Que raconter des années
suivantes ? Tout était tracé et la vie dans cette période bénie suivait
son cours sans heurts.
Sacha et Aude inséparables
grandissaient en beauté et sagesse dans
ce milieu privilégié. Le directeur de l’école qu’ils fréquentaient avait
produit et édité une petite plaquette, sur le thème « Prépondérance de
l‘acquis sur l’inné » que n’auraient
pas renié ceux, que plus tard, on a appelés « psy et socio psy ».
Puis les jumeaux étaient devenus de
beaux adolescents poursuivant leurs études dans l’ambiance festive des années
folles, folles particulièrement chez les nantis ... Ils avaient de
nombreux amis communs ou particuliers, mais le lien entre Sacha et Aude restait
plus fort que tous les autres. Les parents confiants leur laissaient la bride
sur le cou tout simplement heureux de les voir grandir et se contentant, de leur
part de quelques distraites marques d’affection de plus en plus rares fil des
années. Le père alerte quinquagénaire et la jolie maman avaient leurs propres
occupations et se donnaient en parents modernes en ne s’immiscent pas dans les
intérêts et la vie privée des jeunes gens. Ils formaient une merveilleuse
famille, qu’à part quelques jaloux aigris tout le bourg admirait.
Un bel après midi Adèle, Aude et
deux amies jouaient aux tous nouveaux « mots carrés » dans la véranda
fleurie. Adèle avait besoin du dictionnaire et Aude s’etait souvenue qu’elle
l’avait laissé dans le bureau de son père. Elle poussa en courant la porte
réservée aux patients et s’engouffra dans le cabinet médical. Allongée nue les
jambes écartées sur la table d’examen une jeune femme tendait les bras à
Deberre tout aussi nu, flamberge au vent. Aude s’enfuit en courant défigurée par une expression méchante.
- Maman, maman, père est en
train de faire l’amour avec une patiente dans son cabinet.
- Qu’est ce que tu racontes, ma
chérie, tu es folle tu fais peur à nos amies ! Mais Aude détailla, sans se
faire prier, on dirait même avec un malin plaisir, ce qu’elle avait vu. Adèle était
effondrée, d’autant que ses amies avaient, encore plus vite qu’elle, compris
la situation et prenaient discrètement congé avec une étincelle goguenarde au
fond des yeux. Une heure plus tard le scandale
était connu de toute la ville. Ce qui s’est passé après on le sait par la
cuisinière et le jardinier, par ailleurs mari et femme, et qui, tout à coup, se
sont découvert des griefs vis-à-vis des patrons et se sont fait une joie de tout raconter à la ronde. Devant Aude Adèle s’était déchainée dans une scène
terrible. L’ex douce Adèle échevelée pulvérisait
vaisselle et objets d’art en hurlant pour la première fois de sa vie les jurons
qui lui venaient de loin, par des
générations de mâles Coulange chasseurs de sangliers, c’est dire ! Enfin reprenant
un calme encore plus inquiétant Adèle décidait :
- Je veux que nous nous
réunissions immédiatement tous les quatre, va chercher ton père et ton frère. Devant
ce tribunal impitoyable, Madame dressée comme une furie, le pauvre docteur,
racontait la cuisinière, se faisait tout petit, les larmes aux yeux. Aude et
Sacha, silencieux, semblant réprimer une certaine jubilation se tenaient côte à
côte, assis sur le divan à têtière de macramé. Pierre tête basse :
- Ma chérie je suis vraiment
désolé, je te demande pardon.
-Pardon ? Ce serait trop
facile, tu n’es plus rien pour moi et voilà ce que j’ai décidé…
- Adèle je t’en prie ne fais
rien sur le coup de la colère, nous reparlerons demain...
- Demain ? je ne veux plus
te voir et tu ne mettras plus les pieds dans la maison. Je te cède l’annexe où
tu pourras jouer au docteur vicieux.
- Adèle, Adèle, les enfants…
- Quoi les enfants, seront
bientôt majeurs ils peuvent tout entendre surtout que ta fille t’a surpris en honteuse
attitude.
- Adèle c’est la première fois
que cela se produit et je te jure que c’est la dernière.
Jusque là racontait le jardinier,
planqué derrière un volet entr’ouvert, l’ambiance était plus qu’électrique, elle est devenue
dramatique quand Aude s’est levée accusatrice:
- Maman, reste ferme, ne
l’écoute pas, il y a certainement des années que cela dure, ton mari est un pervers.
-Tais-toi malfaisante, lui
ordonnait Pierre hors de lui, tu vois ce que tu as fait !
- Moi, j’ai fait quelque chose
criait la jeune fille à part obéir à tout ce que tu voulais, d’ailleurs ce que
tu peux dire et faire m’est égal : tu n’es même pas mon père. Pierre et
Adèle abasourdis regardent leur fille puis Sacha qui semblai observer la scène
d’un air, mais oui, amusé ! C’était terrible disait la cuisinière,
monsieur d’habitude si calme était comme un démon.
- Ah ! C’est comme cela et
bien tu vas m’obéir pour la dernière fois : tu vas quitter la maison.
- Cela tombe bien je commençais à être fatiguée
que maman joue à la poupée avec moi et que toi, papa tu me maintiennes
docilement dans cette petite vie provinciale et mesquine. J’ai d’autres
ambitions. Pierre ahuri bégaya :
- Et comment comptes-tu
vivre ?
- Voyons papa aurais-tu oublié
les donations que vous nous avez faites ? Tous vos biens pour nous deux à
notre majorité, il n’y a plus que quelques mois à attendre. Je quitterai la
maison dès demain. Les Deberre étaient effondrés. Adèle se jeta au cou de
Sacha :
- Heureusement que je t’ai mon
chéri. Pierre en larmes ne voit pas, au- dessus de l’épaule frémissante
d’Adèle, le regard tendrement complice qu’échangent les jumeaux.
Le lendemain Pierre sorti
quelque peu hébété sur le pas de
l’annexe entendit des hurlements provenant
du Castillet, plus précisément de la chambre d’Aude. Il y trouva Adèle
en pleine crise de nerfs, si perturbée qu’elle en oublia un instant qu’elle
avait interdit à Pierre de la revoir.
- Mais quelle garce, quelle
garce ! Dans la nuit j’ai été réveillée par le bruit du moteur de la
Panhard…
- Quoi, ma voiture ?
- Evidemment, Aude est partie
avec.
- Ne t’inquiète pas elle va
revenir, nous allons tous nous réconcilier, ce qui s’est passé hier doit être
oublié, viens je vais te reconduire dans
ta chambre. Adèle épuisée se laissa mener, mais ses hurlements reprenaient de
plus belle :
- Mon coffret a disparu, il
était encore là hier après midi, mon coffret ! Tous mes bijoux et tout l’argent pour les dépenses
du mois ! Et tu dis qu’elle va revenir, qu’il faut oublier !
Jamais ! Mais d’abord qu’est ce que tu fais là ? Je t’interdis de
revenir ici, même si je suis moribonde.
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