J’avais traversé le hall de
marbre et montais lentement le grand escalier de fer forgé de cette luxueuse
demeure situé sur l’avenue la plus cotée
de Riberne.
La fille de la riche madame Lévy
m’avait expliqué que tout serait en place pour ma venue du matin. Madame Lévy,
grandement nonagénaire et très handicapée perdait un peu la tête. J’avais été
contractée pour la toilette du matin.
Certes j’avais vu toutes sortes
de demeure dans mon activité d’aide soignante, des plus modestes aux plus
riches, mais tout en arrivant sur le palier d’acajou doucement éclairé par un
énorme lustre en cristal de Murano, je pensais que celle-ci était vraiment
exceptionnelle. La porte de la chambre était
ouverte. Il devait y avoir dans cette maison, un nombreux personnel
aussi compétent qu’invisible.
- Bonjour, madame, comment allez
–vous ? Je suis Sylviane qui vient pour la toilette
- Un « Ouin, ouin » aimable sort de
sous les draps de satin.
Menue, et docile ma patiente se
laisse lever facilement et nous passons
dans la salle de bains. Je ne perds pas de temps à admirer la dimension et le
faste de la pièce. Près de la vasque en opaline je suis étonnée de ne
trouver que deux serviettes de toilette en très mauvais état. Ce n’est pas trop
facile avec ce linge usagé mais je m’en sors.
- Que dois-je faire des
serviettes, madame ?
- Laissez les dans le lavabo,
petite, ma bonne s’en occupera.
Le matin suivant je reviens, le
cœur léger, vers ce travail des plus aisés.
Dans la salle de bains lavées, séchées
je retrouve, étonnée, les deux serviettes de la veille un peu plus
décolorées et déchirées. Je fais la
toilette de madame Lévy au mieux.
Le lendemain je dois me servir des mêmes serviettes réduites à l’état de
guenilles et les utilise comme je peux.
Le troisième jour, comme je m’y
attendais, je retrouve lavées et séchées les loques dont je dois faire usage.
Trop, c’est trop ! je téléphone,
comme elle me l’avait conseillé, en cas de problème, à la fille de ma patiente.
L’histoire du linge de toilette
n’a pas l’air de l’étonner :
- Allez dans le dressing contigu
à la salle de bains. Sur tout un mur vous trouverez une grande armoire, servez
vous.
Avant de lever madame Lévy je me
précipite dès l’arrivée dans le dressing , j’ouvre les lourdes portes de
l’armoire et…je n’en crois pas mes yeux : il y a là parfaitement rangés
sur plusieurs étagères, des paquets de linge de toilette encore sous leur
cellophane, agrémentés de rubans de satin
roses , bleus, verts…. C‘est si beau que je n’ose pas y toucher et puis
j’ai l’habitude de prendre toujours l’avis de mes patients. Je pense que, même
s’ils sont peu conscients et comme madame Lévy proche de leur centenaire, c’est
la moindre des politesses.
- Madame, est-ce que je peux
prendre des serviettes neuves ? La réponse impérative ne tarde pas :
- Surtout ne touchez pas à ce
linge. Je le garde pour mes vieux jours !
-
C'est ça le secret: les vieux jours sont toujours très éloignés! Ma mère me le prouve quotidiennement, elle qui ne veut pas ni manger, ni fréquenter des vieux - à 93 ans, quand même!
RépondreSupprimerJe vous embrasse toutes deux !
SupprimerC'est vrai.....Une belle optimiste. On se voit pas vieillir !
RépondreSupprimerC'est fou comme on veut garder des choses ou de l'argent pour les vieux jours au lieu d'en profiter
RépondreSupprimerA demain Nicole