mercredi 7 octobre 2020

 

 

 

Mais où ai-je la tête ? Mes mains fébriles , tentacules galopantes, tâtent mon crâne et

face au miroir embué qui reflète ma tête de dehors, une voix sarcastique voire sadique

me répond

-«  Oh, toi ce que tu peux  m'agacer ! Tu devrais mettre un peu de plomb

dans ta cervelle . Où est donc ton problème, ?

Ma tête de dedans, toujours en vadrouille, qu'il pleuve ou qu'il vente, souvent en

patrouille, un peu prise en défaut avoue :

- « Je cherche mes lunettes « 

Il faut dire que celles-ci, dés que je lâche le lien qui nous unit, papillon volage,

folâtrent , ivres de liberté. Sous le coussin dodu du canapé, elles replient leurs branches

ailées et s'endorment bercées par le ronron de la télé. Papillon de nuit, lovées sous le

livre qu'elles butinent à mon insu, elles racontent des histoires à mon grimoire.

Depuis longtemps elles ne sont plus chrysalides mais  un peu perfides, elles jouent à

Cache-cache  dans le vide-poche de la voiture comme si je les envoyais balader.

Mais quelle idée ! C'est dire si mes lunettes sont insupportables. Les yeux de mes

yeux regardent ailleurs. Quelle trahison ! Pourtant, quand elles sont bien lunées,

mes lunettes me font voir la vie en clair sur le papier.

Ma tête de dehors fait une drôle de tête ; elle est dubitative, un peu inquiète et de me dire

sans ambages:

- «  Ah, si tu voyais ta tête,  les lunettes que tu cherches sont sur ton nez »

Vexée, ma tête de dedans ne rit qu'à moitié, l'autre, ma tête de  dehors, décontractée, face

au miroir désembué, devant une telle énormité, se tait.

Alors, sans perdre la face, ma tête de dedans soudain hilare, réplique :

-« Si je comprends bien, tu te payes ma tête »

Mais non, mais non, rétorque-t-elle perfidement, ta tête a trop de valeur pour que

quiconque songe à l'acheter.

Inévitablement, mes  deux têtes qui éclatent de rire, réunies, indulgentes et complices

s'apprêtent à se payer la tête de quelqu'un d'autre.

 

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