mercredi 13 février 2019

Conversation-37-avec Cora.




-Je t’entends mon amie, ouvre la porte, entre, excuse moi je  suis bloquée dans mon fauteuil.
- Voilà, voilà, je suis là, je cours vous embrasser. Cora je suis désolée il y a trop longtemps que je ne vous ai pas rendu visite.
- Tant  pis pour toi, petite, tu vas me trouver bien changée. Tourne-toi vers la lumière que je me régale de ta jeunesse et de ta beauté.
-Allons, changée non, mais soucieuse c’est évident. Votre santé ?
- Non, elle est suffisante pour ce qu’il me reste à faire, c’est celle du monde qui me préoccupe.
- Les mouvements sociaux, les gilets jaunes ?
- Surtout pas. Je me réjouis de toutes ces paroles libérées. Je souhaite de tout cœur qu’épurées des excès et des violences elles amènent plus de justice sociale. Ce qui m’a réellement effrayée c’est une inscription sur la vitrine d’un magasin. On n’est plus étonné de lire dans des lieux  publics des injures raciales, homophobes ou autres laissées là, comme avant tout, des témoignages de  la méchanceté et de la bêtise de leurs auteurs. Mais ce qui m’a fait froid dans le dos c’est de lire ce mot « Juden », en allemand et si bien calligraphié. Ce n’est pas un tag ordinaire mais une froide injure terrible rappel des horreurs passées. J’ai immédiatement pensé à mon ami Colette honteusement affublée de l’étoile jaune assise à mes côtés sur un banc de l’école primaire nos camarades pétrifiées la regardant comme une étrangère, aux portes amies sur lesquelles était inscrit « Juden »... Vers la fin de l’occupation  les troupes n’étaient plus composées que de d’adolescents et de vieillards. Armée en déroute vêtue d’uniformes vert de gris en tissu grossier et de bottes informes. Excités par l’odeur de ces accoutrements les chiens aboyaient sur les talons, mon Bobby en particulier montrait ses dents. Un jour, sous nos quolibets, un soldat l’avait poursuivi en vain, révolver au poing. Chaque jour la Résistance se renforçait, progressait de jour en jour... Tout cela pour t’expliquer que nous n’avions plus peur de cette armée de fantoches en déroute. Jusqu’au jour où dans nos campagnes quelques informations filtraient concernant l’abominable sort fait aux juifs. Le pire avait donc eu lieu. Et maintenant ce rappel …Qui a osé ?
- Oh, Cora je n’avais pas fait attention !
- Vous les jeunes vous avez le pouvoir de lutter pour la liberté, la démocratie, agissez, ne soyez pas aveugles.
- Je suis désolée de devoir vous laisser seule avec ces préoccupations.
- Ne t’inquiète pas mon grand âge m’exonère de toute responsabilité. Par ailleurs je ne suis jamais seule, si mon corps impotent git dans ce fauteuil, mon esprit est avec  ceux que j’aime. Il se pose sur les fleurs du camélia, joue entre les branches de l’olivier d’où il s’élève jusqu’au bleu dans la chaleur des ascendances et puise toute la tendresse du monde dans les yeux du chien.

2 commentaires:

  1. Bonjour manouche .. quelle bonne conversation, et combien de choses sont dites réalité et blessent la sensibilité, mais j'aime bien cette phrase ..
    "Vous, les jeunes, avez le pouvoir de lutter pour la liberté, la démocratie, d'agir, ne pas être aveugles." C'est notre espoir, ne le perds pas..
    Una abraçada.

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  2. L'histoire continue…..Les leçons ne servent à rien !!Moi aussi quand j'ai vu cette inscription, ça ma foutu un coup!!

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