samedi 27 avril 2019

"La conjuration des imbéciles"

Le roman du roman.


L’éditeur avait reçu à contre cœur cette mère portant le manuscrit de son fils, un volumineux  gribouillis illisible qu’elle déclarait « exceptionnel » . Une mère,évidemment !
Son récit tournait au drame quand elle apprit à l’éditeur que son fils s’était suicidé   en 1969 à trente deux ans pour la seule raison que pas un seul éditeur ne s’était aventuré  à la publication de son ouvrage !
 Apitoyé, résigné l’éditeur ne l’était pas resté longtemps, de plus en plus enthousiasmé  par la lecture de cet étrange monument ! Écrit au début des années 1960  le livre sera  donc édité seulement  en 1980 il connut un  grand succès et fut couronné par le prix Pulitzer en 1981.
« La conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole a pour anti héros une sorte de Don Quichotte adipeux et  hypocondriaque, espèce de Hardy aussi râleur que Laurel, accroché à sa mère qu’il rabaisse méchamment. Entouré d’un petit monde grouillant qui ne pense qu’à survivre de petits boulots en mini-escroqueries dans la moiteur étouffante du bayou, il fustige, en paroles méchantes, tout et tous. Qu’il soit en chemise de nuit plus que douteuse ou au cinéma se goinfrant de popcorns il manifeste un mépris cinglant contre Freud, les homosexuels, les hétérosexuels, les travestis, les noirs, la vie moderne… enfin le monde entier résumé dans le microcosme sordide des bas quartiers de la Nouvelle Orléans.
Cette gargantuesque tragi-comédie  qui met en scène une multitude de personnages qu’on dirait extraits d’un de  ces dessins foisonnants de Dubout est parcourue des fulgurances philosophiques d’un moraliste impuissant. Cette grosse farce jubilatoire n’est pas dépourvue  d’un humanisme un peu pervers qui fait que le rire anime toute cette originale philosophie.
J.K Toole avait placé en tête de son livre cette citation de Swift :
« Quand un vrai génie apparait en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui. »

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