mardi 22 juin 2021

Lilas ne lisait jamais les quatrièmes de couverture.

 

Elle ne voulait rien connaitre à l’avance mais s’embarquer, sans préjugé, dès la première ligne, dans cette aventure découverte page après page en un dialogue imaginé avec l’auteur. Son père lui avait appris à lire quand elle avait trois ans créant  innocemment une passion dévorante. Plus tard, scolarisée, Lilas excellait dans toutes les matières dans le but de rafler lors de la remise des prix la totalité des livres mis au concours…

Plus tard avalant et digérant les ouvrages universitaires indispensables  au détriment d’autres divertissements, les rencontres, le sport les arts, elle  consacrait chaque temps libre à des lectures moins utilitaires. Lilas passait les courtes vacances d’été qu’elle s’accordait dans une campagne tranquille. Allongée dans l’herbe ou assise sur la branche maitresse du cerisier elle lisait, lisait toujours…

Son entourage s’inquiétait de cette totale addiction, pourquoi s’isolait elle, apprenant encore et toujours ou s’offrant des destinées par procuration ? Pourquoi s’oublier dans des vies fictives alors qu’apparemment elle avait tout pour jouir pleinement de la sienne ?

Lilas accueillait avec un sourire désarmant ces amicales critiques. On ne pouvait même pas la taxer de snobisme tant ses choix étaient  éclectiques …

Comment a-t-elle rencontré l’amour ? Un homme charmant s’est épris de « sa papinavore » et l’a épousée. Profession, mari, enfants, maison…peu de temps pour lire.

Maintenant Lilas est une très vielle dame infirme et solitaire qui ne quitte pas son fauteuil. Les rares amis qui lui restent la plaignent de son triste sort tout en s’étonnant qu’elle n’en paraisse pas trop affectée. Maintenant qu’elle peut jouir sans remords de son égoïste passe temps Lilas occupe les heures qui lui sont encore données à lire, heureuse, à cœur et corps perdus.

Marc un vieil ami est son fournisseur de drogue. Il exerce son cœur maintes fois rafistolé à parcourir la ville à vélo. Pour Lilas il fait la razzia des livres mis à la disposition du public. Chaque mois il porte à Lilas quatre ou cinq kilos de livres dans son sac à dos. Lilas lui rend ceux qu’elle a lus le mois précédent et Marc les répartit dans les boites à livres où ils repassent dans le circuit.

Quand vous vous débarrassez de vos vieux bouquins, pensez à tous ceux comme Lilas qu’ils aident à vivre et déposez les dans ces modestes cabanes-bibliothèques que vous trouverez à tous les carrefours.

 

 

5 commentaires:

  1. Ton texte m'a émue. J'ai horreur de jeter des livres alors quand je m'en sépare, c'est pour faire ce que tu dis : boite à livres ou secours pop ou autre organisme de solidarité. J'aime savoir qu'ils feront le bonheur de quelqu'un.

    RépondreSupprimer
  2. Alors que j'adore moi aussi la lecture, je n'ai pas de mal à donner les livres lus. Je trouve triste qu'ils restent à dormir dans ma bibliothèque car je relis rarement. Je fais juste exception pour quelques uns d'entre eux qui ont une valeur sentimentale. Un livre est fait pour circuler!!

    RépondreSupprimer
  3. Je crois reconnaître en Lilas ma femme grande dévoreuse de bouquins !!

    RépondreSupprimer
  4. belle histoire que ta Lilas et en plus educative sur les modes d'aujourd'hui. Je l'aime ta lilas
    bisous

    RépondreSupprimer
  5. Une belle histoire. Doucement belle et remplie de tendresse...
    La lecture est plus que transformatrice. Grâce à elle, nous pouvons visiter des villes inventées, voyager dans des mondes imaginaires et même créer un lien émotionnel avec les personnages des livres. Surtout, depuis la parution des premiers livres, la lecture est une source inépuisable de savoir – elle a même été censurée afin que ce savoir ne soit pas accessible à une grande partie de la société. Dans les dictatures, les guerres, les gouvernements totalitaires, l'accès à la lecture est généralement le premier à être entravé, tant il est puissant et éloquent que l'expérience de lire un bon livre, lorsqu'il est bien compris.

    RépondreSupprimer