- Ma chère Cora je ne sais pas comme le temps passe, il y a
si longtemps que je ne suis pas venue vous voir !
- Ne t’inquiètes pas, pour moi cela va encore plus vite et
maintenant les semaines ont la longueur des jours anciens. C’est à l’image de la pente savonneuse on y
descend de plus en plus vite pour tomber finalement dans le trou.
- Elle n’est pas très gaie votre métaphore !
- Soyons clair, comment veux-tu, petite, que j’envisage mon
avenir ? Alzheimer ou Parkinson ? Au mieux l’AVC massif ! J’ai,
au cas où je serais consciente de ce qui m’arrivera, pris contact avec
l’association « Mourir dans la dignité ».
-Oh ! Non pas vous Cora !
- Non, je ne mettrai pas fin à mes jours, je suis entourée
de trop d’amour, comment ceux qui m’aiment comprendraient-ils cette décision,
je ne veux absolument pas qu’ils en souffrent.
- Vous me rassurez, je constate que vous avez la lucidité de penser que le mieux
est d’aller au bout du parcours qui nous
est imposé.
- A propos de lucidité, il y a des cas où elle se révèle, non
comme une qualité de vie, mais comme un handicap d’une extrême cruauté. Je pense
en particulier à une de mes amies entièrement paralysée dont son entourage dit
avec fierté : « mais elle a toute sa tête »… Quelle
horreur de se voir comme un légume entièrement souffrant et dépendant !
Cette douleur morale, je suppose, est épargnée à ceux qui se perdent dans
l’espace et le temps. Ils profitent de la douceur d’un instant encore accordé,
avec le sourire hermétique du gâtisme.
- Assez Cora, je ne veux plus vous écouter. Je vois que vous
tricotez…
- Bergson a dit : « L’intelligence
remonte de la main au cerveau » il
me semble que le plaisir de faire, aussi. Chaque création manuelle, artisanale,
artistique, même une modeste bricole, entraîne il me semble, une production
d’endorphine des plus bénéfiques .Tant que les doigts fonctionnent pourquoi
s’en priver ?
- Vous lisez aussi beaucoup, quel est actuellement votre
livre de chevet ?
- Toutes sortes de polars. Ne crois pas que je sois obsédée
par l’idée de la mort mais j’apprécie celles qui ne sont que le prétexte, quasi
virtuel, à toutes sortes de déductions et d’analyses, souvent pertinentes et
parfois très drôles.
- Oui, mais je vois, caché sous le journal du jour, un livre
de Yann Moix.
- J’aime beaucoup cette phrase de lui : « Plus
Dieu est absent, plus la religion est présente ». Il me semble que cette
remarque est plus que jamais à méditer dans ce contexte dangereux et imbécile
de guerres de religions que, naïvement, je pensais dépassé à jamais.
J’imagine les
premiers hommes perdus sans paroles et sans « Parole » dans
l’incompréhensible et terrifiant Univers. Que ce soit Dieu qui les ait créés ou
pas, ils en éprouvaient la Présence. Sans ces mythes, ces histoires, ces
explications, ces obligations, même ces lois, imaginées plus tard pour
faciliter la vie des sociétés… Quand on étudie les différents dogmes, perdus
dans des détails contradictoires on peut vraiment se demander : où est
Dieu dans tout cela ?
Ma petite fille pardonne-moi, je ne pense pas avoir pris le
melon et mes réflexions sont sans prétention. Que veux-tu à mon grand âge on
gamberge, on a le culot de verbaliser
ses idées…c’est le moment où jamais !
- Cora, je vois que vous avez préparé votre plateau, c’est
vrai que vous dinez très tôt, je vais vous laisser, je ne veux pas vous
déranger.
- Bien au contraire, ma jolie, nous allons nous faire un
Martini-cacahouètes et regarder ensemble la montée des marches au Festival de
Cannes. Admirer de belles robes et nous enivrer avec l’alcool de futilités
innocentes.
Cora toujours magnifique!!!
RépondreSupprimerGros merci a vous deux. Besous!!!
Cora toujours magnifique!!!
RépondreSupprimerGros merci a vous deux. Besous!!!
Texte bouleversant surtout quand on a parmi ses proches des personnes comme celles que tu décris si bien. Merci
RépondreSupprimerC'est magnifique! Merci du partage.
RépondreSupprimerBon dimanche!
Photographe Gil Zetbase
http://www.gilzetbase.com/
Vieillir et accepter de perdre certaines facultés n'est pas chose facile. Je m'en approche inexorablement !
RépondreSupprimerComo sieempre la cultura esta presente en todos tus escritos
RépondreSupprimerAbrazos
¿Cómo va la cosa?....
RépondreSupprimerBesos.
Un sujet lourd que celui des différentes dégradations liées à l'âge... Nous sommes tous à plus ou moins long terme concernés et il n'est pas chose facile d'y penser et d'en parler...
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