jeudi 6 janvier 2022

 

Edouard était né  en 1865 dans une famille nombreuse pauvre mais très unie. Ils logeaient tous dans une des dépendances de la propriété des Astous mise à leur  disposition par le Meste.

Jacques, le père, « brassier » sur les terres travaillait depuis toujours dans les vignes de ce domaine de Jurançon.

C’était un homme tes intelligent, fier de savoir signer de son nom sur le registre des naissances alors que la majorité le faisaient d’une simple croix. Désireux que ses enfants  aient une bonne éducation il sacrifiait leur aide sur les terres pour les envoyer à l’école. Marie, sa  femme , trimait toute la journée pour la riche Daoune du domaine.

Edouard était un enfant heureux jusqu’à cette triste nuit du Nouvel An. Un terrible orage faisait tout trembler du ciel à la terre et les brassiers avaient dû sortir  sous les bourrasques de grêle pour essayer de sauver le Vignoble.

Jacques s’affairait en bout de rangée de ceps quand un arbre de l’orée du bois tomba lourdement, l’écrasant, le tuant.

Vite on alla chercher Marie de saisissement son cœur ne résista pas ,elle s’écroula, morte au coté e son mari.

Pauvres enfants qu’allaient t il devenir ? Grâce à leur bonne éducation et leur courage Les filles d’abord placées chez les Sœurs devaient toute leur existence œuvrer dans une mission en Chine. Deux frères prirent un cargo pour l’Argentine où l’un d’eux fonda l’Ecole française de Mar del Plata, le plus jeune s’engagea dans l’armée…Edouard reçu «  Premier du Canton de Pau au certificat d’études « entra chez les compagnons du Tour de France.

(avec ce certificat d’études on maitrisait parfaitement écriture, grammaire et orthographe, toutes les opérations du calcul, l’histoire de France, sa géographie physique et politique, on connaissait les grands auteurs, on était capable de réciter un grand nombre de poésies) Une parenthèse ne suffit pas à dénombrer toutes les vertus que cet enseignement  dispensait : le respect des parents et des maitres, l’amour de la Patrie…

 Chez les Compagnons  Edouard choisit la section  »Peinture filets et lettres ». Filets cela signifiait toutes les décorations des calèches, des intérieurs bourgeois, des riches vitrines commerçantes etc.…

Edouard aimable, toujours joyeux était parfaitement heureux dans ce milieu fraternel, à Paris, comme tous les autres amoureux de la Mère des Compagnons. A cette époque sont seul vrai chagrin avait été la disparition de son frère militaire. Il avait été expédié avec son régiment pendant la guerre en Nouvelle Calédonie. Un jour un document militaire mentionnant « mort au combat » avait désespéré Edouard.

Quelques temps après il avait reçu la visite d’un ancien combattant au visage tout  couturé se disant l’ami de son frère qui lui déclara sans ménagements :

- Votre frère n’est pas mort en combattant… il a été mangé par las canaques !! Sur  son acte de décès la mention « mort au feu » était quand même valable ajouta-t-il avec un affreux sourire.

Pauvre Edouard il ne s’en est jamais remis.

 Sinon sa vie professionnelle et personnelle lui s donnaient parfaite satisfaction. Il faut préciser qu’il était très  beau. Taille haute pour un béarnais, silhouette élégante surmontée d’un visage aux  traits réguliers, un sourire ravageur et d’épaisses boucles brunes…

Dans son tour de France et d’Espagne il avait multiplié les conquêtes et laissé au passage quelque cœur blessé.

Un défaut cependant une addiction au vin blanc qui devait lui jouer des tours. Il en tirait cependant une leçon positive. Ainsi il déclarait qu’après être tombé ivre dans une rivière « et même un fleuve » il ne fallait jamais se retourner et nager jusqu’à l’autre rive... Indécrottable optimiste il ne se trouva pas gêné lorsque sa logeuse, à Dax à son retour d’Espagne, lui demanda le prix de la pension qu’il était dans l’incapacité de payer…

- Chère madame rien ne pourra m’empêcher un retour heureux et me fixer au pays, certes je ne peux vous payer mais j’épouse votre fille et tout est réglé. Quel artiste ! Ainsi fut fait et la gentille Eugénie devint son épouse. Six enfants plus tard Edouard déchargé de tout souci d’ordre familial par sa vaillante femme, chantait en travaillant, amusait ses enfants par son humour toujours vivace, multipliait les amis … et les cadavres de bouteilles de vin de jurançon. Trop jeune en 70, soutien de famille en 14, trop âgé en 39 il avait échappé à toutes les guerres. Rien ne pouvait entamer sa bonne humeur et  sa gaité restées juvéniles…

 Les peintres fabriquaient eux mêmes leurs peintures avec des pigments en poudre et de la céruse laquelle contenait du plomb…avec leurs tendons   raccourcis les mains d’Edouard ressemblaient à des griffes d’oiseau, bientôt il ne put plus tenir le pinceau. Edouard atteignait l’âge de la retraite, il n’y avait plus de calèches à décorer, il se reconvertit alors en formateur d’apprentis. Il n’était guère sévère et riait avec eux. De temps en temps pour asseoir son autorité il prenait une grosse voix en défaisant la boucle de sa ceinture de cuir, en libérant de plus en plus de longueur il criait ;

 »Ca va chauffer sur les mollets » mais il s’arrêtait r toujours avant de libérer complètement ce fouet imaginaire.

 Comme le jour où il avait envoyé un apprenti travailler chez un commerçant. Il s’agissait  d’écrire sur la façade en  lettres élégantes les spécialités maisons. Edouard avait donné le modèle au gamin écrit sur un carton:

-«VINS  LIQUEURS SIROPS ».

Le soir Edouard alla vérifier le travail  et fut effaré de lire : »VINS  LIQUEURS SIRO.P.S ». L’apprenti s’expliqua :

-Oui, Monsieur J’ai écrit comme vous m’aviez dit : » SIRO PUR SUCRE  ». Edouard dans son fou rire oublia même de défaire sa fameuse ceinture….

Avec ce don égoïste de ne voir que le bon côté de l’existence, se moquant avec humour de ses contemporains  il vieillit ayant gardé son élégante silhouette et son pas  élastique  s’adonnant à sa passion de lire, sans lunettes, et se vantant de n’avoir jamais eu recours à un médecin.

Il avait quatre vingt onze ans quand un accident eut  raison de sa vitalité.

J’aimais beaucoup mon grand-père.

3 commentaires:

  1. Un optimiste qui a traversé tous les orages de la vie !

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  2. Maravilloso contar con optimistas en este mundo, nos hacen la vida mas alegre y feliz!

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  3. Une attitude qu'on devrait tous imiter tout le long de nos vies.

    Bises, ma gitane.

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