vendredi 18 janvier 2019

Cbapitre IV et dernier


Depuis cette crise un étrange mode de vie s’installa. Adèle mortifiée se calfeutrait dans ses appartements, ne voulait voir personne. Pierre vivait dans l’annexe, il y recevait une clientèle raréfiée, sortant pour prendre ses repas dans un modeste restaurant de la place du Monument aux Morts. En ville le scandale s’était apaisé mais le docteur ne pouvait ignorer les changements d’attitude de ses amis notables. (Certains avaient beaucoup plus à se reprocher mais avaient eu la chance de ne pas s’être fait attraper). Pierre était surtout malheureux d’avoir perdu si bêtement femme et fille. L’attitude de Sacha était très ambiguë. Il était triste avec un air de reproche quand il prenait ses repas avec sa mère qui l’accablait d’une tendresse qu’il ne partageait pas. Il ne venait voir son père que s’il y était invité. Il s’absentait souvent, parfois quelques jours, il revenait très excité en restant secret sur ses activités.
 Par la cuisinière Pierre apprit qu’Adèle, sans l’en avertir, s’était retirée au couvent des Bénédictines. Son chagrin fut immense. Il en parla avec Sacha, qui se trouvait maintenant seul au Castillet lequel lui assura avoir été toujours en rapport avec Aude tout en refusant  de lui fournir le moindre renseignement. Pierre voyait que de nombreux  jeunes visiteurs fréquentaient la maison mais il n’était jamais invité. Pierre aurait voulu partager avec son fils, comme avec ses amis au café, ses craintes par rapport aux événements dramatiques qui avaient lieu en Europe tout cet été 1939 mais Sacha était de plus en plus souvent absent. Pierre se sentait vieux, avait besoin qu’on le rassure, qu’on lui confirme que la guerre qu’il avait vécue était bien la « der des der »…


Vers la fin du mois d’Août il constata que les volets étaient fermés, le Castillet déserté. Intrigué Pierre poussa la lourde porte d’entrée restée ouverte. La grande salle à manger avait à l’évidence servi de salle de réunion, la longue table était recouverte de verres sales, de cendriers débordant de mégots. Ça et là trainaient des cartes du nord et de l’est de la France. Pierre se refusait à admettre l’évidence, pourtant horrifié, il ne put que s’y résoudre à la lecture de quelques tracts d’inspiration nazie et de  maquettes de drapeaux à l’aigle impérial oubliés sur la desserte. Deberre sortit en titubant. Son fils parti rejoindre les assassins de la Pologne ! Rien ne lui aura été épargné.
Le lendemain, entre les frondaisons, depuis le portail, le facteur  aperçût le corps de Pierre qui se balançait sous le gros chêne.
Le même jour, partout sur les murs des édifices publics, sous les yeux terrifiés de la population, on placardait l’avis de Mobilisation Générale.

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4 commentaires:

  1. La vie provinciale….Ses façades, ses secrets. J'ai beaucoup aimé ton texte. Bravo !

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  2. Histoire intéressante, c'est la vraie vie ..
    Una abraçada manouche..

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  3. C'est une histoire vraie que les 'anciens" citaient chaque fois à propos des "dangers de l'adoption"...

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  4. C'est bien te revoilà repartir dans les chaitres , nous aimaons je l'ai copié et je te ferai un retour plus tard , je t'embrasse. les mots comme ont les aime.
    je t'embrasse

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