Saint Marc du Catalois est un petit village qui vit de ses
coutumes et habitudes à peine changées depuis des lustres. Chacun y trouve son
compte et ceux, peu gâtés par la vie, une raison suffisante de continuer leur
existence.
A la terrasse du café du commerce après la messe se
retrouvent sous les parasols dans un joyeux brouhaha familles et amis.
Là, à l’heure de l’apéritif, on oublie les petits et grands
soucis du quotidien dans une ambiance qui ressemble à de la fraternité.
Le muscadet y est pour beaucoup.
Le muscadet y est pour beaucoup.
De dimanche en dimanche on se rencontre dans le rythme
flâneur des jours fériés où on à l’impression que les heures ont mué en un long espace de temps, sans presse et sans danger.
Même si, au milieu des
personnes endimanchées à l’ancienne, certaines barbes qui ne sont pas rasées et
des jeans déchirés sont encore une volonté d'anarchique coquetterie.
C'est l'occasion d’une table à l’autre de commenter, avec plus ou
moins d’enthousiasme et de bonne foi, les événements marquants du village.
Aujourd’hui une vaste
tablée attire regards et remarques.
On savait que Jeanne et Charles Montguillon avaient adopté une petite fille. A part les proches personne ne l’avait encore vue avant ce jour de baptême avec toute la famille réunie.
On savait aussi le pourquoi de la chose et certains
s’étaient demandé d’où provenait la stérilité de ce couple si désireux de
fonder une famille ; de cette Jeanne si maigre ou de ce Charles peut être
impuissant ?
Les gens sont bêtes.
Les gens sont bêtes.
Les Montguillon avaient déserté le village quelques temps et
le bruit avait couru, compatissant ou narquois, "qu’ils étaient allés adopter"
comme on aurait dit qu’ils étaient allés à la pêche ou au super marché.
Passant de bras en bras autour des guéridons rassemblés une
petite fille de trois ou quatre ans
ouvre sur ce monde bruyant inconnu de grands yeux liquides.
Elle est noire, d’un noir d’ébène qui s’oppose avec violence
au tourbillon chantilly de dentelle
blanche et aux souliers vernis immaculés dont la petite essaye de se débarrasser à coups de talons rageurs.
Passé un certain ahurissement :
- Quelle est mignonne, et comment s’appelle-t-elle ?
-Rose ? comme votre pauvre maman, que c’est joli et quelle charmante attention. Un sourire narquois sur certains visages ; elle va s’amuser à l’école avec un prénom pareil.
-Rose ? comme votre pauvre maman, que c’est joli et quelle charmante attention. Un sourire narquois sur certains visages ; elle va s’amuser à l’école avec un prénom pareil.
Les Montguillon tout attendris devant leur petite merveille
qui porte un prénom enfin compréhensible
et fait partie maintenant du troupeau du
Seigneur, la couvrent de baisers .
La petite essuie chaque fois ses joues de la paume rose de
ses mains graciles.
Les Montguillon racontent avec force détails "le
parcours du combattant de l’adoption", le futur bonheur de leur famille,
l’avenir radieux qu’ils ont prévu pour
l’enfant et sont félicités de leur générosité comme s’ils avaient sauvé la
moitié de l’Afrique.
Les apéritifs circulent et le curé venu se joindre à ses
ouailles n’est pas le dernier à trinquer
au sauvetage de cette âme que certains des villageois ne sont pas loin
de croire différente de la leur.
Un mois de juin à Saint Marc c’est bien frais par rapport à
Treichville, la petite tremble, affolée de surcroît par cette agitation dont
elle est le centre, ce langage de mots gutturaux qu’elle ne comprend pas et
cette affreuse odeur de blancs qui assaillent ses narines délicates. Ces gens
bruyants ont l’air gentil comme son "papa " et sa "maman"
blancs, mais si différents de Awa. Awa qui ne mangeait pas tous les jours et la tenait bien serrée contre ses reins
dans un vaste tissu , la faisant participer à tous les gestes de sa vie que la petite sentait battre à travers les cotonnades. Elle savait beaucoup de l’existence par cet
apprentissage corporel et l’enseignement de l’exemple. Ici il faudrait tout
réapprendre et oublier le doux et odorant contact de Awa.
A cette pensée les larmes coulent sans bruit sur le petit
visage crispé. Les adultes, qui l'ont un peu oubliée, continuent leur discussion animée.
Une petite fille, Nadia aux belles joues rondes, a perçu cette détresse, elle s’avance vers la petite, lui prend la main , sans un mot, avec un sourire.
Allons ; tout est possible.
Une petite fille, Nadia aux belles joues rondes, a perçu cette détresse, elle s’avance vers la petite, lui prend la main , sans un mot, avec un sourire.
Allons ; tout est possible.
On ne devrait jamais grandir...
RépondreSupprimerBizz, Manouche.
Deux petites contre la bêtise! Un conte bien trop réel!
RépondreSupprimerBen, ça va pas... de me faire chialer quand je viens juste de me faire les yeux!!!
RépondreSupprimermoi, tout pareil à almanach.
RépondreSupprimerBises
Muy hermoso.
RépondreSupprimerUne histoire bien émouvante. L'adoption, c'est pas évident !
RépondreSupprimerBelle histoire,
RépondreSupprimerhistoire d'amour,
D'amour un peu égoiste,
mais la vie de Rose sera-t-elle rose?
Dans le monde étrange où elle est accueillie trouvera-t-elle des points de repères pour s'identifier?
Croisera-t-elle beaucoup de Nadia? Manouche, tu devrais donner une suite à cette histoire.
BELLEMICHE