La place Aligot Mari au printemps est vraiment magnifique. Des immeubles
immaculés, des cafés élégants aux terrasses ensoleillées, jouxtent des boutiques
de luxe. Des terrasses s’échappent un joyeux brouhaha. Il est onze heures et
demie, c’est l’heure de l’apéritif au Royal Ségolèn. Sur les sièges en rotin, le visage tourné vers le soleil profitant de cette belle matinée de mai pour
bronzer un peu, un verre de Picard opalescent en main les clients lézardent en
souriant…
Au centre de la place, une
Vénus immaculée aux formes parfaites se mire avec grâce dans la fontaine de
marbre blanc, le gravier blond qui l’entoure
crisse dans la course des enfants qui se poursuivent autour du bassin.
Les bancs de bois verni
disposés en cercle sont occupés par des mamans attentives. Des personnes âgées, le front
sur les mains, les mains sur la canne chauffent leurs rhumatismes ….
Quelques bancs vides
pour un espace de "protection"…puis, face au Royal Ségolèn vautrés, lampant à même le goulot quelques clodos narguent les nantis de la terrasse.
Hubert, qui se fait appeler
Hube s’avance d’un pas étudié conscient que son élégante silhouette longiligne
est admirée au passage. Il a vingt-huit ans, beau gosse, belle gueule et
sourire craquant. Il porte une tenue sportwear et laisse dans son sillage le parfum d’un coûteux Hugo Bossu. On le prendrait pour un
cadre fortuné, en fait il est vendeur au rayon papeterie d’une grande surface.
A trois pas derrière lui une
jeune femme blonde et pâle suit modestement. Sont-ils ensemble ? Sans
doute puisqu’ils prennent place à la même table.
Hubert s’empare d’un fauteuil,
s’assied en pinçant le pli de son pantalon, satisfait du brillant de ses
chaussures (qui lui ont coûté un mois de salaire chez Lenoir) il étend les jambes
devant lui le regard fixé sur l’animation de la place. Céline prend une chaise et se pose face
à Hubert.
C’est le moment, se dit-il,courage !
-Céline j’ai quelque chose de
désagréable à te dire... ne baisse pas la tête quand je te parle! Hube monologue...
Sur la place un grand jeune
homme athlétique discute avec les clochards, il a l’air familier avec eux,
peut-être a-t-il connu lui aussi des problèmes ? En tout cas il les a surmontés,
il n’est plus de leur race, ses cheveux noirs bouclés brillent au soleil et la
main qu’il tend est soignée. Sans doute quelque argent a dû changer de propriétaire si on en croit
les bruyants: "Merci amigo" qui le saluent.
C'est Manuel, habitué de cette promenade dominicale, il traverse la place et
s’installe à la droite de Céline, un peu en retrait.
Céline ne voit rien, le nez
dans son verre, pendant qu’Hubert, continue son discours en repoussant de temps
en temps une mèche blonde sur son front.
-...Mon C.D.D chez Lenoir devait
être transformé, en C.D.I. eh bien il n’en est rien, même mon chef de rayon est
menacé ; faute de résultats il va être muté en Normandie.Tu te rends
compte ? Il y a plus …Céline tu m’écoutes ?
(Bon sang j’en ai marre de
cette nana, elle semble ne rien comprendre!)
Enfin, Céline, tu t’es bien
rendu compte que je ne t’aimais plus ?
Réponds moi, ne me force pas
à crier, tu devrais avoir honte, les gens nous regardent.Hubert savait que cette rupture ne serait pas facile,
évidemment cette sotte ne pouvait que s’attacher à lui, mais que dire face à
une muette ?
- Céline, oui, je t’avais promis le
mariage mais tu es intelligente tu vois bien que ce n’est plus possible et
qu’il faut nous séparer.
Il est lassé de ne voir
devant lui que le front buté de Céline, son regard dérive et rencontre celui noir,
brillant de Manuel. Quel choc !
Hubert n’a jamais été très intéressé
par les femmes et cette gourde de Céline est bien la dernière qui aurait pu le
faire changer d’avis. Qu’est- ce qu’une femme à côté d’un homme comme celui-là ?
Ce visage bronzé, buriné de routard le trouble profondément ; il est
envahi d’un désir tel qu’il n’en avait plus connu depuis longtemps… Merveille !
Cela semble réciproque, ces yeux superbes le trouvent intéressant, mieux
Hubert y lit une réelle admiration
… Incroyable ! Alors qu’il rompt avec Céline il fait une rencontre qui va
sûrement bouleverser sa vie !
Hubert tu as gagné le gros
lot !
C’est en s’adressant indirectement à Manuel
qu’il articule avec force :
- Céline comprends; tout
est fini entre nous, et, magnanime : je t’en prie ne pleures
pas; tu me ferais de la peine.
Céline lève brusquement la tête, ses grands
yeux clairs mangent son joli visage menu. Elle réalise immédiatement le grotesque de la
situation, cette rupture elle envisageait d' en prendre l'initiative mais gentiment et sûrement pas à la terrasse d'un café. Le visage d’Hubert, où se lit le soulagement d'en avoir fini avec une corvée, la remplit d’une colère monstrueuse. Elle
se dresse violemment, empoigne la bouteille de soda et se jette contre Hubert:
- Pauvre type, tu t'es toujours conduit en parfait salaud, tu n'es qu'un minable!
Elle est vraiment menaçante, Hubert en est paralysé .
Manuel a saisi le poignet de
Céline en plein vol et reposé doucement la bouteille. Céline le regarde
longuement. Hubert est éperdu de reconnaissance.
-Merci vous m’avez sauvé de
cette folle !
Céline n’a jamais eu l’air
plus sensé qu’en ce moment où les tensions s’apaisent.Les clients du bar, un
peu frustrés, de voir le spectacle se terminer si rapidement se replongent dans
leurs papotages.
Les traits délicats de Céline
se détendent, elle dédie à Manuel un ravissant sourire perlé…
Hubert la trouve à la fois
touchante et ridicule, tellement à côté de la plaque.
- Allons Céline conduisons-nous en personnes
raisonnables: je vais me recoiffer et à mon retour j’aimerais que tu sois
partie. L’oeillade sans équivoque qu’il dédie à Manuel sous-entend
: attends moi je reviens tout de suite...
Léger, heureux, il se dirige
vers les toilettes, la glace lui renvoie un reflet flatteur, c’est vrai qu’il
est séduisant, qui pourrait lui résister !
Dans l’aveuglante lumière de
la terrasse deux tables sont vides.
Hubert désemparé se tourne de
tous les côtés.
Près de la fontaine, bras
dessus bras dessous, Manuel et Céline s’éloignent d’un pas harmonieusement
accordé …
.
Bravo!
RépondreSupprimerQuel con cet Hubert... digne patron des "saints chasseurs"
Quelle tête à claques cet Hube-là! N'a eu que ce qu'il mérite. C'est ce qui s'appelle une happy end... Très jouissif, en somme.
RépondreSupprimerj'aurais bien aimé être Céline....et qu'un Manuel passe....
RépondreSupprimerTu ne préfères pas un Intellectuel ?
SupprimerHenri
Tout lasse,
RépondreSupprimertout passe,
tout casse.
aH! l'amour.....................
quel drôle de mot alambiqué
et dire que des "pas trés inspirés"
le font rimer avec toujours!
Bonne NOUVELLE ( dans tous les sens même interdits)
la forme revient?
bellemiche
Pauvre et égoïste Hubert......J'aimerais connaître la suite de l'histoire. Comment se comportera Manuel avec Céline?
RépondreSupprimerA toi de l'écrire, Céline aura t-elle plus de chance? mais il y a des femmes qui vivent toujours la même histoire...
SupprimerOh les filles ?????
RépondreSupprimerVous vous défoulez ou quoi ?
Les mecs "biens" existent, tout comme il existent des "salopes" de première ! ... alors, la morale de cette histoire ???
Peut-être simplement qu'il ne faut pas faire semblant (comme Hube et Céline) et, admettre ce que l'on est et ce que l'on ressent.
Manouche, fais-moi un sourire !
Bisous
Les mecs bien, en 38 ans de carrière comme célibataire, je n'en ai pas vu la queue d'un, mon pauvre petit Olivier zoulou...
RépondreSupprimerMais j'ai arrêté de désespérer : j'ai acheté un godemiché, et depuis je nage dans le bonheur.
Sinon Manouche, le choix du prénom Hubert m'a fait sourire. Beaucoup. Allez savoir pourquoi... :)