- Une grand mère en amène une autre ; veux tu que je te
parle de la mère de ma mère ? Eugénie. Elle disait : comme
l’impératrice …
- Elle a eu elle aussi beaucoup d’enfants ?
- Seulement six. Les deux
« du milieu » sont décédés petits,
ont vécu les deux aînés et les deux derniers de vingt ans plus jeunes.
Cette différence d’âge a été une bénédiction pour ma grand-mère, les plus âgés
ayant pratiquement élevé les petits, laissant à Eugénie la possibilité de
travailler plus de quinze heures par jour.
- Savez-vous de quoi sont décédés ses enfants ?
- Pas la moindre idée, c’était à la fin des années 1800 et
comment pourrions-nous réaliser l’état sanitaire de l’époque. Avec de mauvaises
conditions d’hygiène, l’inexistence des vaccins la mortalité infantile était
effrayante. La moindre bronchite devenait mortelle et que dire de la diphtérie,
le terrible croup, la tuberculose et la poliomyélite. Moi même, enfant, j’ai vu
beaucoup de rescapés de cette maladie se trainer à vie avec des membres
atrophiés.
J’ai souvent été confiée à Génie à qui je vouais une
véritable adoration.
- Comment était-elle ?
- Intelligente, gaie, physiquement tout petite et menue avec
une silhouette restée très jeune:
- Figure toi, disait-elle gaiement qu’on me suit encore dans
la rue, mais si tu voyais la tête du suiveur quand il me voit de face !
Non seulement elle n’avait jamais été jolie mais les années et les épreuves
avaient profondément marqué son visage. Moralement je n’ai jamais rencontré
quelqu‘un de meilleur qu’elle. Pauvre comme tu ne peux l’imaginer elle aidait
et soutenait plus malheureux qu’elle. Tiens un exemple : notre voisine que
je ne connaissais que sous le nom de Marie- Bonbon passait presque tous les soirs.
Elle vivait dans une partie désaffectée d’un garage à calèches et possédait pour
tout bien une casserole à fondre le
sucre et une plaque de marbre sur laquelle elle torsadait et coupait les
berlingots multicolores qu’elle allait vendre
sur une planchette de bois suspendue à son cou en marchant dans les rues.
Comment faisait-elle pour être toujours aussi propre avec sa longue robe de
toile et son vaste tablier bleu bien plissé ?
- Bonsoir Génie disait-elle comment allez-vous ?
- Asseyez vous Marie, vous prendrez bien la soupe avec nous.
- Merci Génie, mentait-elle,
j’ai déjà mangé, mais par gourmandise je gouterai bien un peu de votre
garbure.
Elle n’était pas la
seule à partager le frugal dîner. Souvent mon grand père qui se disait
peintre-philosophe (ce qui lui permettait de laisser à sa femme la charge
matérielle du foyer) ramenait quelque « trimardier » ou
« compagnon » sans emploi, on dirait maintenant un S.D.F… amateur
comme lui de vin blanc et d’utopiques conversations de comptoir. Excuse- moi je
mélange un peu tout.
- Si vous voulez bien revenons à votre grand-mère ;
- Oui, il n’y avait qu’un médecin dans cette petite ville et
pas d’infirmière aussi le toubib avait initié Génie à toutes sortes de soins en
particulier les piqûres. Elle s’occupait des vivants puis de la toilette des
morts quand les patients « avaient
passé l’arme à gauche ». Ne crois pas, petite, que ces pauvres gens
étaient des brutes insensibles mais la mort était alors naturellement dans la vie. Ce qui faisait principalement vivre
la famille c’étaient les talents de cuisinière de Génie et des conserves
qu’elle fabriquait avec les légumes et les fruits du jardin l’été et les foies
d’oie l’hiver. Je me souviens en particulier qu’elle m’amenait au « marché
au gras » .Nous nous arrêtions à l’étal du marchand de biscuits en vrac et
j’avais droit à une demi douzaine de coques légères qui craquaient sous la dent libérant une atroce lie de confiture qui faisait mon
régal. Pendant que je suçotais béate ces horreurs, elle choisissait les plus
beaux foies d’oie. Elle réservait les pointes des lobes mettait le foie
préalablement trempé dans l’armagnac et bien assaisonné dans des boites en fer
qu’elle portait sur sa brouette au sertisseur avant de les faire bouillir dans
cette énorme bassine que nous avions du mal à porter sur la cuisinière. Je me
souviens du ronflement du feu poussé à
blanc de la buée épaisse où nous évoluions pendant des heures. Les clientes
fidèles venaient chercher leurs boites d’année en année.
- Miam ! Et les petits morceaux réservés ?
-Pour les fêtes de famille Génie entourait chacun d ‘un blanc de dinde, en
garnissait une boîte qui ne coûtait rien. Ce délice se conservait longtemps et
je me souviens des tranches délicieuses
qu’on nous servait, le foie et le blanc se bonifiant l’un l’autre. C’est
curieux comme avec l’âge toutes les sensations éprouvées enfant reviennent en mémoire.
J’arrivais au niveau de la poche du tablier de ma grand-mère et plongeais mon
nez dans le méli-mélo de persil, thym, laurier, ciboulette,échalote, cueilli
chaque jour dans le grand jardin. Elle le cultivait seule, s’y
« décarcassait » disait-elle, avec raison, j’imaginais le sens atroce
de ce mot que j’ai depuis en horreur. Et le fumet de la sauce de cèpes au vin
rouge, l’odeur moelleuse du pain perdu,
la gourmandise du dimanche, et la broye, cette sorte de polenta bourrative !
Et le parfum des fleurs ! il y avait des bouquets dans toutes les pièces
en particulier quand le mimosa de la tonnelle et les « vendangeuses »
étaient en fleur…L’arôme du café que j’écrasais dans le moulin de bois dont les
coins meurtrissaient mes cuisses maigres, le parfum de miel de la cire que je
devais passer tous les jeudis sur l’escalier de chêne …
Il y avait aussi la puanteur de la cabane au fond
de la cour, pudiquement recouverte de vigne vierge, et bruissante de mouches à
la belle saison.
Bon- J’attends mes copines pour le scrabble, à bientôt,
mignonne.
C'est arrivé à ma grand-mère, d'être suivie dans la rue pour sa silhouette (pas de danger que ça m'arrive!) et quand elle s'est retournée les deux jeunes lui ont dit:" Bravo, la petite grand-mère!)
RépondreSupprimerJ'adore lire ça, j'adore mais j'adore. Tu sais, même à mon âge vénitien (ou vénérable, je ne sais plus au juste), je n'ai pas connu. Enfant, j'ai connu les glacières, le marchand de glace avec son chariot et son cheval. C'était en 1950. Mais la cabane au fond du jardin, la bécosse comme on dit ici, j'ai connu. Pas chez nous, mais à la pêche dans le nord, oui, toutes les années.
RépondreSupprimerFrigo au propane, bécosse en arrière, et la truite qu'on apprête. N'est-ce pas la belle vie ?
Fantastique!
RépondreSupprimerMerci pour tout ;-)
Beau parcours et quel moral. Merci de ce partage
RépondreSupprimerToute une époque que j'ai un peu connue à travers mon arrière grand mère.
RépondreSupprimerYo sé que el traductor de google me hará perder detalles significativos, pero me gustó mucho cómo lo cuentas.
RépondreSupprimerUn beso.
HD
Elle est vraiment vivante ta Cora, et il eut été dommage de ne pas écrire ces billets.
RépondreSupprimerBISOUS
RépondreSupprimerOlá amiga Manouche , amo apreciar suas lindas postagens!
Uma doce semana.
Beijos Marie.
El leer libros nos puede enseñar muchas cosas,sobetodo podemos evitar de caer
RépondreSupprimermanos radicales.
Mu interesante, me ha gustado y muy entretenido.
RépondreSupprimerSaludos.
pas en avance avec Cora mais je vais me faire un tirage et je lirai demain dans mes autobus.
RépondreSupprimerpar ailleurs je vais descendre dans le sud ouest la période du 16 mars au 29.
est ce que nous voir te ferai plaisir?
nous calerons çà avec le mail . je t'embrasse et bisous à igor de la part de Zita et de Chien.
je suis ravie que Roger adore tes mots... bisous
El humor siempre nos puede ayudar en los malos momentos
RépondreSupprimerQuelle merveille de Grand mere, vraiment une veritable
RépondreSupprimerGenie!