lundi 11 avril 2022

La cloche et les pigeons.

 C’était une modeste église romane, toute blanche, toute simple, sans statues qui font peur, sans vitraux colorés, avec sous la belle arcade en demi cintre un autel de pierre nue. Quelques bancs de bois blond n’attendaient plus guère les fidèles d’un curé itinérant…Une araignée avait tissé sa toile au fond du baptistère. Il se dégageait de cet ensemble silencieux une grande quiétude. Plantée entre les quelques vieilles maisons d’un village où ne restaient que les  vieux elle surplombait une vaste plaine agricole où s’agitaient les saisonniers.

C’était pour eux que Mimile le bedeau à la retraite se forçait tous les jours de sonner la cloche à midi pour marque le temps de repos indiscutable. Cette cloche qui nichait dans le modeste clocher avait une longue histoire, fondue par un véritable artiste, enrubannée de roses et de feuilles d’acanthe elle avait un son délicat et joyeux.

C’est qu’elle ne s’ennuyait guère en compagnie d’un couple de pigeons, Guy le mâle et Neumer sa fidèle épouse.

Nichés dans un coin de pierre ils y avaient élevé plusieurs couvées  dont Cloche était la marraine. Leur vie amicale était sereine sauf à midi quand Mimile sonnait Cloche . Heureusement Mimile tremblait en empoignant la corde ce qui laissait à Cloche, d’un frémissement d’airain ,d’avertir ses amis qu’il était temps de s’envoler un moment vers le toit ruiné de la mairie. Le couple revenait dès le douzième coup et tous trois reprenaient leur conversation.

Ils avaient toujours quelque chose a se raconter. Guy descendait d’une famille de pigeons… voyageurs de père en fils. De génération en génération on se contait les révolutions, les guerres, les sièges, les famines, toutes circonstances où ils s’étaient conduits en héros.. A ces récits Cloche vibrait  en  un silence admiratif au plus profond de son airain. Elle transmettait aussi ce qu’elle avait appris de la vie des hommes : les baptêmes, les mariages, les décès et même deux armistices… Neumer à son tour racontait les petites choses de la vie auxquelles elle participait : le marché avec ses légumes et ses fruits, les enfants qui la faisaient s’envoler à la sortie de l’école. Le jardin public avec les mamans à poussettes  et le banc de la vielle Louisette qui la gavait de miettes de pain. Jamais on ne s’ennuyait dans ce minuscule clocheton.

Cependant il arrivait que Cloche se plaigne de son immobilité et rêve de voyages…Les cloches sont en principe attachées à leur église. En principe car il y a un moment dans l’année où elles font un fabuleux pèlerinage : à Pâques elles partent à Rome. Cloche était trop timide pour envisager pareille aventure. Un jour d’hiver où ils grelottaient entre ces vieilles pierre Neumer prit la parole :

- Ma chère Cloche Guy et moi après avoir bien réfléchi te proposons de partir ensemble à Rome.

-oh, frétilla du battant Cloche, ce serait merveilleux, le rêve de toute ma vie réalisé avec vous !!!

Alors tous trois attendirent le printemps avec impatience, faisant des projets, des itinéraires…

Enfin le jeudi Saint après avoir bien pleuré, ils jetèrent un dernier regard à leur nid et sans une hésitation s’envolèrent de concert. Cloche  entre ses amis qui l’encourageaient prenait rapidement le tempo. Un dernier tour de piste au dessus du village silencieux ils s’envolaient vers l’aventure.

-Ne craignez rien, amis, nous reviendrons dimanche et nous ferons  dans la liesse générale une merveilleuse fête.

- A bientôt

4 commentaires:

  1. Un joli conte! Je leur souhaite un bon voyage !!

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  2. Je vois qu'on ne s'ennuie pas dans cet clocher.

    Très bon voyage et joyeuses Pâques!!! à bientôt.
    Bissous

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  3. Merci pour cette belle histoire où rien ne cloche ;-)

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  4. Oh, qué historia tan mágica, Mnouche.

    Espero que hayan llegado a Roma los tres, y sientan el júbilo de una ciudad con mucho Arte y un montón de Templos fastuosos de cúpulas enormes y coloridos frescos, aunque seguro que añorarán su iglesia de pueblo románica y bella.

    Un abrazo,

    Un abrazo,

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