Mais où ai-je la tête ? Mes mains fébriles, tentacules
galopantes, tâtent mon crâne et,
face au miroir embué qui reflète ma tête de dehors, une voix
sarcastique voire sadique
me répond
- « Oh, toi ce que tu peux m'agacer ! Tu devrais mettre un peu de plomb dans ta cervelle. Où est donc ton problème ?
Ma tête de dedans, toujours en vadrouille, qu'il pleuve ou
qu'il vente, souvent en patrouille, un peu prise en défaut avoue :
- « je cherche mes lunettes «
Il faut dire que celles-ci, dés que je lâche le lien qui
nous unit, s’envolent, papillon volage,folâtre, ivre de liberté. Sous le coussin dodu du canapé,
elles replient leurs branches ailées et s'endorment bercées par le ronron de la télé. Papillon
de nuit, lovées sur le livre qu'elles butinent à mon insu, elles racontent des
histoires à mon grimoire.
Depuis longtemps elles ne sont plus chrysalides mais un peu perfides, elles jouent à cache-cache dans le
vide-poche de la voiture comme si je les envoyais balader.
Mais quelle idée ! C'est dire si mes lunettes sont
insupportables. Les yeux de mes yeux regardent ailleurs. Quelle trahison ! Pourtant,
quand elles sont bien lunées, mes lunettes me font voir la vie en clair sur le papier.
Ma tête de dehors fait une drôle de tête ; elle est dubitative,
un peu inquiète et de me dire sans ambages:
- « Ah, si tu voyais ta tête, les lunettes que tu cherches sont sur ton
nez »
Vexée, ma tête de dedans ne rit qu'à moitié, l'autre, ma
tête de dehors, décontractée, devant une
telle énormité, se tait.
Alors, sans perdre la face, ma tête de dedans soudain
hilare, réplique :
- " Si je comprends bien, tu te payes ma tête »
Mais non, mais non rétorque-t-elle perfidement, ta tête a
trop de valeur pour que quiconque songe à l'acheter.
Mes deux têtes éclatent
de rire, réunies, indulgentes, et complices s'apprêtent à se payer la tête de
quelqu'un d'autre.
Excellent !
RépondreSupprimerPeux pas dire mieux.
Bises
Un texte original! sans doute écrit avec tes lunettes !!
RépondreSupprimerJ'ai la chance de ne pas en porter !
Supprimer