mardi 23 avril 2019

Conversation-39-avec Cora





_ Bonjour, Cora, vous voilà plongée dans un album de photos.
-Regarde celle là avec ces deux nigauds au garde à vous le regard perdu après la cérémonie des fiançailles qui les liait pour quatre ans ! C’était ainsi à l’époque il fallait que le jeune homme ait un travail et soit capable de nourrir une famille avant de se marier. Mon fiancé avait intégré les Arts et Métiers et je devais l’attendre  quatre ans chaste et patiente !
- C’était dingue !
- A qui le dis-tu ! C’est alors que j’ai décidé, pour être en harmonie avec lui, de faire des études scientifiques. Me voilà à Bordeaux inscrite en M.S.T (mathématiques, sciences et techniques) à la Faculté de Sciences qui se trouvait où est l’actuel Musée d’Aquitaine. Il existait alors trois bacs : Lettres, Sciences et Maths. Avec mon  bac sciences, un peu court en maths c’était une gageure et j’avais passé l’année le nez dans les bouquins. Pour que ma préparation soit plus poussée je m’étais inscrite au concours d’entrée de l’Ecole de Radio Electricité. (Je pense qu’elle a du évoluer avec une appellation plus glamour !). Je te raconte tout cela pour que tu réalises ce que vivaient les femmes au milieu du vingtième siècle…Bon, j’avais décroché le diplôme de M.S.T et fait fièrement partie des seize qui avaient réussi le concours d’entrée à l’école d’ingénieurs.
-Bravo, de quoi vous plaignez vous ?
_ Le lendemain de la publication des résultats j’avais été appelée chez le directeur de l’’Ecole, monsieur Cau, dont la rumeur disait qu’il était un génie. La tragédie de Malpasset était toute récente…
-De quoi s’agissait-il ?
- De la rupture d’un barrage qui avait provoqué une inondation meurtrière dans la vallée jusqu’à Fréjus, plus de quatre cents morts, des villages entiers engloutis. Et bien, souviens toi qu’il n’y avait pas alors d’ordinateurs, c’est à monsieur Cau qu’avait été confié les calculs de reconstruction du barrage. Nous étions éperdus d’admiration d’avoir un Directeur si prestigieux. Je ne l’avais jamais vu.
-Me voila debout devant son bureau, lui assis derrière avec sur le nez une paire de ces toutes nouvelles demi lunettes.
- Ah vous voila, « la » fille au milieu de quinze garçons un vrai problème  pour moi,  pour vous  aussi les quatre années qui vous attendent seront très dures vous n’arriverez pas au bout. Depuis trente ans que l’Ecole existe il n’y a eu qu’une fille et, me toisant par dessus ses lunettes, quand je vous regarde je me demande si c’était bien une fille !!!!! Le salaud !
J’ai donc démissionné et comme je te l’ai raconté entrepris des études de droit.
- Tout de même il y a encore fort à faire, mais à votre époque ce n’était vraiment pas facile.
- Tu veux bien ranger ces photos, je ne suis pas nostalgique surtout de ma jeunesse. Passe-moi plutôt l’album de mes petits enfants, qui me font vivre par procuration, que je me régale de leurs frais minois !

6 commentaires:

  1. Même sans faire d'études prestigieuses, c'était ce que les femmes rencontraient, ce mépris habituel pour la moindre velléité de se sortir du rôle de la ménagère si utile à la société et au bienfait de l'Homme. Est-ce que cela a vraiment changé ? Parfois, j'en doute, car au rôle de femme de ménage c'est ajouté celui de la femme sexy qu'on aime bien exhiber... J'ai bien aimé ton texte qui m'a immédiatement "accrochée". Belle journée!

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  2. Je suis contant parce que tes entretiens avec Cora soient revenus.
    Je comprend que estait tres dificile pour une femme aux débuts du S. XXeme devenir ingenieur... Il y avait tros de salauds monachovinists.

    (Excuse-moi, je n'ai pas d'accents)

    Salutations à Cora, je t t´embrasse a toi.

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  3. Le sort des femmes n'était pas enviable à
    cette époque La ménagère et pas plus.
    Avec les années cela a évolué pour devenir
    le contraire maintenant des femmes aussi fortes,
    veulent-t-elles, si ce n'est plus que le mari.
    Bises de Nicole

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  4. Cela coûte, cela a coûté, et cela coûtera… mais progressivement et inexorablement, le monde sera composé de femmes…
    Una abraçada manouche.. Je vais et viens, en ces jours je voyage énormément ...

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  5. Comme quoi le destin peut tenir à une seule phrase !

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  6. Un vrai salaud, sans doute!!
    :(

    Bizz, Manou.

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