  de rien n’était, maman à ses ravaudages, moi à mes devoirs. Le Bécassine restait là sans un mouvement, visiblement heureux de contempler ma mère sans dire un mot. Une heure, deux peut être. Le lendemain même manège : le collègue renvoyé, le casque sur la table avec le ceinturon, l’adoration immobile. Évidement nous avions mis au courant mon père, qui passait les soirées avec les hommes. Il ne pouvait aller sur le terrain mais était devenu champion en faux papiers et pourvoyait en cartes d’identité, prisonniers évadés ou autres fugitifs acquis à la cause. –« Surtout ne renvoyez pas cet imbécile, il va nous  être précieux pour éviter les perquisitions, il faut que nous soyons plus que jamais tranquilles au grenier».
Avec précautions, il savait que c’était mon cousin préféré, mon père nous apprend l’accident arrivé à Denis. J’étais en admiration amoureuse devant ce cousin, brillant étudiant, cavalier émérite et qui jouait divinement du piano. Engagé dans la Résistance, il était chargé de surveiller dans une cabane au fond des bois, le dépôt d’armes où s’entassait le produit des parachutages. Des jeunes gens étaient occupés à les trier quand Denis aperçoit sur le tas une grenade dégoupillée. Il s’en saisit en hurlant à ses camarades de se mettre à l’abri et la lance par l’ouverture de la cabane. Elle explose  au même instant. Denis git au sol touché par les éclats, un œil crevé, les mains en charpie, il manque trois doigts à sa main droite, deux à sa main gauche, un gros éclat est fiché dans son portefeuille au niveau du cœur …Un médecin du groupe lui prodigue les premiers soins mais il n’était pas question qu’il reste au maquis dans cet état.
- D'où le soulagement de votre père. La présence de Bécassine était le  garant de votre tranquillité.
- Exactement. On avait  pu installer Denis au grenier, visité le soir par un médecin ami pendant que Bécassine, toujours collé dans la cuisine devenait un peu plus audacieux.
- C’est-à-dire ?
- Eh bien, toujours muet et  souriant il aidait par exemple ma mère à porter la lessiveuse sur la cuisinière,  sortait de sa poche un bout de chocolat farineux pour moi… Il faisait semblant de ne pas voir le tissus que nous cousions avec plaisir depuis quelque temps,  si beau si léger et… si visiblement de la soie de parachute. Ce manège a duré assez longtemps pour que nous n’ayons plus à craindre l’intrusion de patrouilles. Nous étions devenus sa vocation militaire. Nous étions protégés par cet innocent. Bientôt nous le considérions comme un inoffensif meuble familier.
Et puis un soir pas de Bécassine, le lendemain, le surlendemain non plus. Des semaines passent.
Un jour, dans la rue je vois le vieux co-équipier de Bécassine patrouillant avec un autre vert-de-gris. Je m’approche de lui et du ton le plus interrogatif possible je demande :-« Bécassine ? »-«  Pékazine, pon kamarade, très mauvais soldat, Pékazine, envoyé Russie, tué Stalingrad ». Immédiatement il me vient à l'idée que ce vieux salopard a dû dénoncer son petit kamarade.  Je reviens en courant à la maison apportant la nouvelle. Mon père, calmement :-«  Normal c’était un soldat et un soldat ennemi » pendant que ma mère essuyait une larme –« pauvre petit »…
- Cette bataille de Stalingrad a été décisive ?
- Absolument, c’était pour les schleus le début  de la fin. A l’école les garçons quand ils se battaient ne disaient plus –« tu vas voir ce direct ! » mais –« je vais te coller un Stalingrad !».
Puis il y a eu le débarquement, la jonction de toutes les forces d’opposition, la débandade des « doryphores ».
- Vous avez du être très heureuse à la Libération ?
- Si tu veux, petite, je te raconterai comment je l’ai vécue. Laisse-moi souffler, tu m’as fait tellement bavarder, moi qui n’ai plus beaucoup d’occasions de m’exprimer…
 Tu ne sais pas ? On va faire des crêpes, surtout n’oublie pas le rhum !

mardi 18 février 2014

Vocation.





Surveillez bien vos enfants, ils peuvent vous fournir d’excellentes indications pour les aider à  se réaliser dans un avenir épanoui...




http://www.youtube.com/watch?v=i7W3ICpONVs

lundi 17 février 2014

Exhibitionnisme.

                         
                                         Attention aux poussées de sève printanières...




dimanche 16 février 2014

Dimanche.

                           
                                       Grand-messe à Saint Titi, la paroisse de l'abbé Grosminet.

samedi 15 février 2014

Formidable !!!


 C'est le meilleur, ami Bourdon , tombe le masque et applaudis avec moi  !

Ta fête.


                              Et une victoire bien méritée!


Inondations.


                                            J’en ai profité pour me remettre au sport !

vendredi 14 février 2014

mardi 11 février 2014

Shirley et Cora .




A midi je suis passée chez Cora pour prendre de ses nouvelles:
- Ah! ma Mignonne sais-tu que Shirley Temple est décédée ?
- Cette petite actrice américaine des années trente ?
- Petite, que dis -tu, c'était une vedette inter-planétaire ! A tel point qu'on lançait des concours de sosies avec des récompenses pharamineuses pour qui voulait concourir, pour participer, même sans gagner. Une amie de ma mère m'avait amenée chez un photographe dans l'idée de présenter ma candidature dès la sortie des premiers films de Shirley qui n’avait alors pas plus de quatre ans. Mes parents se sont violemment opposés à cette idée...mais ont gardé la photo que j'ai retrouvée par miracle.



Regarde j'avais seulement trois ans.Dans la vidéo ci-dessus Shirley avait bien six ou  sept ans. Les producteurs ont prolongé artificiellement son enfance qui  faisait de l'or. Quand nous avions six ans et qu'elle bénéficiait d'un succès mondial je lui ressemblais beaucoup .... mais j'avais dix centimètres de plus et je ne dansais et chantais qu'au bénéfice de mes proches !
Le cinéma l'a boudée quand elle n'a plus été  la fillette à fossettes qui amusait et attendrissait dans une époque difficile. Shirley était une femme intelligente et a fait une brillante carrière dans la diplomatie. Né lors d'une crise, elle disparait pendant une autre...
En tout cas je suis attristée, elle faisait partie de ma petite enfance et c'est comme si j'avais perdu une petite sœur lointaine.
- Vous me prêtez votre photo Cora? Merci, à très bientôt!

Vanités.


Une petite fille marchait tous les jours pour aller et revenir de l'école.
Bien que ce matin-là, des nuages se formassent, elle se rendit à pied à son école.
Durant l'après-midi, les vents s'élevèrent et les éclairs apparurent.
Inquiète, la Maman s'empressa de prendre la route, en voiture, vers l'école.
En route, elle vit apparaître sa petite, qui, à chaque éclair, s'arrêtait, regardait en haut et souriait.
Quelques éclairs se succédèrent rapidement et, chaque fois, l'enfant regardait vers l'éclair et souriait.
Sa mère parvint à ses côtés, baissa sa fenêtre et lui demanda :
Mais que fais-tu là ?
L'enfant de répondre :
"J'essaie d'être belle, car Dieu n'arrête pas de me prendre en photo ! "

...Il faut dire que son arrière- grand-mère a été miss France, ici avec sa Dauphine...


lundi 10 février 2014

Trois moments de vie.


                                      
                                   
                                              Photos sélectionnées par un macho misogyne.

dimanche 9 février 2014

Le jeu des familles.





Des bouilles gavroches...










       Des tailles minuscules...






                          Des poids plume...





         Venus de l'Est...
         Surtout des esprits brillants...


                          Lorant Deutch , Roman Polanski.

vendredi 7 février 2014

La question qui tue.


JUSTE AVANT DE DORMIR, UN JEUNE MARIÉ DEMANDE À SON ÉPOUSE :

« MA CHÉRIE, AS-TU CONNU D'AUTRES AMANTS AVANT MOI? »

PAS DE RÉPONSE...



TRÈS TRÈS LONG SILENCE... AU BOUT D'UN CERTAIN TEMPS, LE MARI CHUCHOTE :
« TU DORS MA CHÉRIE? »



« NON, JE COMPTE...

jeudi 6 février 2014

mercredi 5 février 2014

Ca vous en bouche un coin !

Lorsque, à NANTES, en 1886, Louis LEFÈVRE UTILE, fils des fondateurs de la Société LU imagine ce biscuit, son but est de créer un gâteau qui puisse être mangé tous les jours. D'où son idée originale de représenter le "temps".
  • Les 52 dents représentent les semaines de l'année
  • Les quatre coins représentent les saisons
  • Ce biscuit qui mesure 7 cm fait référence aux 7 jours de la semaine
  • et les 24 petits points s'identifient aux 24 heures de la journée
Pour la forme et le lettrage, il s'est inspiré d'un napperon de sa grand-mère.
La recette à bien fonctionné puisque, 6 400 tonnes de véritables Petits Beurre LU se vendent chaque année !



Ce courrier électronique ne contient

lundi 3 février 2014

Conversation -11- avec Cora.




-  Si j’ai bien compris, ma chère Cora ces années d’occupation vous ont beaucoup marquée.


- Comment en aurait-il été autrement ? Chaque jour amenait son lot de drames qui s’inscrivaient profondément dans nos jeunes esprits en pleine formation. Comment imagines –tu qu’a douze, treize, quatorze ans  on puisse ne pas être marqué par ce type de nouvelles : trois résistants arrêtés, fusillés pour l’exemple devant tout leur village, une vieille femme sourde qui n’avait pas obéi à une injonction égorgée par un  le chien policier, des lycéens réfractaires battus à mort, l’horreur à Oradour...Pour aller en classe nous devions passer devant la villa des Glycines réquisitionnée par la Gestapo, c'était un centre de torture. Nous étions obligés d’entendre les hurlements des suppliciés qui s’en échappaient. En vain nous changions de trottoir, malades d’indignation et de pitié. 
- Aviez-vous des distractions ?
- Le tricot !! On nous distribuait des pelotes pleines de piquants dite laine kaki. Les garçons comme les filles fabriquaient avec cette horreur qui nous blessait les doigts, moufles, passe- montagnes et  chaussettes. Un organisme caritatif les récupérait pour les faire distribuer dans les stalags allemands où étaient retenus nos prisonniers. Nous cousions aussi, plutôt nous rapetassions, ma mère allant jusqu’à « retourner »  le manteau usé de mon père et remaillant ses derniers bas de soie avec des cheveux… je me souviens d’une robe fait-maison dans un coupon touché avec des tickets de textile, presque tout le carton de la saison ! Blanche avec des raies vertes et bleues. A la chaleur du  repassage les bandes vertes disparaissaient et revenaient quand le tissu avait refroidi ! On parlait caséine du lait, colle de poisson, curieux textiles ! Pour les chaussures à semelle de bois nous avions des jeux de lanières de tissus de différentes couleurs que nous clouions alternativement, histoire de changer ! Le pneu faisait des semelles très convenables. C’était un jeu, aussi, l’été, quand on nous avait acheté « la » paire de sandales de corde de danser sur la route dans le goudron fondu sous le soleil  puis dans le gravier de la rive pour les renforcer, elles duraient ainsi, plus très souples, toute la saison.
Il y avait la lecture évidemment, je me souviens de « Grands cœurs » de Edmond de Amicis, plein d’exemples de bravoure enfantine, et les Fenimore Cooper avec ces indiens épris de liberté et autres Jack London… Notre jeu favori était, dans le petit bois, « Tarzan dans la jungle ». Les plus imaginatifs faisaient Tarzan, Jane et Chita, les autres, paradoxalement, les savants explorateurs…
- C’était l’influence de vos lectures ou du cinéma ?
-  On donnait au cinéma de rares films, le même pendant des mois, provenant d’Allemagne. Pour voir danser sur l’écran l’inoffensive Marika Rockk  (nous faisions des claquettes à la récré sur son « Musik, musik, musik » ) il fallait subir une première partie  de propagande toute à la gloire du Grand Reich. Pour la musique nous devions nous contenter de la fanfare militaire, concerts où nous étions au début aimablement conviés. Il faut dire que la première année l’armée avait consigne de collaborer avec la population. Au fur et à mesure que la résistance s’organisait l’ambiance changeait jusqu’à l’extrême cruauté que j‘ai déjà évoquée. Parmi les distractions il y avait aussi l’écriture des lettres aux prisonniers. Chacun d’entre  nous avait un ou deux « filleuls de guerre » pris au hasard. Nous étions sensés leur remonter le moral…C’était une des rares correspondances qui passait les frontières mais
après  la censure qu’on appelait « Anastasie »
Anastasie était partout et polluait les rares moyens d’information. 
Mon filleul prisonnier inconnu, Lélio, était dans le civil représentant en pâtes Panzzani... et scaphandrier à Marseille ! Ah ! Le brave homme, c’est lui qui me remontait le moral durant ces années noires, me décrivant dans ses lettres avec sa faconde méridionale, les plus comiques anecdotes de sa vie professionnelle, côté nouilles ou côté fonds marins ! Il plaisantait de tout bien que ce soit presque un vieux monsieur. Après la Libération sa femme et lui m’ont invitée à Marseille, il a averti son entourage de la visite de sa marraine, sans précision. Il riait tellement de voir la tête de ses amis qui attendaient  "La bonne vieille » et ont vu apparaitre une jolie ragazza !
Tant que j’en suis au chapitre des lettres… On nous distribuait quelques « cartes de correspondance » par mois, pratiquement préétablies, le seul courrier qui pouvait, après contrôle, franchir la ligne de  démarcation. En gros pour les familles séparées c’était : « nous allons bien ou Untel est mort »…
Par contre nous avions trouvé un moyen de passer de vraies lettres. Le travail de mon père l’amenait des deux côtés de la frontière. Seuls les deux médecins et lui, fonctionnaire des impôts, (l’importance de la finance sous tous les régimes !) avaient le droit de rouler en voiture. Mon père avait une « onze CV Citroën, le fin du fin à l’époque, de surcroit d’un élégant  gris métallisée.
        Verbotten !!      C’était la couleur des véhicules des officiers, il n’était pas question d’une possible confusion !  Comme pour toute fourniture réquisitionnée et envoyée en Allemagne la peinture était  rare. Mon père n’avait trouvé chez le carrossier que de l’orange,  Il était fou de colère mais a dû s’habituer à rouler dans sa « Citrouille ». Donc les amis, en particulier  des résistants, portaient leurs lettres à mes parents. Mon père choisissait le jeudi, alors vacances scolaires, pour organiser sa tournée de « l’autre côté ». Je portais un manteau râpé et trop court mais pourvu, suivant la mode, d’énormes épaulettes. Une fois décousues elles laissaient la place aux lettres bien rangées dans la doublure. Au poste frontière officiel certains gardiens zélés fouillaient la voiture. Petite fille assise à côté de son père muni du fameux laisser- passer, je  n’étais pas suspecte. Arrivés chez le contact de mon père, en zone libre, on défaisait la couture, sortait les lettres, un nouveau paquet de courrier  faisait le voyage retour.
 Je ne me suis, depuis, jamais sentie aussi importante.
- Il devait aussi  y avoir un trafic de personnes sur cette frontière ?
- Bien sûr. Toutes les nuits. C’était l’affaire du Capi et de son groupe. Le Capi, ex-officier de la garde républicaine, vivait avec son épouse une paisible retraite dans une belle villa.Toute proche de la ligne de démarcation il l’avait transformée en bastion. Avant le couvre-feu, guidés par une femme ou un enfant il recevait par tous petits groupes, ceux, en majorité des juifs, désireux de rejoindre la zone libre où ils étaient encore en sécurité. La nuit tombée le Capi les amenait dans les bois frontaliers où les  attendait un passeur. Libres, ils devaient marcher ensuite sur une route déserte jusqu'à la première gare à une dizaine de kilomètres. Souvent les rondes des patrouilles avec chien étaient trop nombreuses et il fallait reporter au


 lendemain.  
Parfois ils étaient arrêtés, les gens disparaissaient et le Capi devait recruter un autre passeur...Il y avait en majorité des malheureux  arrivés de l’Est, des juifs en général, épuisés après leur dangereux voyage, des femmes avec des bébés… Le passeur, après la ligne, les laissait au bord de la route. Le lendemain matin le Capi contactait mon père qui passait la ligne, fort de sa Citrouille et de son laisser- passer permanent et récupérait ces pauvres gens, les amenant jusqu’à la gare.
Permets- moi une remarque contemporaine : je suis écœurée par ce discours qui veut que la majorité des français  aient  été des salopards qui s’enrichissaient dans ce type d’opération, certains vont même jusqu’à ajouter, sachant qu’elle était vaine et que ces gens seraient, de l’autre côté, rafflés par la Gestapo !  Je suis heureuse d’avoir pu te raconter mon histoire, vraie. Celle de deux hommes parmi d’autres, le Capi et mon père, qui risquaient leur vie pour en sauver d’autres sans aucun autre bénéfice que celui du devoir accompli.
J’ai moi-même avec ma mère passé cette ligne virtuelle plusieurs fois pour aller voir mes grands-parents. Je me souviens parfaitement de l’interminable attente du bon moment, dans la nuit épaisse, tapies dans un fossé avec le passeur, à l’écoute des aboiements des chiens policiers qui renseignaient sur la distance des patrouilles…
- On parle toujours de l’appel du 18 juin, l’aviez vous entendu ?
- Oh ! Oui, et quel soulagement ! J’entends encore mon père dire : "Enfin ! » avec tous ceux qui, comme lui, ne pouvaient se résoudre à la défaite. Privilégiés, nous avions la radio, tête contre tête nous écoutions « Ici Londres » et sa mise en garde relative aux émissions de « Radio Paris ment__ Radio Paris est allemand ». Entre amis, dans le noir, à faible volume, les hommes décryptaient à travers le crachouillis du brouillage, ces messages de lutte et d’espoir. Certains ont payé de leur vie cette écoute interdite. Ce 18 juin a donné une sorte de feu vert à tous ceux qui se regroupaient refusant ce qui semblait inéluctable et se posaient des questions sur la façon de résister. Ils se sont sentis soutenus, ils n’étaient plus seuls. "La Résistance" pouvait s’organiser. C’était parti, et ce mot a bercé ces quatre années de guérilla. Mon père s’est immédiatement investi et la maison était un lieu de rencontre et de prise de décisions.
- Il n’était pas allé à la guerre ?
- Mon père, invalide de guerre, avait été « mobilisé sur place » au titre de lieutenant-colonel de réserve. Les  jeunes officiers allemands élevés dans le respect des combattants de la grande guerre, les gagnants, se mettaient au garde à vous devant lui. Horriblement gêné  mon père a vite vu que ce type de relations lui permettrait une liberté, relative, mais qui pourrait être très utile dans ses activités de résistance. Il jouait de ses titres, de ses médailles ressorties du tiroir et bénéficiait d’une surveillance relâchée.
- Mais en quatre ans vous avez du voir défiler différents occupants.
- Ceux qui nous avaient tant impressionnés au début étaient l’élite de l’armée. La « pure race aryenne », supérieure mais coopérante, disciplinée, officiers parlant français.Au fur et à mesure que l’Allemagne s’essoufflait dans des conflits externes et internes, les  troupes d’occupation étaient moins brillantes et leur emprise plus cruelle. Vers la fin, toute la France était occupée, notre village n'avait plus d'importance stratégique, on  lui envoyait de vieux réservistes ou des gamins imberbes. Lors de la débâcle on a vu partir sous les sifflets et les injures des groupes d’éclopés, désarmés, débraillés sur de vieux vélos ou entassés sur des side- cars cabossés. Ah ! Ces derniers mois où on sentait le vent tourner étaient terriblement excitants et faisaient prendre des risques exagérés pour le plaisir du défi !
Si cela t’amuse je te raconterai « Bécassine », le petit soldat en mode mineur.