mercredi 26 janvier 2011

L'eau a coulé.

Le petit aimerait bien jouer avec ses camarades les jours de vacances.
Il le peut, il n’est pas puni mais seulement l’après-midi, le matin il doit aider Joséphine. Normal, non ?
Le petit est vraiment petit, même malingre, cependant il se sent tellement plus fort que Joséphine .Il faut dire que toute vielle et menue elle donne l’impression que c’est lui le protecteur.
La rivière roule vigoureusement sur les cailloux de la digue après le pont, se calme et s’étale très verte sous les saules. La maison de Joséphine, minuscule, près du grand chêne est couverte de pots de géraniums rouges cloués au mur de bois
-Te voilà pitchoun, aide moi à préparer les seaux et les lignes, on abat de bonne heure ce matin.
Le visage de Joséphine sillonné de rides profondes est éclairé par un sourire édenté, elle embrasse le gamin sur les deux joues, il ne peut s’empêcher de les essuyer discrètement…surtout ne pas faire de peine. Elle n’a plus d’âge, toujours de bonne humeur, chante à longueur de journée des rengaines qu’elle trouve dans des imprimés bleus ou violets après le passage des chanteurs des rues.
-Tu chantes toujours aussi mal, gamin, mais continue, c’est la joie qui fait la bonne musique !
Les deux silhouettes menues, trottent sur le chemin de halage.
Le mur de l’abattoir donne directement sur la rivière, à mi-hauteur s’ouvre la bouche noirâtre du conduit d’évacuation des viscères. Le petit ne peut réprimer un sursaut de dégout, vite oublié dans l’action. Il descend s’accroupir au plus près de l’eau. Joséphine se poste de l’autre côté du tuyau, un peu plus haut .Tout à coup des choses, fumantes, innommables sont vomies, plouf dans l’eau…
-Ouvre les yeux petit, regarde les ablettes, elles arrivent en foule, elles sont superbes et …à nous !!
L’eau s’anime d’un frémissement d’argent. Les lignes plongent se redressent a un rythme effréné, les poissons frétillants s’entassent dans les seaux, en haut de la berge Joséphine entonne des hymnes victorieux. Son rire contagieux réchauffe le cœur du petit, qui décroche rapidement poisson après poisson.
- Les poissons-chats tu les remets à l’eau, ils sont pleins d’arêtes mais ce n’est pas une raison pour les empêcher de vivre ! Les seaux sont pleins tu peux m’aider à les porter jusqu’au marché ? Sans toi je n’aurais que la moitié à vendre, tu es vraiment un bon gamin et un fier pêcheur.
Le petit sent sa maigre poitrine se gonfler d’importance.
-Le cuisinier du « Fin gourmet » m’a tout acheté et il m’a donné une poignée de girolles et quatre œufs, ah mon gamin je t’invite on va se faire une de ces omelettes !

Le petit est devenu grand, vieux même, très riche, endurci, désabusé il n’a plus d’appétit. Pour rien. Au restaurant du golf club où il s’ennuie au milieu d’un caquetage distingué il sourit, c’est rare ; au menu ce jour : « friture d’eau douce » ….

2 commentaires:

  1. Manouche pêchant on ne sais où ces histoires à quatre mains, deux pour la pêche, deux pour les guimauves, mais encore, mais encore...

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