mercredi 12 janvier 2022

 

Eugénie n’avait d’impérial que son prénom. C’était une petite fille toute menue aux beaux yeux noirs dans le visage chiffonné de l’enfant qui grandit sans amour. Sa mère la considérait comme un boulet qui la freinait dans sa vie de belle femme, directrice appréciée d’un petit hôtel à Dax. Il fallait bien qu’elle serve à quelque chose cette petite, alors dès le retour de l’école armée d’un balai bien trop haut , elle faisait le ménage de l’hôtel. Petite Cendrillon, elle se consolait le soir dans sa petite chambre en câlinant sa poupée faite d’une pomme de terre et de ces grandes allumettes que l’on emploie pour allumer les feux de pignes de pin.

Sa jeune vie ne s’épanouissait qu’à l’école dans la soif d’apprendre, de mériter la considération du maitre et l’amitié  de ses compagnes. Mais sa mère l’estimant suffisamment instruite condamna bientôt son adolescence à la solitude et aux travaux ménagers.

Quand Edouard Salles, le solaire, apparut, Eugénie en tomba follement amoureuse ;

 Avec lui et leurs enfants son besoin d’amour était enfin comblé, son courage et sa vaillance n’avaient pas de limites. La petite maison d’Aire- sur- l’Adour était seulement louée mais elle se mit à cultiver le vaste jardin, bientôt une merveille de légumes et de fruits. Il y avait les poules et les lapins…La petite famille pouvait ainsi vivre en autarcie. Eugénie qui voulait que sa couvée ne manque de rien  « faisait les marchés au gras » achetait oies et canards pour une clientèle fidèle. Les  viandes étaient confites. Les foies gras après leur bain  d’Armagnac étaient placés dans des boites en métal, serties. En guise de salaire Eugénie gardait les extrémités des foies, enrobés dans des blancs de volailles  mis aussi en conserve ces » galantines » régalaient la famille lors des grandes occasions. Toutes ces boites étaient mises à bouillir dans la lessiveuse, on les entendait s’entrechoquer dans le gros souffle des bouillons par toute la maison !

Les talents de cuisinière d’Eugénie avaient attiré l’attention, par personnel interposé, du Sénateur Lourtis la plus haute personnalité de la ville. Homme politique important il recevait beaucoup lors de banquets gastronomiques. Eugénie en devint le chef d’orchestre, ses sauces de cèpes au Madiran ,ses timballes de ris de veau et ses civets de chevreuil étaient fameux jusqu’à la capitale !

Jeune hobereau  sans fortune le jeune Lourtis avec épousé une riche héritière en centaines d’hectares de pins ceci compensant la laideur et la bêtise de la donzelle…Avec l’âge les choses avaient empiré et Madame, sans autre famille que son volage sénateur d’époux avait sombré dans une mélancolie virant à la folie. Monsieur la cachait à ses visiteurs. Sur les conseils de monsieur Lévrier, le médecin, il la confiait aux soins d’une nurse, une ?... plusieurs qui se succédèrent découragées par la méchanceté de Madame. Bien entendu il fit encore appel à Eugénie qui avait toute sa confiance. Le docteur lui enseigna les premiers soins, les piqures…et voilà Eugénie bombardée infirmière. Elle savait les soirs où monsieur recevait, calmer madame avec quelque chanson, la préparer pour la nuit et la faire monter gentiment dans son lit :

- Allez Madame montez le marchepied nous allons prendre le train pour Paris et rejoindre Monsieur au Sénat…. Et hop, sous la couette Cela marchait si bien, trop bien Eugénie disait :

-Les journées n’ont que vingt quatre heures….Comment arrivait elle, encore, forte de son nouveau savoir à soulager les douleurs de ceux, nombreux, qui ne pouvaient s’offrir les soins du médecin. Appelée parfois trop tard elle aidait les pauvres gens  à partir en leur tenant la main…

Madame Salles et une sainte disait on partout dans la ville. Pauvre sainte débordée, harassée. Elle qui aimait passionnément ses enfants désespérée d’en avoir perdu deux en bas âge. Edouard cachait son chagrin sous son éternel sourire Il admirait la force de cette femme si menue, conscient qu’elle était le pilier solide de la famille qui lui permettait le luxe d’une certaine fantaisie dans son existence. Il lui arrivait régulièrement d’emmener à diner quelque «  gars du trimard »dont il appréciait la conversation. Il y avait toujours uns assiette de soupe à offrir. Marie Bonbon , la voisine, quand elle n’avait pas vendu ses berlingots,  la partageait,  pratiquement tous les soirs…

La guerre et ses chagrins ont eu raison d’Eugénie. Elle est partie juste après avoir connu la joie du retour de ses deux garçons prisonniers.

Ma grand-mère tant chérie.

 

 

 

4 commentaires:

  1. Que bella historia, Manouche, esas abuelas corajes, llenas de habilidades y amor por los demás.

    Me habría encantado tener una abuela así.

    Ah, me hiciste reír con tu comentario. Voy a esperar al verano para probar ese look tan chic.

    Abrazo,

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  2. tu sais que tu as des vieille qui te lisent et il faut la loupe ou transvaser dans word et agrandir...
    ma chérie je voulais te le dire.
    bisous je repasserai quend j'aurai plus de temps
    bisous ma manouche chérie

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  3. Touchée!.
    Un bel hommage à une femme dont le courage, et la vie, ont donné un sens à notre existence.
    Bises tendres, ma gitanée.

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