jeudi 17 janvier 2019

Chapitre III

Que raconter des années suivantes ? Tout était tracé et la vie dans cette période bénie suivait son cours sans heurts.
Sacha et Aude inséparables grandissaient  en beauté et sagesse dans ce milieu privilégié. Le directeur de l’école qu’ils fréquentaient avait produit et édité une petite plaquette, sur le thème «  Prépondérance de l‘acquis sur l’inné »  que n’auraient pas renié ceux, que plus tard, on a appelés « psy et socio psy ». Puis les jumeaux  étaient devenus de beaux adolescents poursuivant leurs études dans l’ambiance festive des années folles, folles particulièrement chez les nantis ... Ils avaient de nombreux amis communs ou particuliers, mais le lien entre Sacha et Aude restait plus fort que tous les autres. Les parents confiants leur laissaient la bride sur le cou tout simplement heureux de les voir grandir et se contentant, de leur part de quelques distraites marques d’affection de plus en plus rares fil des années. Le père alerte quinquagénaire et la jolie maman avaient leurs propres occupations et se donnaient en parents modernes en ne s’immiscent pas dans les intérêts et la vie privée des jeunes gens. Ils formaient une merveilleuse famille, qu’à part quelques jaloux aigris tout le bourg admirait.
Un bel après midi Adèle, Aude et deux amies jouaient aux tous nouveaux « mots carrés » dans la véranda fleurie. Adèle avait besoin du dictionnaire et Aude s’etait souvenue qu’elle l’avait laissé dans le bureau de son père. Elle poussa en courant la porte réservée aux patients et s’engouffra dans le cabinet médical. Allongée nue les jambes écartées sur la table d’examen une jeune femme tendait les bras à Deberre tout aussi nu, flamberge au vent. Aude s’enfuit en courant  défigurée par une expression méchante.
- Maman, maman, père est en train de faire l’amour avec une patiente dans son cabinet.
- Qu’est ce que tu racontes, ma chérie, tu es folle tu fais peur à nos amies ! Mais Aude détailla, sans se faire prier, on dirait même avec un malin plaisir, ce qu’elle avait vu. Adèle était effondrée, d’autant que ses amies avaient, encore plus vite qu’elle, compris la situation et prenaient discrètement congé avec une étincelle goguenarde au fond des yeux. Une heure  plus tard le scandale était connu de toute la ville. Ce qui s’est passé après on le sait par la cuisinière et le jardinier, par ailleurs mari et femme, et qui, tout à coup, se sont découvert des griefs vis-à-vis des patrons et se sont fait une joie  de tout raconter à la ronde. Devant Aude  Adèle s’était déchainée dans une scène terrible. L’ex douce Adèle  échevelée pulvérisait vaisselle et objets d’art en hurlant pour la première fois de sa vie les jurons qui  lui venaient de loin, par des générations de mâles Coulange chasseurs de sangliers, c’est dire ! Enfin reprenant un calme encore plus inquiétant Adèle décidait :
- Je veux que nous nous réunissions immédiatement tous les quatre, va chercher ton père et ton frère. Devant ce tribunal impitoyable, Madame dressée comme une furie, le pauvre docteur, racontait la cuisinière, se faisait tout petit, les larmes aux yeux. Aude et Sacha, silencieux, semblant réprimer une certaine jubilation se tenaient côte à côte, assis sur le divan à têtière de macramé. Pierre tête basse :
- Ma chérie je suis vraiment désolé, je te demande pardon.
-Pardon ? Ce serait trop facile, tu n’es plus rien pour moi et voilà ce que j’ai décidé…
- Adèle je t’en prie ne fais rien sur le coup de la colère, nous reparlerons demain...
- Demain ? je ne veux plus te voir et tu ne mettras plus les pieds dans la maison. Je te cède l’annexe où tu pourras jouer au docteur vicieux.
- Adèle, Adèle, les enfants…
- Quoi les enfants, seront bientôt majeurs ils peuvent tout entendre surtout que ta fille t’a surpris en honteuse attitude.
- Adèle c’est la première fois que cela se produit et je te jure que c’est la dernière.
Jusque là racontait le jardinier, planqué derrière un volet entr’ouvert, l’ambiance  était plus qu’électrique, elle est devenue dramatique quand Aude s’est levée accusatrice:
- Maman, reste ferme, ne l’écoute pas, il y a certainement des années que cela dure, ton mari est un pervers.
-Tais-toi malfaisante, lui ordonnait Pierre hors de lui, tu vois ce que tu as fait !
- Moi, j’ai fait quelque chose criait la jeune fille à part obéir à tout ce que tu voulais, d’ailleurs ce que tu peux dire et faire m’est égal : tu n’es même pas mon père. Pierre et Adèle abasourdis regardent leur fille puis Sacha qui semblai observer la scène d’un air, mais oui, amusé ! C’était terrible disait la cuisinière, monsieur d’habitude si calme était comme un démon.
- Ah ! C’est comme cela et bien tu vas m’obéir pour la dernière fois : tu vas quitter la maison.
-  Cela tombe bien je commençais à être fatiguée que maman joue à la poupée avec moi et que toi, papa tu me maintiennes docilement dans cette petite vie provinciale et mesquine. J’ai d’autres ambitions. Pierre ahuri bégaya :
- Et comment comptes-tu vivre ?
- Voyons papa aurais-tu oublié les donations que vous nous avez faites ? Tous vos biens pour nous deux à notre majorité, il n’y a plus que quelques mois à attendre. Je quitterai la maison dès demain. Les Deberre étaient effondrés. Adèle se jeta au cou de Sacha :
- Heureusement que je t’ai mon chéri. Pierre en larmes ne voit pas, au- dessus de l’épaule frémissante d’Adèle, le regard tendrement complice qu’échangent les jumeaux.
Le lendemain Pierre sorti quelque peu hébété  sur le pas de l’annexe entendit des hurlements provenant  du Castillet, plus précisément de la chambre d’Aude. Il y trouva Adèle en pleine crise de nerfs, si perturbée qu’elle en oublia un instant qu’elle avait interdit à Pierre de la revoir.
- Mais quelle garce, quelle garce ! Dans la nuit j’ai été réveillée par le bruit du moteur de la Panhard…
- Quoi, ma voiture ?
- Evidemment, Aude est partie avec.
- Ne t’inquiète pas elle va revenir, nous allons tous nous réconcilier, ce qui s’est passé hier doit être oublié, viens  je vais te reconduire dans ta chambre. Adèle épuisée se laissa mener, mais ses hurlements reprenaient de plus belle :
- Mon coffret a disparu, il était encore là hier après midi, mon coffret ! Tous  mes bijoux et tout l’argent pour les dépenses du mois ! Et tu dis qu’elle va revenir, qu’il faut oublier ! Jamais ! Mais d’abord qu’est ce que tu fais là ? Je t’interdis de revenir ici, même si je suis moribonde.

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