- Allons Lili dépêche toi, Lucie
sa colocataire secoue Lili, si tu veux réussir à conquérir ton patron ne
commence pas par arriver en retard !
Lili vérifie son corsage à
balconnet, sa coiffure longue et lisse enfile ses escarpins et sort en courant.
Lucie
a raison, Joël Bonneton est la chance de ma vie! Propriétaire de la bijouterie
« Bonneton et fils » c’est un veuf dans la force de l’âge,
consolable, si j’en juge par la façon dont il zieute mes mollets.
Depuis
trois mois que je suis vendeuse dans son magasin il multiplie les gentillesses,
il apprécie le sourire modeste que je lui dédie au-dessus de mes décolletés,
chaque jour plus audacieux, et je sais qu’il apprécie avant tout le regard
adorateur dont je le couve, Lucie m’a aidée à le mettre au point, je le lève
sur lui chaque fois qu’il m’adresse la parole. C’est évident que je préférerais
« colocater », au premier, au dessus de la boutique, avec ce bel
homme nanti. Adieu Lucie, les fins de mois difficiles et la perspective de
coiffer Sainte Catherine. Ah ! Oui ! C’est évident c’est un CDI
conjugal que je cherche, pas une aventure. Pour réussir je dois jouer fin. Je
m’y emploie ; comme je m’y emploie !
Monsieur Joël est déjà là, Lili est fière de passer
la porte de cette élégante boutique, un jour peut être elle sera la
« patronne » ?
Joël a laissé les clefs de
l’appartement sous le paillasson pour la femme de ménage. C’est bien pratique d’avoir seulement un escalier à descendre pour
aller travailler. C’est bon d’être son propre maître, je reconnais que j’ai de
la chance. Mon seul problème c’est la solitude. J’ai dû prendre une femme de
ménage et j’ai horreur que des mains étrangères fouillent dans mes affaires.
Depuis quelques mois je pense beaucoup à cette petite Lili que j’ai embauchée
sur sa bonne mine. Il faut reconnaitre qu’elle se débrouille bien au magasin.
Un peu jeunette. D’une innocence si touchante que je n’ose pas.
J’ai à peine le
temps de replacer certains joyaux en vitrine que voilà Lili jolie comme ce
n’est pas permis, inconsciente de l’effet qu’elle produit sur moi.
Maintenant Lili est un petit tas
de sanglots adossé au mur de satin crème. A côté d’elle assis sur le parquet,
mains sur la tête Monsieur Joël essaye d’empêcher ses joues de trembler. Il est
impressionnant le gaillard cagoulé qui les menace d’un calibre luisant. Il a
déjà rempli son « sac de sport » de bijoux précieux après avoir fait
ouvrir le coffre au malheureux commerçant. Maintenant avec calme il finit sa
luxueuse récolte en vidant les vitrines scintillantes. Joël n’avait pas eu le
temps d’actionner l’alarme et il savait toute résistance inutile. Il caresse
quand même l’espoir qu’un passant dans cette soirée encore assez claire réalise
qu’il se passe dans sa boutique quelque chose d’anormal et donne l’alerte.
Ses pensées courent en désordre
avec une certaine résignation ; il aurait bien été le seul bijoutier de la
ville à n’avoir pas été cambriolé. Le voleur on ne le retrouvera pas. Tout à
coup comble de malchance il réalise
qu’il venait de « rentrer » un lot superbe de diamants en provenance
d’Amsterdam. Et l’assurance… quelle bêtise d’avoir un peu diminué la police, du
coup Joël se perd dans les calculs. Avant tout il est terriblement contrarié
que Lili le voit dans cette posture humiliante, elle qui lui manifeste une
telle admiration. Il se trouve lamentable mais que faire, il risquerait leurs
vies à jouer les héros. Bah ! Lili n’est guère plus flattée que lui avec
ses yeux rouge-albinos et au milieu de sa face bouillie, le nez qui coule
jusque dans sa bouche. Heureusement ses petits seins bien ronds ne semblent pas
participer à la panique générale.
Il semble à l’extérieur qu’une
haute silhouette soit accotée au chambranle de la porte vitrée. Espoir. Lili
renifle, Joël tente un mot d’encouragement pour montrer son calme et rétablir
son avantage aux yeux de sa jeune compagne d’infortune. A peine Joël a-t-il
ouvert la bouche que dessous la cagoule jaillit un monstrueux :
- Ta gueule, enfoiré !
Avec calme le voleur se tourne de
dos à la caméra de surveillance, enlève sa cagoule, range son flingue et met en
bandoulière son lourd sac de sport. Au moment où il s’apprête à ouvrir la
porte, celle-ci le renverse brutalement, puissant et décidé derrière le battant
un gendarme pousse son avantage, colle l’individu au sol lui passe les menottes,
l’homme est maitrisé, impuissant, fortement maintenu il ne se débat pas.
Joël et Lili, se relèvent fous de
joie, les genoux encore peu solides mais avec un énorme sourire de soulagement.
Oh ! Lili… Oh ! Monsieur Joël !… puis se retournent vers le
grand gendarme qui les a délivrés. C’est un heureux hasard qui a fait passer
Claude Etché devant la boutique au moment du holdup.
- Il n’était pas question que j’appelle mes
collègues, heureusement que j’ai pu résoudre ce problème tout seul les renforts
vont arriver, faites le bilan des dégâts, demain vous viendrez déposer et
reprendre votre bien. Maintenant essayez de récupérer de vos émotions. Le
gendarme Etché, voyant le couple enlacé ne doute pas un instant que la
récupération sera commune et sans doute agréable. On a droit à des cours de
psychologie dans la gendarmerie.
- Merci, mon Capitaine.
Claude Etché est impressionnant
avec sa haute taille et ses moustaches luisantes, hier c’était son jour de
gloire ; il avait arrêté le matin trois dealers et un jeune voleur de
portables, et hier soir le braqueur de la bijouterie ! Félicité par la
brigade il est un modèle pour tous ses collègues qui l’admirent dans son
impeccable garde à vous. Chaussures et ceinturon bien cirés, chemise bleue avec
ses plis parfaitement horizontaux, cheveux courts, allure martiale c’est un
gendarme de rêve.
Son rêve à lui est un secret parfaitement protégé.
Maintenant il est vraiment décidé à tourner la page.
Fini le service. Rentré dans son appartement
élégamment aménagé Claude se libère de son uniforme sans la moindre nostalgie.
Il ne le revêtira plus à partir de ce soir. Devant la glace de sa coquette
salle de bains il décolle sa moustache plus vraie que nature ; il y a
longtemps qu’il n’a plus de barbe et s’amuse de l’étonnement de ses camarades
pour son rasage ultra-près !! Le miroir lui renvoie l’image de son superbe
torse parfaitement lisse, la prise régulière d’hormones est un esclavage mais qui produit parfaitement les effets
escomptés. Claude choisit une robe qui sied parfaitement à sa minceur. Bientôt
il possédera les rondeurs auxquelles il a aspiré toute sa vie. Habillé en femme
il se sent enfin en accord avec sa
nature intime, il essaie avec jubilation la superbe perruque bouclée qui
permettra à ses cheveux d’atteindre une longueur propice aux fantaisies
capillaires et à la douce caresse de la brosse. Un plaisir attendu avec
impatience. Il essaye quelques poses devant le miroir, particulièrement une
attitude de Lady Gaga, imitation qu’il a travaillée et possède à la perfection.
Quelques gouttes de « Femme » de Rochas, son parfum préféré.
Il est prête.
Il marche dans la rue, tête
haute, fier d’avoir vaincu tant de batailles contre lui et la société pour
trouver sa vérité profonde envers et contre tous. Réellement transformé
maintenant aux yeux des autres, il ressemble avec sa robe légère près du corps,
ses jambes fuselées et son sourire empreint d‘une nouvelle sérénité à une
ravissante jeune femme.
Il s’essaye au shopping ;
près de là il a repéré un élégant magasin de chaussures avec des stilettos
vertigineuses, les rouges très Bunuel l’attirent particulièrement. Le fait
qu’il demande les vernies en taille 41 n’a pas l’air de surprendre la vendeuse.
Claude jubile.
Il continue sa promenade dans la douceur de ce soir
de printemps, c’est comme une renaissance.
Des hommes se retournent sur son
passage.
Distraitement il lèche les
vitrines l’esprit ailleurs en ce jour décisif. La lettre de démission de l’armée est dans sa poche
droite. ça y est il l’a postée.
Claude ressent un grand soulagement, mieux, une joie délicieuse maintenant
qu’il est prêt au grand saut. Le saut dans sa tête il y a longtemps qu’il est
fait, cette fausse virilité qu’il a dû supporter tant d’années, n’est plus
qu’un souvenir presque irréel.
Tout cela est bien beau mais
comment va-t-il vivre dorénavant ? Aucun souci, il a dans sa poche gauche
un contrat en bonne et due forme : il commence demain au cabaret
« Chez Michou ».
Jolie cette nouvelle. Tout est bien qui finit bien...
RépondreSupprimerRiche en rebondissements, très enlevé !... La fin, surtout, est très jouissive. Mais est-ce vraiment une fin ?... On aimerait bien l'accompagner encore un peu, ton gendarme de rêve.
RépondreSupprimerChère Monika à toi d'écrire la suite qu'il me tarde de lire...
SupprimerJe n'ai pas l'écriture facile, en ce moment... Mais qui sait ?... Si l'inspiration me vient !...
SupprimerLécheur de vitrines, peut-on en faire un métier avec des heurez supplémentaires?
RépondreSupprimerGendarme et gendarmette à la fois... Il aurait plus au maréchal des logis-chef Cruchot, celui-là... O_o
RépondreSupprimer^^