dimanche 4 novembre 2012

La leçon.




Coline avait été absente des cours au lycée pendant une grande partie du second trimestre. Très ennuyeux plus encore que de souffrir d’une étouffante bronchite asthmatiforme  de perdre un temps d’étude précieux. Surtout en terminale S.
Excellente élève  Coline se disait que son année était en danger, peut-être même la possibilité de passer les concours des grandes écoles. En résumé c’était grave.
Elle restait à la maison choyée plus que jamais par sa chère maman.
Ah ! Sa mère, Coline avait une véritable adoration pour cette femme encore très jeune et particulièrement brillante. Candice née en Côte d’ivoire de parents coopérants avait été très influencée par la culture Baoulé et même initiée, enfant, à certains secrets du chaman qui lui avait appris, entre autres, les vertus des plantes. De retour en France elle avait épousée à peine sortie de l’adolescence celui qui allait devenir le père de Coline. L’enfant l’avait peu connu puisqu’il était décédé peu après sa naissance d’un mal non répertorié, mais que les ivoiriens, si on les avait interrogés auraient qualifié de « courte maladie », celle que contracte le malheureux dont on convoite la fortune.  « Pourquoi attendre « ?  Tel était le justificatif des noires commères sur les marchés de Treichville…Mais ici cela restait un mystère et on plaignait cette superbe veuve, se réjouissant toutefois que dans son malheur elle soit bien pourvue matériellement.
On l’admirait d’autant plus que, très intelligente elle avait créé son agence d’assurance adoubée, marque infaillible de réussite dans ce domaine, par la « Lloyd- life » hi self.
Bien entendu elle n’était pas restée seule bien longtemps, elle avait  épousé un entrepreneur en travaux publics fou d’amour. Il n’avait pas sa classe  aristocratique  mais possédait la plus grosse fortune du canton. Qu’il soit décédé assez  rapidement ayant laissé à son épouse, grâce à l’assurance qu’elle lui avait fait souscrire, un énorme matelas sur lequel elle pourrait dormir tranquille jusqu’à la fin de ses jours, même de ceux de Coline, n’inquiéta personne. Candice aimait sa fille très tendrement et agissait pour son bien...Ce décès brutal ne parut pas suspect, surtout  au jeune inspecteur de police qui partageait souvent les diners fins de ces dames et tenait compagnie à Candice  quand Coline était partie se coucher.
L’attention des jeunes célibataires qui savent distraire de leur chagrin les jeunes veuves opulentes à tous points de vue, est vraiment admirable et n’a d’égal e que l’amabilité de ces dernières pour les individus susceptibles de leur créer des ennuis. Décidemment le monde est bien fait.
Coline n’avait pas l’éclatante beauté de sa mère mais la fraîcheur de ses  dix sept ans comblait largement le déficit. Tout allait donc pour le mieux jusqu’à ce coup de froid aux conséquences  vraiment catastrophiques en cette année d’études terminales au lycée.
Malgré les visites de ses camarades  lui apportant avec leur amitié les cours manqués, elle se sentait complètement larguée en particulier dans les matières dites principales, les maths par exemple.
- Maman, aide- moi.
- Ma chérie, je serai demain au conseil des parents d’élèves et je vais parler à ton professeur de maths.
- Qu’est ce que tu vas lui dire ? S’inquiète Coline, les joues toutes rouges. Ce prof de maths qui ressemble à Brad Pitt en plus viril, est, cerise sur le gâteau : célibataire. Toutes les élèves en sont folles. Pour Coline c’est plus sérieux  elle l’aime. Grave.
Les mathématiques avaient grâce à lui des charmes poétiques inconnus rendant attirantes jusqu’aux différentielles ! Le travail devenait presque un plaisir et quand elle rendait son devoir et que ses yeux rencontraient le regard du prof, c’était l’extase. Il lui semblait voir dans le regard aimé la même passion que celle qui l’animait… et maman allait lui parler,  et lui parler d’elle !
- Devine ma chérie ce que j’ai obtenu de M. Liez ?- Le cœur de Coline s’arrête un instant.-
-Il a promis de venir deux fois par semaine, le soir, te donner des cours de rattrapage, jusqu’à ta guérison.
- Maman tu es merveilleuse. Les deux femmes s’étreignent avec tendresse.
Dans cette heureuses perspective Coline reprenait  des forces ce qui, on le sait est l’heureuse  conséquence chez les jeunes filles  d’un regain de coquetterie et se sentait déjà mieux. Ainsi, deux fois par semaine après  le dîner auquel il était régulièrement convié, M. Liez et Coline se plongeaient  dans la joie des fractales et autres gracieusetés.
Candice se retirait discrètement.
Coline travaillait d’arrache pied. Ils s’installaient côte à côte sur la grande table du salon, elle sentait près de la sienne la chaleur de sa cuisse, leurs visages rapprochés se reflétaient sur l’écran de l’ordinateur. Elle pensait : comme nous sommes beaux ! Coline apprenait  le bonheur. Sa mère indulgente et complice donnait l’impression de comprendre et approuver.
Puis elle a guéri, elle a renoué avec sa vie de lycéenne, sage mais amoureuse. « Mathématiquement » toutes ces heures passées dans un tête à tête  intime ne pouvaient avoir laissé M. Liez indifférent.
 Coline en était sûre, un jour prochain il allait se déclarer.
Ce samedi  après -midi pluvieux, Coline revient de l’école de danse où son cours de hip- hop a été annulé. Elle va faire une surprise à sa mère qui doit lire dans sa chambre. Avec une grande économie de bruit elle confectionne dans la cuisine ce chocolat épais, à l’espagnole, dont Candice est friande.
Un plateau, quelques churros  autour de la tasse de chocolat dont la vapeur odorante s’élève dans l’escalier. La porte de la chambre de Candice est entrebâillée, Coline la pousse du pied. Un cri. Un vacarme de vaisselle brisée.
Dans le grand lit, redressés, surpris, à peine couverts par le drap de satin rose M. Liez et Candice ouvrent des yeux épouvantés ! Puis sur le visage de Candice se forme un sourire qui veut dire : ce n’est plus la peine de tricher, finie l’hypocrisie, c’est la vie, ma pauvre fille ! Un rictus ironique qui glace  Coline. Dans la seconde elle réalise tout ce qui pour elle n’était que mystère inconsciemment ; ou consciemment, pour ne pas abimer leur superbe relation. Tout à coup c’est  la compréhension immédiate d’un contexte scabreux, un éclairage brutal sur ce qu’elle n’avait jamais osé envisager.
Ses yeux s’ouvrent dans l’instant à toutes les terribles réalités : La duplicité de Candice ses veuvages providentiels !  Mais Coline ne pense pas, elle souffre intensément de cette double tromperie ; elle devient comme un papillon qui sort douloureusement  de son douillet cocon ; elle hurle :
 – Oh ! Maman !
 Dans ce cri il ya son innocence perdue, sa confiance et son amour bafoués. Brutalement elle se sent si vieille…
Le monde des désillusions et des douleurs s’est enrichi d’une nouvelle adulte.






8 commentaires:

  1. Toi, c'est Cruella d'Enfer ton vrai nom!!!

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  2. A veces, la vida da golpes duros y, a veces, aprendes de ellos.
    Saludos

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  3. Eh oui !
    Dure, dure la vie, ... surtout aux coeurs (trop) tendres.

    Bisous

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  4. Bien vu. Un petit texte très intéressant (Mais pourquoi les profs de maths sont-ils toujours hyper sexy !!!)...

    Les veuves joyeuses, on connait bien, dans ma (sainte) famille...

    :)

    Sinon j'ai répondu à ton commentaire, sur mon blog.

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  5. Je ne suis pas un maître, Manouche : ne m'appelle pas comme ça, même pour rigoler. :/

    Par contre je suis petite (1m50) et verte (de rage), donc, Yoda, ça peut coller. :D

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  6. et... figure-toi, que ces trucs là , ça arrive PLUS souvent qu'on le croit !
    foi de prof !

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  7. AH! ces femmes fatales aux amours foudroyantes!!!!!
    un conseil, messieurs, pensez à vous munir au bout de vos cornes d'un paratonnerre........
    bellemiche

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