- Bonjour Cora je
viens vous mettre à contribution. J’ai porté ce pantalon que je viens
d’acheter pour que vous me cousiez l’ourlet.
- Oh ! Ce tissu quelle merveille souple léger,
élastique, je n’en ai jamais connu de pareil dans ma jeunesse. On nous offrait
des toiles rêches des lainages tout mous alors que nous rêvions lin, soies,
velours… Quand je vois des femmes portant des pantalons savamment déchirés je
me dis que c’est leur droit mais que c’est faire injure au choix de vêtements
magnifiques qui existent maintenant et à des prix plus qu’abordables !
- C’est vrai que nous l’avons le choix .
- Tu tombes bien je suis justement en pleine couture. J’adore
bricoler et je profite des rémissions de l’arthrose pour faire ce que j’aime le
mieux : quelque chose de mes doigts. C’est Bergson qui disait, je
crois : « L’intelligence remonte de la main au cerveau ». J’ai toujours apprécié tous
les travaux manuels. C’est pour cela que je suis si maligne !! Je ris mais sans machine à coudre je suis
quand même moins performante. C’est devenu, pour moi, même les petites
électriques, un engin trop dur à manier. Assieds-toi et prends un chocolat, je
te fais cela illico.
- J’ai vu chez un brocanteur une machine ancienne avec une
roue qu’on tournait à la main. Une autre très lourde avec des pieds en fonte et
une espèce de plaque mobile sur laquelle il fallait pédaler je pense,
non ?
- Ces machines j’en ai vues beaucoup échouées en Afrique, où dans des ateliers
minuscules et une chaleur étouffante des jeunes gens au coude à coude brodaient
des merveilles.
De ces « Singer »
il y en avait dans toutes les familles
aisées mais c’était souvent les « Couturières à domicile » qui les
utilisaient. Elles étaient les pauvres esclaves de cet espèce de monstre représentatif
de la technologie de pointe dans les arts ménagers en balbutiement à cette époque.
On cuisait sans gaz ni électricité, les aliments étaient conservés dans un coin frais, rangés dans une cage grillagée
à cause des mouches, pendant que le
linge bouillait dans la lessiveuse et que les « fers » à repasser
chauffaient sur la cuisinière à charbon…
- Vous employiez de ces couturières à domicile ?-
- Moi, non, mon premier achat de femme mariée a été la
fameuse « Elna » électrique (payée à tempérament pendant douze mois !)
mais tant que je vivais chez mes parents j’ai participé à ces journées de
travail intense. En effet pour les rentabiliser au maximum, ma grand-mère,
maman, travaillaient au même rythme que la couturière, qui pour la coupe, qui
pour les finitions, sans parler des essayages… C’était un véritable ouvroir qui
marquait les changements de saison, la confection d’une ou deux tenues par personne.
Je me souviens en particulier d’une
grosse fille au physique ingrat qui arrivait le matin avec sa boîte d’outils personnels
et son carton des « patrons » de l’année. Elle restait collée à la
machine jusqu’à dix-huit heures. Le repas de midi était pris rapidement, elle
déjeunait avec nous et elle avait droit
à quelques minutes de détente avec le café. Elle disait : « Ce n’est pas
dans toutes les maisons que je suis aussi gâtée ». Chez certaines
personnes elle devait se contenter de son sandwich, assise sur la chaise devant
la machine… Pauvrette. Le soir elle souffrait terriblement des jambes et je
suppose que pour vivre elle s’attelait à sa tâche le lendemain dans une autre
maison.
- Un véritable
esclavage !
- Comment peux-tu concevoir ce paradoxe : la mode se
faisait à Paris chez les couturiers, de rares boutiques offraient un choix limité de
vêtements hors de prix, confection de luxe
inspirée de la capitale. Et il fallait la suivre cette fichue mode. Je me souviens de ma mère refaisant les
ourlets de ses robes d’une année sur
l’autre. La confection de masse, ses choix et son bon marché n’existaient pas
plus que la liberté de se vêtir à son goût.
- Vous, grâce à votre miraculeuse « Elna » vous
faisiez vos vêtements ?
- Mes vêtements, les rideaux, les nappes, les coussins et
pour toute la famille pyjamas et robes de chambre… En ce qui concerne ce que je
confectionnais pour moi je ne dis pas : « grâce à Elna »
mais je dis : grâce à Brigitte Bardot !
- A Cette vieillarde aigrie et fascisante qui vient d’avoir
quatre-vingts ans ?
- Si tu l’avais connue dans las années cinquante ! C’est
elle qui donnait le ton et quand Paris s’embarrassait d’organdis et de taffetas
magnifiait le tissu vichy et les cotonnades joyeuses. La chose était plus
profonde qu’il n’y paraissait. J’étais plus âgée qu’elle mais j’ai quand même
bénéficié de la vague de légèretés
qu’elle inventait chaque jour, de la démonstration publique de sa liberté. Physique et morale. Elle était éclatante avec
ses vingt ans sans limites. Les plus jeunes voulaient lui ressembler, sans
aller si loin les jeunes femmes dont j’étais, essayaient d’oublier carcans et complexes.
Nous bénéficions des portes qu’elle
ouvrait pour nous sur une vie où il n’y aurait pas que des contraintes et des
devoirs, une mode triste et tyrannique mais du plaisir, de la joie, de
l’indépendance.
- Quel enthousiasme, Cora, je ne voyais B.B qu’en vedette de
vieux films, vous allez me faire croire
qu’elle a eu un rôle dans l’évolution du statut des femmes.
- Plus que les jeunes générations ne peuvent l’imaginer.
Bien mieux que les sèches suffragettes,
les excitées du M.L.F elle réussissait une révolution de libération des femmes et l’imposait par le charme et la féminité. Si elle a eu un
énorme succès c’est que, pour des raisons différentes, elle plaisait autant aux
femmes qu’aux hommes.
- Ben, Quel hommage !
- Tiens, j’ai fini la première jambe, essaye le pantalon
pour voir si cela te convient que je
fasse le second ourlet. J’ai mis de côté
pour ma petite fille qui vient en
vacances ces trois vieilles photos. Elle est très adroite de ses mains
et je pense que cela l’amusera de
constater que je me débrouillais aussi. C’est un plaisir de voir mes deux aînés
sur la petite photo. Sur l’autre je me souviens du clacissisme de ma meilleure
amie restée au look B.C.B.G !…
nte qui vient d’avoir
quatre-vingts ans ?
- Si tu l’avais connue dans las années cinquante ! C’est
elle qui donnait le ton et quand Paris s’embarrassait d’organdis et de taffetas
magnifiait le tissu vichy et les cotonnades joyeuses. La chose était plus
profonde qu’il n’y paraissait. J’étais plus âgée qu’elle mais j’ai quand même
bénéficié de la vague de légèretés
qu’elle inventait chaque jour, de la démonstration publique de sa liberté. Physique et morale. Elle était éclatante avec
ses vingt ans sans limites. Les plus jeunes voulaient lui ressembler, sans
aller si loin les jeunes femmes dont j’étais, essayaient d’oublier carcans et complexes.
Nous bénéficions des portes qu’elle
ouvrait pour nous sur une vie où il n’y aurait pas que des contraintes et des
devoirs, une mode triste et tyrannique mais du plaisir, de la joie, de
l’indépendance.
- Quel enthousiasme, Cora, je ne voyais B.B qu’en vedette de
vieux films, vous allez me faire croire
qu’elle a eu un rôle dans l’évolution du statut des femmes.
- Plus que les jeunes générations ne peuvent l’imaginer.
Bien mieux que les sèches suffragettes,
les excitées du M.L.F elle réussissait une révolution de libération des femmes et l’imposait par le charme et la féminité. Si elle a eu un
énorme succès c’est que, pour des raisons différentes, elle plaisait autant aux
femmes qu’aux hommes.
- Ben, Quel hommage !
- Tiens, j’ai fini la première jambe, essaye le pantalon
pour voir si cela te convient que je
fasse le second ourlet. J’ai mis de côté
pour ma petite fille qui vient en
vacances ces trois vieilles photos.Elle est très adroite de ses mains
et je pense que cela l’amusera de
constater que je me débrouillais aussi. C’est un plaisir de voir mes deux aînés
sur la petite photo. Sur l’autre je me souviens du classicisme de ma meilleure
amie restée au look B.C.B.G !…
Je porte des « modèles maison »
taillés dans des coupons soldés ! Je
n’avais pas appris la couture mais pour coudre je savais me servir d’une règle
et d’un compas ! « Elna » piquait les morceaux ! Pour les
robes d’hiver fabriquer des cols et les monter était trop compliqué. Je les
achetais tout faits en mercerie. Parfois je cousais aux encolures nues, des
colliers de la « bijouterie » des Galeries Lafayette, assortis à la
robe et qui terminaient élégamment mes vêtements d’hiver…
Sur la troisième photo qui date d’un demi siècle mon mari enlace un
fourreau de soie sauvage aux couleurs de l’Océan sortie de mon
« Atelier »
- Quelle débrouillardise !
- Ma grand-mère
disait « Caü pas esta pecs et praoübes ».
- J’ai étudié les langues occitanes et je crois que cela
veut dire : « Il ne faut pas être bête et pauvre », c’est
cela ?
- Exact. Dans mon budget familial le chapitre de ma garde
robe était quasi nul.
- C’était quand même réussi et finalement intemporel.
- Maintenant que je ne m’habille plus mes dépenses personnelles
sont toujours infimes : j’achète aux puces, aux dépôts-vente, aux vide-
greniers où je trouve vraiment ce que j’aime à deux euros la pièce. Cela
divertit beaucoup mes filles.
Tiens voilà tes
ourlets terminés. Si tu as d’autres bricoles à coudre, porte les, tant que j’ai
de bons yeux, cela me plait beaucoup…
Quand tu seras partie
je me ferai un masque à l’argile. Dimanche j’aurai l’immense joie de fêter en
même temps les 60 ans de mon fils et les 50 de la cadette.
- Je comprends, pour une si belle circonstance, mais vous
êtes quand même une fichue coquette !
- Bah ! Ma chère grand-mère disait
encore : « Arrivée à un certain âge il faut tenter de se rendre
supportable »…
La dernière: Saint-Jean de Luz?
RépondreSupprimerEh oui! Brigitte et Saint-Laurent les grands artisans de la femme moderne au moins pour le look!
RépondreSupprimerQuant aux machines à coudre,à pédalier elles étaient encore utilisées dans nos ateliers dans les années 60... les ouvrières les préféraient aux électriques ...
Est-ce par piété filiale que je collectionne leurs pieds de fonte? ou plus vraisemblablement pour leur grade stabilité et leur indifférence à l'usure. Ils font de parfaites tables de jardin; des socles de jardinières...
Le pied! Quant au reste, je crains la machine à coudre même moderne depuis que j'ai vu emmener en ambulance une des ouvrières qui s'était perforé le doigt et d'ailleurs, j'ai la couture en horreur! Pourtant j'ai fait des patchworks... mais c'était surtout une tentative de communication avec ma mère qui elle, de n'importe quoi faisait des merveilles...
Tout cela me rappelle ma grand mère qui était couturière et qui travaillait toute la journée devant sa machine à coudre.
RépondreSupprimer« L’intelligence remonte de la main au cerveau ». Depuis 40 ans que je traine mes guetres dans les ateliers je m'apercois maintenant que je dois-être manchot.
RépondreSupprimerLa robe à pois est à tomber.
Bzzz...
Cela me rappelle très fort ma mamie qui a cousu et broder merveilleusement jusqu'à la fin de sa vie en 1997! Elle avait 93 ans et elle en avait vu elle aussi des changements dans sa vie mais s'était merveilleusement adaptée. Elle aussi avait son Elna! Elle m'a fait beaucoup de vêtement jusqu'à mes 8, 9 ans! Je n'aimais pas du tout les séances d'essayage!
RépondreSupprimerUn billet qui réveille ma mémoire!
J'espère que ce masque, fût-il à l'argile, n'est pas porté en permanence ;-) . J'aime beaucoup la robe à pois et celle portée devant le bateau.
RépondreSupprimerQuel beau témoignage ! J'ai failli zapper ton article, je dois l'avouer, car il me semblait bien long.... Comme j'ai bien fait de lire jusqu'au bout ! Tout ça m'a rappelé l'époque où ma maman cousait tous nos vêtements aidée parfois de l'aide familiale du village que l'on appelait " mademoiselle Pauline"... Je sais qu'elle a toujours été célibataire mais j'avoue ne jamais avoir connu son nom de famille. Il faut que je pose la question à ma maman...
RépondreSupprimerTu as écrit un texte qui m'a beaucoup émue Manouche et j'entends encore derrière les mots le bruit de la machine à coudre de maman, machine à pédale puis machine électrique.... oh comme le temps passe....
Bonne fin de journée à toi :-)
Olá amiga, passei por aqui para desejar-lhe uma abençoada semana.
RépondreSupprimerLindos...tempos de elegância e criatividade plena!
Doce abraço Marie.
Elle avait raison mamie, je crois que:
RépondreSupprimerOn peut encore être élegante après l´avoir été...
;)
Bizz, Manou.