Ma cuisine est noire, froide.
Par la porte-fenêtre la lumière lointaine, très haut, derrière une vitre nue,
m’accueille comme tous les matins, même le dimanche. C’est un luminaire mural, vraisemblablement dans une cuisine. Il est où cet appartement ?
Forcement à la quatrième droite au dernier étage du petit collectif. Sa
distance, en biais, à vol d’oiseau ? Au dessus de deux toits plats, de
trois jardinets et de la petite route, soixante, quatre vingt mètres ? De
l’occupante (j’ai décidé que c’était une femme) je n’entrevois que la tête et
le buste au dessus de la rambarde du balcon. Pendant que je prépare mon petit
déjeuner je la vois aussi aller et venir dans la lumière jaune entre les murs
et la table. Maintenant je n'aperçois plus que sa tête, elle est assise :
nous déjeunons ensemble. Depuis combien de temps ? Des années sans doute
si je me base sur toutes les fois où j’ai vu clignoter contre la vitre les
ampoules multicolores dessinant un arbre de Noël… Elle éteint en même temps que
moi sa lumière dès que le jour est assez clair. Je ne la vois plus jusqu’au
lendemain. Où va-t-elle ? Où travaille t-elle ? Je lui invente des
occupations bizarres, des professions rares. Peu importe pourvu qu’elle allume
demain matin. Elle est seule comme moi. Seule ? En fait je n’en sais rien. Pour
la première fois, dimanche dernier, une silhouette arrivée du fond de la
cuisine s’est jointe à elle, plus grande, plus large. Un homme ? Bien sûr,
un homme. Le samedi, la veille, ils ont dû aller au restaurant, puis au cinéma,
amoureux bien sûr et il a passé la nuit chez elle. Cela me fait vraiment
plaisir. J’espérais revoir leur double image, en vain. L’affaire d’une
nuit ? Cette exception à part c’est toujours le même cérémonial du matin
et mon soulagement de la savoir là, fidèle, rassurante dans son halo lumineux.
Ce serait tellement facile de la connaitre. Quelques pas dans la rue, l’entrée
de l’immeuble, la lecture des boites aux lettres… Peut être que je me
présenterais, peut être qu’elle sourirait, peut être qu’elle me dirait qu’elle est heureuse de me
retrouver tous les matins, au loin, en bas, derrière ma fenêtre ? Peut être
serait-ce une affreuse mégère qui irait jusqu’à m’accuser de l’espionner ?
Peut être serait-ce un vieux type grossier qui me déclarerait boire le matin
dans sa cuisine, à la place du thé que j’imaginais, le petit blanc qui
réveille ?
Peut-être ? Je ne saurais
jamais.
trop amoureux pour rester ensemble, c'est plausible. Les solitudes additionnées ne s'annulent pas, elles se composent tout au mieux.
RépondreSupprimerBzzz...
Peut-être, peut-être .. qui sait .. tout est possible ..
RépondreSupprimerUna abraçada manouche..
La vie réserve toujours des surprises. Je raffole de ce genre de situation :)
RépondreSupprimerQuelquefois on vit avec des rêves qu'il vaut mieux garder à l'état de rêve, la réalité peut s'avérer bien cruelle
RépondreSupprimerAmicalement
Claude
On passe des années à côté de certaines personnes sans les connaître. C'est mon cas pour certains voisins.
RépondreSupprimermerci de ce brin printanier d'écriture même si le sujet parle de chose beaucoup touchante de l'âme de notre petite narratrice
RépondreSupprimersuperbe fleurs fragment d'écriture.Toujours ton écriture précise , ciselée
j'adore beau sujet. je t'embrasse
On communique plus facilement avec le net
RépondreSupprimer"la fête des voisins" en mai prochain permettra de nouvelles rencontres proches de chez soi.
A nos pinceaux mercredi. Nicole