Chapitre I
Le docteur Pierre Deberre était aimé de tous. Héros de la grande
guerre, du côté de Verdun, il en était revenu miraculeusement indemne et bardé
de médailles. Il avait gardé son physique athlétique de joueur de la toute
récente équipe de rugby crée juste avant
le terrible conflit. Il avait choisi après la victoire de s’installer à Salies une coquette bourgade du Béarn qui
avait décidé, dans l’euphorie de l’après guerre, de mettre en avant, les propriétés de ses eaux thermales et qui accueillait à
bras ouverts les médecins partisans de médecines douces.
Arrivé célibataire il ne l’était
pas resté longtemps. Il s’était présenté aux autorités et notables du coin et
avait fait très bonne impression. En particulier chez les de Coulange de noble lignée et puissants propriétaires
terriens. Au sein de cette famille la jeune et belle Adèle avait senti son cœur
gracieux de vingt printemps être fort ému. Le père de Coulange pensa que pour
son héritière aucun parti ne serait meilleur, il ne fit aucun obstacle à les marier. En dot il offrit à
Adèle un petit château entouré de
verdure. La mère d’Adèle regrettait seulement que sa fille doive troquer son
élégant patronyme contre un nouveau moins
prestigieux jusqu'à ce que le notaire de la famille l’assure qu’il serait possible,
contre espèces sonnantes et trébuchantes, de résoudre le problème. Elle se
trouva rassérénée en imaginant que sa fille pourrait s’appeler Adèle de Coulange de Berre. Les
épousailles furent l’événement dont on parla longtemps jusqu’aux frontières du
canton. Toute la population se réjouit excepté les quelques rouges qui
refusèrent l’invitation et critiquèrent vertement dans leur bulletin local, distribué
au marché et la sortie de la messe, cette coutume d’un autre âge.
Adèle sut aménager le Castillet
de telle sorte qu’une aile soit agencée spécialement pour son médecin
d’époux. Une entrée indépendante donnait
sur une salle d’attente avec toilettes.
Le cabinet de consultation était vaste et pourvu des dernières nouveautés de la
médecine. A l’époque c’était une vraie bénédiction pour les patients dont
beaucoup ne regrettaient pas d’être malades pour être soignés par le bon
docteur dans sa blouse blanche immaculée et s’allonger sur cette somptueuse couchette de cuir la seule de son
espèce dans tout le département. Les
paysans ouvraient des yeux émerveillés sur les tableaux qui ornaient les murs
immaculés, le bureau et la grande armoire du médecin dont l’instituteur avait
expliqué qu’ils étaient « empire ». Un peu intimidés au début les
pratiques si bien accueillies s’étaient senties très à l’aise d’autant que
Deberre ne faisait payer que les riches. Il y avait même un bocal de berlingots
pour les enfants…
- Pierre, reprochait souvent le
père De Coulange, vous êtes trop généreux, on m’a même rapporté que vous
soignez gratuitement, même la femme d’Arturo Gonzalès le communiste le plus
virulent du pays, il faut vous faire respecter, sacrebleu ! Patiemment
Deberre se justifiait arguant que dans sa profession, comme à la guerre, il n’y
avait que des êtres souffrants.
- Que m’importe, père, leur
couleur, leur religion, leurs idées politiques, ils sont tous égaux devant la
maladie- - -
- Pierre, ce sont vos idées, si je les déplore, je les respecte mais surtout n’allez pas les divulguer et jeter le trouble dans notre société harmonieuse…
- Pierre, ce sont vos idées, si je les déplore, je les respecte mais surtout n’allez pas les divulguer et jeter le trouble dans notre société harmonieuse…
Un homme et un professionnel intégré ..
RépondreSupprimerUne abraçada manouche ..