dimanche 13 février 2022

Cannelle

 La « révolution » de 68 commençait a produire ses effets.

L’ignoble Dany, le « con béni » comme on l’appelait à la Sorbonne avait bien chauffé jusqu’à l’extrême de jeunes esprits libérés par le « il est interdit d’interdire » porte ouverte à toutes les anarchies. Il était le premier étonné du succès de son mouvement qui par ondes, touchait toutes les strates de la  société. Les intellectuels étoffaient de leur philosophie ce qui aurait pu se dégonfler comme une grosse blague potache, lui donnant des lettres de noblesse. Mais quand certains demandaient ;

-C’est très bien de renier les valeurs obsolètes mais par quoi les remplacez vous ? le silence  en réponse était tonitruant…

Ainsi de jeunes professeurs attirés par le changement de vie, la liberté de la conduire à sa guise, l’attirance pour la nature choisissaient le retour à la source. A tel point que la section de l’Université vouée aux jeunes agriculteurs en quête d’enseignements relatifs à la conduite de leur maintenant entreprise, se trouvait renforcée par quelques nouveaux émules du retour à la terre. Facilement reconnaissables à leurs pulls en laine vierge et leurs pantalons râpés de velours côtelé au milieu des étudiants ruraux en costume cravate.

Parmi eux, Brice, qui avait abandonné à la rentrée son poste de prof d’anglais au lycée, acheté un lopin de terre aride en piémont, abritait femme et enfant dans la « cayolar » en pierre qu’il y avait trouvé et consacré le reste de ses économies c dans l’achat d’un troupeau de chèvres qui devait assuré leur l’existence de la famille.

Il venait chercher des conseils de gestion et prenait au passage ceux plus pratiques que lui donnaient , gentiment mais un peu goguenards les ruraux experts en élevage caprin.

Pauvre Brice, on l’a vu de semaine en semaine plus  maigre plus désespéré. Sa femme et son fils découragés par un hiver rigoureux avaient rejoint la vie citadine. Brice finit par baisser les bras et au printemps annonça qu’il revendait ses chèvres au prix du « kilo sur pied »… Nous avons été quelques uns, sans trop réfléchir à répondre oui, et c’est ainsi que j’ai connu Cannelle. Son nom allait de soi avec son pelage s d’un roux profond , ses larges iris assortis dans ses grands yeux prolongés par un large trait noir qui les étirait en amande. Toute jeune , d’une race sans corne qui ajoutait de la douceur à son joli museau. Bref elle était superbe, dès qu’elle est passée de la corde de Brice à mes bras elle m’a câlinée comme l’aurait fait un quelconque labrador dont a elle avait la taille.

L’ami qui conduisait n’arrêtait pas de maugréer que c’était une folie. J’ai du rapidement lui donner raison dès que la bestiole a mis le sabot dans mon petit jardin et qu’elle y a dévoré avec des mines gracieuse toutes les roses et les draps sur le séchoir ….De toute façon l’herbe maigre ne pouvait pas la satisfaire, il fallait trouver une solution.

J’ai alors pensé à ma gentille cousine et son élevage de moutons à quelques vingt  kilomètres de là.

Sur le siège arrière Cannelle appréciait le paysage… J’étais pleine de remords de l’abandonner ainsi bien qu’elle se soit mise à caracoler gaiement au milieu des moutons. J’allais la voir tous les weekends et c’était alors un manège qui me ravissant étonnait ma cousine habituée à un monde animal plus rustre. Dès qu’elle me voyait déboucher du chemin creux z elle sautait la barrière et venait se blottir contre mes jambes me gratifiant de ce regard doré inoubliable. Nous passions la journée ensemble, promenant par les près et les bois. Le soir je la ramenais et elle reprenait sa place dans l’enclos. Et puis un jour de printemps j’ai trouvé le champ vide. Le troupeau était parti à l’estive vers les sommets…

-Et Cannelle ?

-Je t’ai rendu service mais je n’allais pas faire une exception pour ta chèvre. C’était le bo sens de ma cousine et je n’avais qu’à m’incliner…mais les larmes aux yeux.

-Ne sois pas ridicule elle est très bien là haut avec une multitude de troupeaux.

Il ne me restait plus qu’à demander régulièrement des nouvelles de ma chère biquette, n’osant pas demander si je pourrais un jour la revoir. Et puis un jour :

-Ta chèvre a fait des petits et d figure toi que son lait mélangé à celui des brebis a donné un fromage si fabuleux que nous poursuivons l’élevage. Et puis un l jour :

-Arrête de me demander des nouvelles ta chèvre est morte.

Ma pauvre petite Cannelle que j’avais toujours espéré revoir…

 

 

 

….

 

6 commentaires:

  1. Morte de sa belle mort? Je veux y croire.
    Bon dimanche, Manouche.

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  2. Une histoire émouvante. Les animaux ont une âme !

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  3. Elle avait été prolifique et bien aimante...

    Bises cannelle, ma gitane.

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  4. Uff ! Canelle et sa révolution...
    Una abraçada manouche..

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  5. Una historia que empieza con una revolución mítica con románticos eslóganes de un mundo nuevo y sin propuestas para hacer el intercambio y acaba con una historia de amor entre esa cabra canela y su amiga urbanita.

    Me encantan tus historias, Manouche.

    Un abrazo,

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