Un exemple fameux pour illustrer le précédent billet sur la passation des secrets :
" Dans la Grèce antique, Socrate était loué pour sa sagesse. Un jour, une de ses connaissances vint le voir tout excitée et lui dit : - "Socrate, sais-tu ce que je viens d'apprendre à propos de Diogène ?" - "Un instant," répondit Socrate, "avant de me raconter ça, tu dois passer un petit test. Je l'appelle le test à trois filtres. Voyons ce que tu as à me dire. Le premier test est celui de la vérité : Es-tu absolument sûr que ce que tu vas me dire est la vérité ?" - "Non, en fait, j'en ai entendu parler". - "Bien" dit Socrate, "tu ne sais donc pas si c'est vrai ou faux. Passons au second filtre. le filtre de la bonté. - Est-ce que ce que tu vas me dire au sujet de Diogène est quelque chose de bon ?" - "Non; au contraire". - "Ainsi" continua Socrate, "tu t'apprêtes à me dire au sujet de Diogène quelque chose qui pourrait être mauvais alors que tu ne sais même pas si c'est vrai". L'homme se sentit un peu embarrassé. Socrate continua : - "Tu peux quand même passer le test car il y a un troisième filtre, celui de l'utilité. - Est-ce que ce que tu vas me dire au sujet de Diogène peut m'être utile ?" - "Utile ? non, pas vraiment". - "Bien" conclut Socrate, "si ce que tu veux me dire n'est ni vrai, ni bon, ni même vraiment utile, ...pourquoi me le dire ?" L'homme se trouva honteux et resta sans voix. Voila qui illustre bien pourquoi Socrate fut un grand philosophe et tenu en telle estime. Voila aussi pourquoi Socrate ne sut jamais que Diogène se tapait sa femme." |
mardi 31 juillet 2012
Amis philosophes , bonjour !
dimanche 29 juillet 2012
samedi 28 juillet 2012
Ultime training.
Trampoline.
Un peu d'exercice ce matin pour ne pas trop se rouiller à l'humidité ambiante.
Deux méthodes différentes :
Comme le toutou-tétu qui à défaut de s'envoyer en l'air muscle ses biceps, ou :
Sans bouger de son fauteuil ! ( la bière est dans la main droite).
vendredi 27 juillet 2012
Jean-Michel Roche.
"Affaires étranges au quai des Orfèvres", Édition Pavillon Noir.
Vraiment insolites ces trois nouvelles au rythme endiablé qui nous baladent , innocents faciles à berner, dans des énigmes comme on peut en trouver rarement à la P.J mais plutôt dans l’imaginaire d'un auteur inventif.
Des sectes,des associations criminelles, des ésotérismes à demi dévoilés, un tortueux faux "tueur en série"...
Le couple complémentaire du journaliste d'investigation et de la ravissante commissaire unissent fructueusement leurs efforts professionnels et agréablement, dans le privé, leurs torrides affinités.
On penserait aux polars de la grande époque américaine ...mais ici réactualisés, aux techniques modernes de recherche et sans "cigarette, wisky et petites pépées"... avec, à la française, modérément un peu d'Armagnac et quelques larmes de pastis 51...
Dans chaque chapitre très dense il y a matière à scénario pour dix épisodes de Navarro ou cent du pauvre feu Derrick!!!
Installez vous à l'ombre, dépliez le transat, chaussez vos lunettes et, comme moi, régalez vous.
mardi 24 juillet 2012
Rééducations fonctionnelles.
Les taches d’ombre et de soleil se déplacent en souplesse
comme le pelage d’une panthère à l’affut.
Les larges feuilles du catalpa dansent dans la brise de
juin, la peau soyeuse de Claire brûle et se rafraichit au gré du vent. Allongée
sur le transat, les yeux mi-clos éblouis
par ces fantaisies lumineuses, Claire rêve dans un demi sommeil. Elle a
toujours été une contemplative
émerveillée par les beautés de la nature et celles que les artistes
offrent à qui sait prendre le « plaisir des yeux »…
Aujourd’hui c’est différent elle tente de comprendre son
attitude, que par moments elle qualifie de raisonnable, parfois de totalement
aberrante. Pourquoi a-t-elle rompu brusquement et sans explication avec Alain,
son doux amoureux… intermittent .A la seule pensée de son nom son cœur se pince
douloureusement ; bien sûr ; elle l’aime toujours.
Folie évidente que de s’attacher à un homme marié. Comment
résister à cette tornade de rires, de gentillesses et de baisers ? Etait-il sincèrement amoureux ? sans doute ;
il y avait des années que cela durait. Claire
avait vite réalisé que de toute manière elle représentait pour lui, au minimum,
le cadeau appréciable d’une présence fidèle, d’un amour absolu dénué de griefs,
de reproches, même de la plus modeste exigence. La présence d’Alain était
uniquement source de joie, son absence de plus en plus difficile à supporter.
Il ne lui cachait rien de sa vie conjugale, de leurs sorties, leurs voyages…
Elle était d’accord sur tout ; leur contrat verbal tenait
en peu de mots : pour le meilleur pas pour le pire... Puis il y avait eu l’accident. Il n’en avait
rien su ; Mme et Mr passaient un
mois au Brésil, toute communication impossible. Alain et Claire cultivaient à
l’égard des autres, par jeu autant que
par prudence, le secret absolu. Pas d’amis communs. Alain de retour de Rio avait tenté de reprendre contact mais Claire
avait condamné sa porte, son téléphone. Condamné aussi son cœur à souffrir
d’une absence d’autant plus cruelle qu’elle l’avait provoquée. Elle ne
supporterait pas de la part de son amant une gentillesse apitoyée, mieux valait
trancher dans le vif… comme on l’avait fait de sa jambe juste au-dessous du
genou.
Deux mois que ne retentissait plus le matin le tendre appel
du portable, qu’ 'elle ne lisait plus de S M S pleins d’humour qu’elle n’avait embrassé ses lèvres fermes ,
deux mois que sa maison n’était plus animée par l’harmonieuse silhouette
d’Alain, égayée par sa voix sonore et joyeuse. Tout était donc fini. Cette
boule douloureuse bloquant en permanence sa gorge ? l’accident certes,
mais le manque d’Alain plus sûrement encore.
C’était l’heure du rendez- vous avec le kiné .
Gérard Tournaire rangeait son matériel de soins à domicile
dans le coffre de sa Twingo d’un modèle ancien. Jeune, grand, athlétique,
bronzage de surfeur (qu’il est), tignasse ensoleillée au désordre savant et
regard bleu pervenche. Une insulte vivante aux éclopés qu’il visite chaque
jour. Il a mis au point un discours dévalorisant sur sa personne qu’il détaille devant les plus
atteints de ses patients sur le modèle nippon de : « mon indigne
fils »…Quand il masse les lombaires du colonel Prescott il bafouille en
anglais barbare(il possède pourtant parfaitement cette langue) ce qui réjouit
le vieux militaire. Le rire, quel remède ! Gérard est une anthologie des
extraits les plus désopilants de Coluche, Desproges, il se renouvelle avec la jeune génération, comme Tsamère et surtout Ferrari
qui sait si bien tourner en dérision les situations les plus atroces…
- Bonjour, monsieur Loyé,comment va ce matin ? Le
pauvre vieux grabataire sourit de toute sa bouche édentée ;
- Mieux quand je vous vois, et baissant le drap sur son
petit corps étique dont Gérard mobilise les articulations, dites moi où en sont
les amours de la boulangère ?
- Figurez vous que, pataud comme je suis, j’ai mis les pieds
dans le plat, plutôt dans la pâte et…
Le vieillard essuie
des larmes de rire, sacré Gérard il en a toujours une bien bonne et le quart
d’heure de soins, eux sérieux, passe trop vite.
Gérard reprend sa voiture de « fonction »,
personne dans sa tournée ne l’a jamais vu au volant de sa B MW qui dort toute
la semaine dans le garage de son appartement de Deauville où il vit avec son amie,
la jolie directrice de la B.N.P dont il ne parle jamais .J’ai tellement de
défauts que je n’ai pas trouvé l’âme sœur, ment- il avec aplomb…
Non, non, ce n’est pas de la triche, il paie ses impôts et
dans sa vie privée il est d’une scrupuleuse honnêteté, mais il estime
devoir cacher dans l’exercice de sa profession, par une sorte de pudeur, son
éclatante réussite dans tous les domaines.
Encore un vieillard, une dame aux os de verre, immobilisée
par une fracture à problématique consolidation
et que Gérard manipule avec un art délicat.
- Vous prendrez bien une tasse de café, Josiane a fait des madeleines.
Josiane, petite, sers donc Gérard, il a l’air fatigué. Ah ! Ces mémés,
qu’il s’interdit d’appeler ainsi, elles sont tellement touchantes avec leurs
attentions. Comment refuser ?
Maintenant c’est le tour d’un bébé affligé d’une bronchite sonore,
Gérard doit appuyer sur le petit torse fragile aux fins d’expectoration. Cris vrillant
les tympans.Si Gérard n’était pas persuadé des bienfaits de la manipulation il
abandonnerait cet exercice qui le rend nerveux.
Dernière visite de la matinée, Melle Claire Vernal. Seulement
de la joie.
Gérard la connaissait avant son accident, il l’avait
débarrassée d’une douloureuse sciatique. Immédiatement séduit par la beauté, le
charme de la jeune femme, Gérard avait su déceler chez elle l’éclat que seule
peut posséder une femme amoureuse. Dommage, il aurait bien postulé au rôle
d’accompagnateur de cette ravissante
artiste peintre qui vivait apparemment
seule…
L’accident dont elle
avait souffert avait secoué tout le village. La voiture de mademoiselle Vernal avait été emboutie de
plein fouet par celle d’un couple criminel. En face à la place du passager, le
mari ivre mort, décédé, au volant sa femme avec, quand même, deux grammes
d’alcool dans le sang ! La jambe droite de Claire Vernal avait été complètement
écrasée par le moteur. Il avait fallu l’amputer, quel drame pour une si belle
et talentueuse jeune femme. C’est son frère qui s’était occupé de son
hospitalisation et de toutes les formalités administratives ; Claire en
pleine dépression ne voulait rien savoir.
-Entrez, Gérard, la porte est ouverte, je suis dans le
jardin. Un tableau de Monet… dans un fouillis de fleurs, allongée sur sa chaise
longue, les béquilles posées contre le tronc de l’arbre, si gracieuse dans un
confiant abandon, la patiente pour qui il aurait travaillé gratis ! Parfois
sous la froideur distanciatrice du professionnel, l’homme a du mal à rester
insensible… Le seul contact de la peau de Claire lui procurait une émotion
intense, loin de nuire à la qualité des manipulations il savait qu’elle en
augmentait l’efficacité.
- Dès la semaine prochaine, chère mademoiselle, vous
viendrez l’après-midi dans mon cabinet pour des exercices plus dynamiques
.Votre genou est parfaitement cicatrisé et vous prendrez rendez- vous avec un prothésiste.
Très gentiment, Gérard prend son temps pour expliquer, son habituelle
délicatesse, là particulièrement attentive, les progrès extraordinaires faits
en matière de prothèse et comment, ainsi appareillée Claire pourra se déplacer
normalement avec une apparence identique à celle d’avant l’accident.
-Vous êtes très gentil Gérard, mais croyez moi rien ne sera
comme avant, ma joie de vivre a définitivement disparu. Pour une fois, lui qui
a la répartie consolatrice facile, ne trouve rien à répondre. Cette jeune femme
est vraiment désespérée ; il se sent impuissant.
La salle de rééducation Tournaire est réputée. On vient de
tous les coins du département y tenter
de retrouver des fonctionnalités défaillantes. Gérard a gommé le côté salle des
supplices inspirée de l’Inquisition avec une décoration colorée, un fond
musical bien choisi, des distributeurs d’eau, thé et café et surtout sa
présence bienveillante et ses conseils teintés d’optimisme.
Pour son premier jour, ce lundi, Claire se trouve entourée
par les joueurs de l’équipe de foot venus se débarrasser de leurs contractures,
d’une petite fille sa poupée sur la
poitrine qui exerce un triste bras atrophié sur des tenseurs muraux. Deux dames d’un certain âge rodent
leurs rotules neuves en bavardant avec animation. Des habituées sans doute. Claire
doit muscler la cuisse de la jambe amputée, bien plus mince que l’autre. Ces
exercices ne sont pas douloureux. Dans la vaste salle entourée de miroirs, les
patients sont tous égaux, anonymes, définis seulement par leur prénom et
leur handicap.
A sa droite, d’un footballeur qui pédale comme un fou émane
une odeur qui la bouleverse ; le parfum d’Alain. Alain, toujours Alain.
Au bout d’un mois patiente et Kiné sont très fiers des
progrès réalisés.
L’assistance se modifie régulièrement, les deux dames aux
rotules rénovées ont disparu, de nouveaux visages apparaissent. Aujourd’hui on installe à côté
de Claire une jeune femme qui explique qu’elle sort à peine de l’hôpital après
un accident de voiture, bassin brisé il
a fallu attendre pour lui placer une prothèse à chaque hanche. Elle se raconte
d’abondance comme tous les rescapés de catastrophe. Ecoutant d’abord d’une
oreille distraite Claire regarde avec attention cette patiente si bavarde au
visage couturé de frais. D’une voix geignarde elle ressasse son malheur : elle
a perdu son mari dans l’accident où elle
a été multi-traumatisée…Elle détaille sans arrêt les circonstances de ce choc
dont elle se dit victime…
Avec horreur Claire réalise qu’il s’agit de la conductrice
ivre qui a brûlé le feu rouge et percuté
son véhicule ; quelle garce !
Une bouffée de haine
monte, brûlant ses joues. Là, gisant non loin, étirée sur sa table par
différents contre- poids gît celle qui lui a tout pris, son autonomie physique,
et plus indirectement, privée de l’amour de sa vie, Alain… elle ne peut
réprimer un sanglot…
De séance en séance le ressentiment se transforme en un
projet monstrueux.
Pendant qu’elle se livre machinalement aux mouvements
répétitifs conseillés, elle échafaude un plan machiavélique. Jour après jour
elle refait en imagination les gestes dont elle espère une amère vengeance.
Elle a repéré, le système de poulies ; de câbles lestés de sacs de sable
qui maintiennent en extension son
odieuse voisine. Elle met au point les gestes brutaux, d’apparence accidentels qui
lui permettront, d’une béquille discrètement efficace, de détruire brutalement
cet échafaudage. Elle jouit à l’avance, pendant qu’elle tournera innocemment à
l’angle du couloir d’entendre les hurlements
démentiels de cette femme, les hanches arrachées…
A ce moment du scénario, le miroir, qui normalement doit
permettre de contrôler la perfection des exercices, lui renvoie, au dessus de
son genou martyrisé, un visage convulsé de haine, une bouche tordue par un
ricanement silencieux, un regard aiguisé par la méchanceté…Ce visage elle sait
que ce sera le sien pour toujours. Claire a peur d’elle-même mais elle ira
jusqu’au bout.
C’est pour aujourd’hui décide Claire.
A coté, cette pauvre idiote qui déblatère et niaisement fait
participer toute la salle à son plaisir de progresser ne sait pas ce qui l’attend !
Claire tout en s’appliquant à sa musculation-alibi rumine encore une fois son plan.
Le téléphone sonne, par la porte vitrée de son bureau on voit
Gérard répondre, il entre dans la salle, s’approche de Claire :
-Aujourd’hui ce n’est
pas votre frère qui viendra vous chercher c’est un certain Alain qui vient
d’appeler.
Alain !
Le soleil se lève dans le cœur de Claire, dans le miroir son
visage sourit, heureux, celui qu’elle aura dorénavant.
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lundi 23 juillet 2012
dimanche 22 juillet 2012
Graham Greene.
"Elle était toujours sérieuse quand il s'agissait de bonheur; elle
préférait rire lorsqu'elle était triste.Elle ne pouvait manquer d'être
sérieuse pour ce à quoi elle attachait de l'importance, et le bonheur la
rendait grave à l'idée de tout ce qui pouvait le détruire.
"
"TUEUR A GAGES".
To be or not to be.
vendredi 20 juillet 2012
"C'est tout nouveau, ça vient de sortir"...
Des enseignants viennent de gagner le procès fait à l’Éducation Nationale au motif de:
" Préjudice d'anxiété".
Peu importe la teneur du dossier en question .
Que la formule est belle, et que les juges qui ont dû et devront en débattre sont méritoires!
Sur quelle échelle, type Richter, va se jauger le dommage; de 1 à 10 ?
Quelle part auront au traumatisme le fait incriminé et la personnalité du plaignant, inquiet de nature, pas, peu ou prou ; de 1 à 10?
Joyeux calculs en perspective .
Si cet Arrêt fait jurisprudence il y aura tellement de demandes que la création d'une juridiction spécifique sera nécessaire et quelle aubaine pour tous les psy que cette avalanche d'expertises en devenir!
Il sera bientôt obligatoire de s'assurer contre ce type de risque.
Ce risque tellement énorme et général qu'il faudra souscrire la police dès la naissance pour se prémunir contre... la vie, qui est par principe, anxiogène.
Faute de quoi le Bon Dieu, toutes religions confondues , va déclarer forfait sous l'avalanche des procès!
jeudi 19 juillet 2012
Le mystère s'épaissit !
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mercredi 18 juillet 2012
dimanche 15 juillet 2012
VOYAGE AVEC SA TANTE.
Sophie
écrase sa cigarette, tordant rageusement, le mégot dans le cendrier de Daum
cadeau de mariage de la tante Gisèle.
Pourtant
elle avait arrêté de fumer depuis longtemps, sept ans en fait depuis qu’elle
avait épousé Pierre. Pourquoi tout à coup ce besoin irrépressible ?
Elle
se lève d’un geste nerveux. Sophie est grande, mince, elle habite
remarquablement son fourreau bleu lavande d’une apparente simplicité. La porte
fenêtre est ouverte sur le jardin à l’anglaise ou fleurissent dans un fouillis
odorant et coloré le violet des iris et le jaune des roses à l’ancienne, les
massifs de bégonias se déclinent dans tous les tons du champagne rosé au rouge
cramoisi.
Sophie étire sa longue
silhouette et prend une profonde respiration. Aura-t-elle ce soir le courage de
parler à Pierre. Depuis quelques mois elle a conscience de faire une énorme
bêtise mais, pense-t-elle, comme il est difficile d’arrêter ce mouvement, cette
dynamique fatale. « J’aurais pu,
peut être, me montrer plus ferme, refuser ces rencontres avec François… oui,
j’aurais du. »
Gisèle,
à son habitude sonne et entre en même temps, dans la foulée elle saute au cou
de Sophie :
-
Comment va ma grande ? Petit problème ? Sa manie de faire demandes et réponses ne l’empêche pas de constater le
visage soucieux de sa nièce.
-
Assez, Gisèle de « ces petits », c’est comme au restaurant quand tu
t’éclipses pour un « petit » pipi…
- Quelle humeur, mignonne ! Cela ne te
ressemble pas, confie toi à ta vieille tante.
C’est vrai qu’elle a pris un méchant coup de
vieux cette bonne Gisèle. Elle met tellement de crème que son front reflète la lumière, ses rides botoxées
ont encore rapetissé ses yeux, et cette nouvelle teinture d’un roux agressif…Il parait que je lui ressemble, quelle
horreur, enfin j’ai encore trente ans devant moi.
-
Excuse, moi, tatie, qu’est-ce-qui t’amène ? Toute au plaisir de se raconter, je sais que ma tante oubliera de me
questionner. Effectivement Gisèle se lance dans un monologue auquel Sophie
prête une oreille distraite en préparant son plateau pour le thé.
-
Imagine toi, non, tu ne peux pas tant c’est invraisemblable, tu sais Diego mon
colocataire cubain, si bien élevé, qui dansait magnifiquement au Casino pour
pouvoir payer ses études de sociologie
…ou de pharmacie je ne sais plus… et bien il est parti sans laisser d’adresse.
C’est vraiment à te dégouter de la colocation. Tu me diras que je ne devrais
prendre que des étudiantes, mais que veux tu les jeunes filles m’ennuient et
comment être assurée qu’elles seraient plus honnêtes.
-
Gisèle ne me dis pas…
-
Mais oui, comme Ahmed, le précédent, Diego est parti avec mes économies.
Maintenant j’ai tout l’été pour prendre une décision, à la rentrée
universitaire, j’espère avoir plus de chance. Je sais, je n’ai pas besoin
d’argent, mais la solitude, ah la solitude c’est dur ma petite et ce système de
« coloc » tout compte fait
(c’est le cas de dire) bien pratique. Sais tu que je pars à Ibiza comme tous
les ans la semaine prochaine ? Je n’y trouverai plus l’ambiance folle et
tendre des années hippies, écologiques avant l’heure, et la gentillesse des
iliens hospitaliers et pas encore pervertis « por el turismo » mais
j’ai besoin de Méditerranée et de soleil et cela je sais où le trouver ! Gisèle ne murira jamais pense Sophie ;
ses amants ses voyages, tout tourne autour de son insignifiante personne. Qui suis-je pour la juger
ainsi ? Je l’embrasse, elle est partie je suis soulagée d’être seule à
nouveau.
Pierre va
rentrer du Palais. J’essaye désespérément de mettre au point ce que je dois lui
annoncer, dialogue virtuel, impossible je n’ai aucune idée de la façon dont il
va réagir, on connait finalement si peu ses proches… Souvent Pierre me raconte
sans les nommer, comment dans le secret de son cabinet il reçoit des femmes qui
se plaignent de leur vie conjugale, celles qui l’agacent sont, bien que
« pourvues » d’un époux aimant, sobre et travailleur se plaignent de
ne pouvoir « se réaliser ». Elles sont incapables de définir cette
réalisation rêvée, râle t-il, pourtant désirée au point de détruire une union
solide. Des capricieuses, voilà, et quand il y a des enfants, heureux dans ce
ménage, je joue contre mon intérêt professionnel de toute ma force de
dissuasion. Scrupuleusement honnête
Pierre. Je suis mal armée en face de lui.
- Ya
quelqu’un ? Pierre comme toujours s’annonce bruyamment, jette son maroquin
fatigué dans l’entrée et pend à la patère sa robe noire toute froissée .
- Comment va chérie, bonne journée ? Il me
semble que tu as une « petite » mine. Rien de grave ? Sophie a vraiment une sale tête, le remords, les
regrets… Va-t-elle enfin m’annoncer sa liaison
avec François ? J’ai faim et j’attaque ma salade gaillardement
pendant que cette pauvre Sophie picore avec un sourire contraint. C’était tellement prévisible : sept ans de
mariage et l’arrivée dans mon cabinet d’un confrère-associé, célibataire, avec
un physique à ridiculiser Georges Clooney himself ! Je ne peux pas dire que je
n’ai pas eu mal. Sentimentalement, sexuellement, amour propre blessé, mais
franchement rien de grave, par contre il ne faudrait pas que cette liaison affecte
l’harmonieuse activité de mon cabinet qui va très fort après quelques années de
galère. Enfin, Sophie aurait pu choisir son dentiste ou le notaire qui n’est
pas mal non plus !!
-
Délicieux ton gratin dauphinois ma chérie, mais toi, tu as vraiment
chipoté…Ah ! Gisèle est passée, je l’aime bien ta tante, oh, moi rien de
bien spécial, beaucoup de vols bénins avec des délinquants maladroits…
-
Pierre je te propose de prendre le café dans le salon je voudrais te parler.
Sophie a conscience de la stupidité de cette annonce digne d’un navet des
années trente.
-
Voilà , je… (Elle inspire à fond) j’ai une liaison avec François. Il n’a pas l’air étonné et vide son verre
comme si je lui avais annoncé l’achat d’une nouvelle robe…
- Je
le sais depuis le premier jour, cela fait, quoi, deux mois, trois peut être.
Pauvre Gisèle ratatinée au fond du fauteuil elle ouvre de grands yeux. Bon. Et
maintenant que penses tu faire ?
- Je
te remercie de ta compréhension…François pense répondre à une possibilité qui
lui est offerte de s’installer dans un grand cabinet d’affaires à Londres et…
et, il m’a demandé de le suivre.
-
C’est toi qui l’as proposé ou c’est lui ? Pierre s’inquiète ; cela
fait une fichue différence ; impossible de se priver de la collaboration
de François qui ramène au cabinet les affaires les plus juteuses.
-
Mais qu’est que cela peut faire, s’énerve Sophie, finalement tu es indifférent,
je ne voulais certes pas te faire de peine mais vraiment ta froideur me sidère !
- Il
faut savoir ce que l’on veut, ma chère, moi je t’aime et je veux te garder près de moi mais je sais
d’expérience, qu’il est difficile de renoncer à une décision si elle est
ferme ; est-ce ton cas ?
Sophie
éclate en sanglots, la tension de ces derniers jours, la peur d’être découverte
et maintenant cette attitude si raisonnable de son mari, elle est complètement
déboussolée…
-
Réfléchis, ta décision ne sera pas réversible, je pense que tu n’as pas
suffisamment pesé le pour et le contre, prends un peu de temps et même un peu
de distance… Tiens, j’ai une idée, pourquoi n’accompagnerais tu pas Gisèle à
Ibiza ?
- Et
François ?
- Ne t’inquiète pas
pour lui, ni pour moi, au cas où cette éventualité t’effleurerait, pars sans
prendre contact avec lui ; moi de mon côté je ferais comme si de rien
n’était. Je vais le laisser mariner et
j’aime l’idée de profiter de cette position de force…tranquille.
Cet
embarquement à Barcelone est toujours mouvementé, dans la file hétéroclite des
voitures à monter dans la cale du « Ciudad de Valencia » l’attente
est longue. Des enfants courent entre les véhicules à l’arrêt, des femmes
dégourdissent leurs mollets encore blêmes pendant que Monsieur stoïque sous la
chaleur écrasante en grille une au volant .Tout à coup des cris, une
galopade… Quoi ? Qu’est ce que c’est ? Une femme hurle :
- On m’a volé mon sac
avec mes bijoux, mon argent, mes papiers, et puis mon Dieu, mes billets de
bateau…
Du poste de police
sortent deux argousins flegmatiques. Sophie s’approche avec d’autres badauds
ravis du spectacle qui rompt l’ennui de l’attente. Une dame en pleurs explique
qu’un gamin a attiré son attention sur un pneu prétendument dégonflé, pendant
qu’un compère volait son sac, puis le passait à un autre, toute une chaine de
voyous...
-
Claro, es cada dia, son unos ninos gitanos, hay poca suerte de encontrarlos,
constate le policier d’un ton apaisant.
Cette
tirade policière désabusée ne console pas la malheureuse qui tremble de tous
ses membres.
- Vous suivre nous à le
poste…comme partout au monde ; c’est la plaignante qui est embarquée.
Le
véritable embarquement commence ; au volant Gisèle forte de son habitude,
passe sur les rails sans broncher. Aussitôt assaillies par l’odeur lourde du
gasoil, chargées de leurs valises cahotées par câbles et boulons elles
rejoignent leur étroite cabine pour une nuit étouffante. C’est le prix à payer
pour découvrir à l’aube, dans une lumière de premier matin du monde, là haut
,éblouissante dans le soleil la vieille ville qui veille sur le port.
Tous les passagers mal
réveillés agglutinés sur le pont sont charmés par la douceur de l’instant.
L’accostage délicat est lent. Un bateau de la même compagnie quitte le port
enguirlandé de rubans de papier hygiénique tendus entre partants et
accompagnants. Du quai on crie : A Bientôt ! Dans toutes les langues,
le voyageur dont le ruban se rompt en dernier est sûr d’un prompt retour sur la Roqueta…
- Tu
vas voir, Gisèle arbore un sourire radieux, comme cette île est merveilleuse,
toi aussi tu succomberas à son charme.
Sophie
se détend sur le port dans un des nombreux petits bars qui viennent d’ouvrir,
parasols blancs déployés, garçons empressés, « café con leche et
ensaimada »… Le grand Karl-Alfredo,
« L’Artiste » célèbre dans l’ile, s’approche souplement sur
ses espadrilles catalanes à lacets noirs, il enlève son grand chapeau de paille
pour embrasser Gisèle qui d’un mouvement discret glisse un lourd paquet dans le
vaste panier ibizenco qui pend à l’épaule de son ami.
Seule Sophie a perçu ce
mouvement et compris en un éclair d’où vient l’opulence de sa tante et le
pourquoi de ses étapes annuelles à Barcelone. Mon Dieu, Gisèle, tante
Gisèle !!
-
Vois tu ronronne Gisèle, Karl-Alfredo et moi c’est une Histoire d’une
quarantaine d’années, « verdad
amor » ?
Karl-Alfredo, s’incline
en angle droit, claque ses talons de corde et se glisse dans l’étroite calle
Mayor aussi dignement que défilant, légionnaire élégant, dans une vie précédent
celle de hippie power flower et celle actuelle de fourgue patenté ; le
plus honnête sur la place.
Sophie
fait une rapide balance entre sa vie étriquée de « petite » bougeoise
, ses problèmes, vus d’ici mesquins, de mari et d’amant, et celle de son
aventureuse tante qui sirote son « cortado » avec des mines de chatte
gourmande.
- Oui, ma chérie chaque
année, avec quelques petits complices à l’ambition modeste je fais ma jolie
pelote, si ça te tente je t’embauche on trouvera ensemble un filon encore plus
juteux, avec toi une nouvelle et meilleure procédure… procédure, j’ai dit
procédure ? Ça me fait penser aux deux innocents avec lesquels tu perds ta
vie. Si, si !
Ce soir c’est la fiesta avec les Drag Queens à
« L’Amfora », on va s’éclater !
jeudi 12 juillet 2012
mardi 10 juillet 2012
Si c'est authentique, c'est joli !
Si tout le monde avait leur humour...
Voici deux lettres:
L'une a été écrite par Sœur M., moniale visitandine à Nantes. L’autre, la réponse, est
signée par Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT.
Lettre adressée par Sœur M. à la C.G.T.
Madame, Monsieur,
Religieuse cloîtrée au monastère de la Visitation de Nantes, je suis sortie, cependant, le 19 juin,
pour un examen médical. Vous organisiez une manifestation. Je tiens à vous féliciter pour l'esprit bon
enfant qui y régnait. D'autant qu'un jeune membre de votre syndicat m'y a fait participer ! En effet, à
mon insu, il a collé par derrière, sur mon voile, l'autocollant CGT après m'avoir fait signe par une
légère tape dans le dos pour m'indiquer le chemin. C'est donc en faisant de la publicité pour votre
manifestation que j'ai effectué mon trajet.
La plaisanterie ne me fut révélée qu'à mon retour au monastère. En communauté, le soir, nous
avons ri de bon cœur pour cette anecdote inédite dans les annales de la Visitation de Nantes.
Je me suis permis de retraduire les initiales de votre syndicat (CGT = Christ, Gloire à Toi).
Que voulez-vous, on ne se refait pas. Merci encore pour la joie partagée. Je prie pour vous.
Au revoir, peut-être, à l'occasion d'une autre manifestation..
Soeur M.
Réponse du secrétaire général de la C.G.T.
Ma soeur,
Je suis persuadé que notre jeune camarade, celui qui vous a indiqué le chemin, avait lu dans vos
yeux l'humanité pure et joyeuse que nous avons retrouvée dans chacune des lignes de votre lettre.
Sans nul doute il s'est agi d'un geste inspiré, avec la conviction que cette pointe d'humour " bon
enfant " serait vécue comme l'expression d'une complicité éphémère et pourtant profonde.
Je vous pardonne volontiers votre interprétation originale du sigle de notre confédération, car
nous ne pouvons avoir que de la considération pour un charpentier qui a révolutionné le monde.
Avec tous mes sentiments fraternels et chaleureux.
Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT
vendredi 6 juillet 2012
Hippy, pie, hourrah!
Ouf! Je suis vannée.Nous avons marché trois longues heures, elle, il lui suffit d'un court repos à téter son havane fait main pour repartir guillerette.
Elle m'a demandé de venir avec elle examiner les tags récents de la cité .
Elle c'est Anna , quatre vingt cinq balais ; la pêche.
Depuis trois ans elle suit à l'Université les cours du "Certificat d’Écologie Humaine et Sociale" et met la dernière main à son mémoire : "Evolution sémantique du tag urbain".
Aujourd'hui elle est vêtue sobrement et n'a pas attiré l'attention dans la rue.Elle sait que j'apprécie la discrétion et a laissé dans son armoire ses longues jupes fleuries, son grand chapeau de paille,et le vaste cabas qu'elle porte à l'épaule en sifflotant gaillardement.
Comme elle dit "elle a eu" des enfants et des petits enfants, des adultes, peu présents maintenant, qui vivent leur vie, avec plus ou moins de réussite dans le "Système".
Anna m'a raconté comment elle est devenue une femme libre et les avantages que procurent une vieillesse "irresponsable".
Par sa durée la vie l’a rendue à elle même; elle en profite sans vergogne et jouit de "sa" révolution culturelle.
Tous les arts la passionnent ; elle est aussi folle de foot et regarde les matches à la télé en carburant à la bière avec le jardinier et le concierge, pardon le gardien de l'immeuble, qui se fiche de l'appellation mais adore les histoires vertes qu' Anna raconte à la mi-temps. Elle distribue ses quatre sous aux Restos du cœur, à Green Peace et à Médecins sans frontière... Elle a aussi un budget pour les chiens abandonnés qu'elle fait soigner par son ami véto, il est aussi son médecin conseil et la traite à l'herbe à chats !
La religion, la philosophie d'Anna se résumaient à, pour la nature et l'ensemble du monde vivant :
"Aime autrui comme toi même" et pour sa petite personne :
"Un esprit sain dans un corps sain" ...
Maintenant, me confie t-elle avec un sourire qui illumine son visage raviné, c'est devenu :
"Aime autrui plus que toi même" et
"A corps moins sain esprit plus vif"...
Je kife Anna.
mercredi 4 juillet 2012
mardi 3 juillet 2012
François Mauriac.
"La lumière de quatre heures, un bref instant, caressait les troncs, les écorces des pins luisaient comme des écailles, leurs blessures gluantes captaient le soleil déclinant. Puis soudain, tout s'éteignait; le vent d'Ouest poussait des nuages sombres qui rasaient les cimes, et il arrachait à cette foule sombre une longue plainte".
" Le Mystère Frontenac."
lundi 2 juillet 2012
dimanche 1 juillet 2012
Défifoto: Ton sur ton.
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