samedi 16 mai 2015

Conversation – 20 - avec Cora.



- Ma chère Cora je ne sais pas comme le temps passe, il y a si longtemps que je ne suis pas venue vous voir !
- Ne t’inquiètes pas, pour moi cela va encore plus vite et maintenant les semaines ont la longueur des jours anciens.  C’est à l’image de la pente savonneuse on y descend de plus en plus vite pour tomber finalement dans le trou.
- Elle n’est pas très gaie votre métaphore !
- Soyons clair, comment veux-tu, petite, que j’envisage mon avenir ? Alzheimer ou Parkinson ? Au mieux l’AVC massif ! J’ai, au cas où je serais consciente de ce qui m’arrivera, pris contact avec l’association «  Mourir dans la dignité ».
-Oh ! Non pas vous Cora !
- Non, je ne mettrai pas fin à mes jours, je suis entourée de trop d’amour, comment ceux qui m’aiment comprendraient-ils cette décision, je ne veux absolument pas qu’ils en souffrent.
- Vous me rassurez, je constate que  vous avez la lucidité de penser que le mieux est d’aller au bout du parcours qui  nous est imposé.
- A propos de lucidité, il y a des cas où elle se révèle, non comme une qualité de vie, mais comme un handicap d’une extrême cruauté. Je pense en particulier à une de mes amies entièrement paralysée dont son entourage dit avec fierté : «  mais elle a toute sa tête »… Quelle horreur de se voir comme un légume entièrement souffrant et dépendant ! Cette douleur morale, je suppose, est épargnée à ceux qui se perdent dans l’espace et le temps. Ils profitent de la douceur d’un instant encore accordé, avec le sourire hermétique du gâtisme.
- Assez Cora, je ne veux plus vous écouter.       Je vois que vous tricotez…
- Bergson a dit : « L’intelligence remonte  de la main au cerveau » il me semble que le plaisir de faire, aussi. Chaque création manuelle, artisanale, artistique, même une modeste bricole, entraîne il me semble, une production d’endorphine des plus bénéfiques .Tant que les doigts fonctionnent pourquoi s’en priver ?
- Vous lisez aussi beaucoup, quel est actuellement votre livre de chevet ?
- Toutes sortes de polars. Ne crois pas que je sois obsédée par l’idée de la mort mais j’apprécie celles qui ne sont que le prétexte, quasi virtuel, à toutes sortes de déductions et d’analyses, souvent pertinentes et parfois très drôles.
- Oui, mais je vois, caché sous le journal du jour, un livre de Yann Moix.
- J’aime beaucoup cette phrase de lui : « Plus Dieu est absent, plus la religion est présente ». Il me semble que cette remarque est plus que jamais à méditer dans ce contexte dangereux et imbécile de guerres de religions que, naïvement, je pensais dépassé à jamais.
 J’imagine les premiers hommes perdus sans paroles et sans « Parole » dans l’incompréhensible et terrifiant Univers. Que ce soit Dieu qui les ait créés ou pas, ils en éprouvaient la Présence. Sans ces mythes, ces histoires, ces explications, ces obligations, même ces lois, imaginées plus tard pour faciliter la vie des sociétés… Quand on étudie les différents dogmes, perdus dans des détails contradictoires on peut vraiment se demander : où est Dieu dans tout cela ?
Ma petite fille pardonne-moi, je ne pense pas avoir pris le melon et mes réflexions sont sans prétention. Que veux-tu à mon grand âge on gamberge, on a le culot de verbaliser ses idées…c’est le moment où jamais !
- Cora, je vois que vous avez préparé votre plateau, c’est vrai que vous dinez très tôt, je vais vous laisser, je ne veux pas vous déranger.
- Bien au contraire, ma jolie, nous allons nous faire un Martini-cacahouètes et regarder ensemble la montée des marches au Festival de Cannes. Admirer de belles robes et nous enivrer avec l’alcool de futilités innocentes.
 


8 commentaires:

  1. Cora toujours magnifique!!!

    Gros merci a vous deux. Besous!!!

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  2. Cora toujours magnifique!!!

    Gros merci a vous deux. Besous!!!

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  3. Texte bouleversant surtout quand on a parmi ses proches des personnes comme celles que tu décris si bien. Merci

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  4. C'est magnifique! Merci du partage.
    Bon dimanche!
    Photographe Gil Zetbase
    http://www.gilzetbase.com/

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  5. Vieillir et accepter de perdre certaines facultés n'est pas chose facile. Je m'en approche inexorablement !

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  6. Como sieempre la cultura esta presente en todos tus escritos
    Abrazos

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  7. Un sujet lourd que celui des différentes dégradations liées à l'âge... Nous sommes tous à plus ou moins long terme concernés et il n'est pas chose facile d'y penser et d'en parler...

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